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C'est pas mon idée !

jeudi 19 juin 2025

Réflexions sur la modernisation du SI

Tonalités InsurTech
Invité par Florian Graillot à m'exprimer dans son podcast Tonalités InsurTech sur les systèmes d'information vieillissants des institutions financières, je vous propose de prolonger la thématique avec quelques réflexions – de bon sens mais qu'il me semble utile de rappeler – autour de la mise en place d'une stratégie de modernisation.

Commençons donc par les évidences. Comme tout projet, et encore plus quand il est question d’une transformation qui va mobiliser des centaines de personnes et des milliards pendant des années, il est important de respecter quelques jalons impératifs, sur lesquels je reviendrai : établissement de l’état des lieux, définition de la cible désirée, choix d’approche et élaboration du plan de route, qui devront naturellement déboucher ensuite sur des phases de réalisation et de déploiement (que je ne couvrirai pas ici).

Selon moi, la première étape est à la fois la plus importante et la plus négligée, ce qui, incidemment, s’explique aussi parce qu’elle est particulièrement complexe et frustrante. Pour le niveau d’ambition dont il est question, il faut en effet disposer d’une cartographie détaillée du patrimoine informatique. Or celle-ci, quand elle existe (ce qui est loin d’être toujours le cas), est souvent fragmentée et parcellaire, alors que seule une vision d’ensemble permettra d’avancer sereinement, en maîtrisant les risques.

L’exercice auquel je pense porte sur plusieurs dimensions. La première est architecturale, avec un recensement des composants sur les différentes couches d’architecture (matérielle, technique, applicative, fonctionnelle). Sur ce fond de carte, il faut ensuite identifier les relations et dépendances entre éléments, également sur chaque niveau. À ce stade vous devriez avoir un bon aperçu du cauchemar qui vous attend pour la suite (l’exemple, ancien, de Rabobank vous en donnera une idée).

Autre aspect à intégrer, celui de la performance des systèmes. Pour chaque brique, on identifie ses forces et faiblesses (propension aux pannes, limitations connues lors d’évolutions, tensions sur les ressources, besoins de maintenance, inadéquation aux attentes…), de manière à repérer rapidement les point les plus sensibles. En croisant ces données avec les estimations de criticité – directe ou indirecte (par dépendance) –, vous pourrez dégager une vue préliminaire des axes prioritaires de rénovation.

Tonalités InsurTech – Modernisation du SI

En comparaison, la définition d’une cible est plus aisée. Mais elle recèle aussi ses pièges. En tête de liste, je place l’impossibilité pour beaucoup de personnes, notamment celles qui ont de l’expérience et de l’ancienneté, à qui est fréquemment confiée la tâche, de s’abstraire de l’existant, ce qui les conduit à brider les opportunités. Par exemple, qui pensera à renverser les habitudes afin de mettre enfin le client au centre de la banque… et donc du système d'information (au lieu de la tenue de compte) ?

Dans un autre registre, il paraît généralement difficile de projeter les objectifs à considérer sur ce que sera le marché à une échéance lointaine, ce qui est pourtant indispensable. Même si des ajustements sont toujours possibles (et souhaitables) pendant la vie de la démarche, ce que l'on construit pour les 20 prochaines années, qui ne sera disponible que, au mieux, dans cinq ans, doit être envisagé pour le monde de cette période lointaine, pas celui d'aujourd'hui (et encore moins celui d'hier).

Enfin la sélection de l’approche de modernisation représente un dilemme inextricable. Les travaux précédents donnent normalement les moyens d’évaluer les risques et les coûts des scénarios (y compris celui dans lequel rien n'est fait) avec un minimum de précision, procurant ainsi des critères relativement factuels et objectifs. Mais la décision finale restera toujours délicate à prendre. En me cantonnant à deux options que je tends à privilégier, voici néanmoins quelques suggestions d’orientation.

Si des faiblesses majeures ressortent sur l’expérience client, il peut s’avérer raisonnable de créer une nouvelle banque, par exemple destinée à une population spécifique, qui pourra être conçue en alignement avec la cible, avec le maximum d'indépendance de la structure historique. Lorsqu’elle aura atteint la maturité, elle prendra la place de la solution obsolète. En revanche, si le cœur du système semble être le plus fragile, une première étape d’isolation (via une couche d’interfaces) permettra d’anticiper un remplacement. La difficulté est alors de concevoir ces interfaces sans se préoccuper des contraintes du présent : elles doivent être développées pour le futur cœur.

Ce ne sont là que quelques pistes de réflexion issues de mes observations des manières de travailler dans les départements informatiques des grands groupes, à travers leur propre transformation sur les (environ) quatre dernières décennies. Notez que, quelle que soit votre position par rapport à l'hypothèse d'une modernisation, la réalisation d'un état des lieux exhaustif et détaillé vous sera toujours utile…

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