L'ouverture des données bancaires inscrite dans la deuxième directive des services de paiement (DSP2) n'était qu'une mise en bouche. Dans le cadre du futur règlement sur la gouvernance des données, la Commission Européenne introduit aujourd'hui des mesures destinées à garantir l'accès aux informations produites par les appareils connectés.
L'enjeu sous-jacent n'échappe à personne. Notre environnement est truffé de capteurs et autres dispositifs en tous genres qui, à chaque instant, collectent et enregistrent des quantités phénoménales de données dites « industrielles » (par opposition à des données personnelles), en perpétuelle croissance depuis des années. Or la majeure partie de ce véritable trésor – jalousement gardé par les fabricants (aux tendances parfois hégémoniques) des équipements qui les génèrent – n'est jamais exploitée.
Le premier objectif du texte proposé vise donc à démultiplier les usages et, de la sorte, encourager l'innovation. Ses auteurs estiment que les nouveaux services susceptibles d'être développés grâce à la libération de ce capital numérique dégageraient 270 milliards d'euros de PIB d'ici à 2028. En parallèle, des considérations d'équité dans l'univers « digital » sont également mises en avant, à la fois en matière de stimulation de la concurrence sur certaines activités et de démocratisation de l'accès aux données.
Le principe directeur consiste à permettre aux utilisateurs d'objets électroniques de profiter comme bon leur semble des informations que ceux-ci créent, en temps réel. Il sera par exemple possible de les transmettre à un acteur tiers offrant une prestation additionnelle (une exclusion est tout de même prévue vis-à-vis d'une concurrence directe avec la solution d'origine). Sont ainsi évoquées à titre d'illustration des possibilités (applicables à un véhicule) autour de la maintenance prédictive ou de l'entretien.
Afin de faciliter le recours aux données partagées et la concrétisation des opportunités promises, un travail complémentaire est engagé qui devrait aboutir à la conception de « data spaces ». Il s'agirait d'assembler et de déployer, pour des domaines particulièrement stratégiques (finance, santé, agriculture, transports et mobilité, secteur public, énergie…), une gouvernance, des infrastructures et des outils (de consolidation, de traitement, de distribution) communs favorisant l'interopérabilité des systèmes.
Les assureurs, qui s'inquiètent depuis plusieurs années de la mainmise des constructeurs automobiles sur le flux d'information engendré par les voitures modernes (jusqu'à avoir lancé une pétition en 2017), figurent potentiellement parmi les grands gagnants de l'initiative européenne. Ils devraient également être aux premières loges pour en bénéficier dans d'autres domaines (santé, agriculture…), pourvu qu'ils apprennent à capitaliser sur les possibilités autorisées par cette nouvelle manne virtuelle.
En conclusion, il reste tout de même à s'interroger sur la faisabilité réelle du plan tel qu'il est dessiné par la Commission. Sans même évoquer leurs réticences, il risque d'être difficile pour nombre de fournisseurs de technologies de répondre rapidement aux exigences formulées, pour lesquelles il est tout au plus suggéré qu'ils obtiendraient une compensation des coûts de transfert. En outre, la mise en œuvre des « data spaces », facteur critique d'utilisabilité et donc de succès, risque d'être longue et douloureuse…
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