Dans un message à ses clients, Société Générale annonce une mise à jour majeure de ses outils de banque à distance pour cet automne. Outre l'arrivée imminente de Wero et l'introduction de nouveaux assistants intelligents, dont on surveillera la qualité, le changement le plus notable est le retrait de l'agrégation de comptes externes.
Autrefois, avant que l'ouverture des données bancaires ne devienne une exigence réglementaire, rendant donc la tâche d'autant plus compliquée, offrir aux clients la faculté d'assembler une vue à 360° de l'ensemble de leurs comptes, quel que soit l'établissement dans lequel ils sont détenus, représentait un passage obligé de la différentiation concurrentielle. Des efforts considérables étaient également déployés afin d'améliorer l'ergonomie de cette fonction, à travers, entre autres, l'adjonction de descriptifs intelligibles sur les transactions et leur catégorisation budgétaire.
La décision de Société Générale révèle la triste réalité derrière les ambitions – et les illusions – des débuts : les clients n'ont jamais véritablement adhéré à la proposition et diverses sources font ainsi état d'un taux d'adoption généralement compris entre 5 et 10%, pour un niveau de satisfaction médiocre, justifiant difficilement les coûts de fonctionnement et de maintenance associés. Les raisons de cette désaffection sont nombreuses et j'en ai régulièrement évoquées certaines dans ces colonnes.
Il est d'abord question de positionnement. Si les banques se sont lancées dans l'agrégation, c'est surtout dans une réaction défensive destinée à s'assurer de conserver et entretenir les interactions avec des utilisateurs tentés par le recours à d'autres intermédiaires. Malheureusement, cette approche à reculons n'a pas encouragé la création d'expériences utilisateur optimales, ni l'ajout de capacités complémentaires susceptibles de rivaliser avec les spécialistes pour lesquels l'enjeu est la survie.
D'autre part, et de manière plus cruciale, le principe même, tel qu'il a été et est encore décliné dans l'immense majorité des cas, ne répond à aucun besoin des populations visées. La seule possibilité de disposer d'un aperçu extensif de son argent et de l'historique des flux n'est guère utile à des personnes qui sont avant tout préoccupées par l'avenir, qu'il s'agisse d'un achat à réaliser dans la minute ou de leurs rêves lointains, et pour lesquelles l'obstacle est l'aptitude à la projection et l'anticipation.
C'est justement dans cette perspective que l'abandon programmé par Société Générale paraît extraordinairement inopportun. En effet, alors qu'elle nous promet un « accompagnement au quotidien fondé sur l'analyse des données bancaires de l'abonné » et un « compagnon placement » offrant des « conseils en adéquation avec sa situation patrimoniale et budgétaire », elle se défait de l'opportunité de réduire dans ces traitements l'angle mort des comptes externes, pourtant de plus en plus significatif.
L'enseigne rouge et noire semble de la sorte manquer une double occasion. D'une part, la mise en place d'un assistant personnalisé aurait pu fournir un prétexte idéal à l'utilisation du service d'agrégation et redonner à ce dernier un coup de pouce bienvenu. D'autre part, en l'absence de cette option, elle prend le risque que ses nouveaux modules de conseil, s'appuyant sur des données partielles, perdent en pertinence et, en conséquence, n'acquièrent pas la confiance dont ils ont grand besoin pour s'imposer.
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