À nouvelle expérimentation avec une monnaie « digitale », en l'occurrence celle de DBS Hong Kong au sein du programme e-HKD de l'autorité monétaire locale, nouvelle occasion de consternation : la valeur démontrée paraît si absurdement dérisoire qu'on se demande qui peut croire aux discours triomphateurs accompagnant l'annonce.
Nous voici donc devant un projet pilote, apparemment organisé en champ clos, donc sans même quelques cobayes pour donner un peu de réalité aux résultats, qui promet de capitaliser sur la « tokénisation » (je cherche toujours un équivalent français) et la programmabilité du dollar virtuel pour optimiser le fonctionnement d'un système de bons d'achat spécialisés. Pour la démonstration, ces derniers sont émis par la plate-forme dédiée ZERO2, en contrepartie d'actions en faveur de l'environnement.
Ces récompenses comportent une limitation, supposée justifier les efforts déployés : elles ne peuvent être utilisées que pour des emplettes dans des commerces pré-déterminés (partenaires de l'opération). Le mécanisme mis en œuvre consiste donc à restreindre les transactions possibles avec les e-HKD distribués dans ce cadre (contrairement à ceux, identiques, qui seraient accessibles sous forme générique), grâce à un de ces contrats intelligents qui font tant rêver les passionnés de blockchain.
Or ce genre de capacité de filtrage de l'acceptation existe depuis des années sur le plus populaire des instruments de paiement traditionnels. Des centaines d'établissements à travers le monde entier – banques historiques et jeunes pousses confondues – en font la promotion dans leurs offres de cartes à destination des enfants ou des salariés d'entreprises, notamment. Et, dans tous ces cas, la spécification des autorisations accordées est en outre déléguée de manière plus ou moins sélective.
Si les responsables de ces initiatives tiennent vraiment à évaluer les mérites des monnaies « digitales », ils devraient se pencher en priorité sur des bénéfices inédits, sur des cas d'usage irréalisables avec les moyens universellement disponibles aujourd'hui, qui ont fait leurs preuves. Pourquoi chercher à défendre une innovation technologique si elle ne procure aucun avantage dans ses usages ? Pourquoi investir des budgets conséquents dans des tests répliquant ce que nous savons déjà faire ?
Une décennie plus tard, la blockchain et sa déclinaison sur les euros, dollars, livres sterling, yuans… continuent de projeter un mirage auprès de décideurs qui choisissent d'ignorer le principe élémentaire d'une innovation réussie : la focalisation sur ses applications et ses utilisateurs (ou clients) plutôt que sur l'ingénierie de sa conception. Des ressources considérables sont malheureusement gaspillées à poursuivre des chimères faute de commencer par la bonne question : quel est le besoin ?
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