La vie est dure pour American Express. Je ne parle pas de ses résultats, qui restent extrêmement flatteurs, mais plutôt de son horizon à moyen et long terme. Voilà une entreprise attaquée sur plusieurs fronts simultanément, dont on perçoit le désir de riposter par la transformation… mais qui revient toujours à ses vieilles habitudes.
Depuis longtemps, son activité historique sur les cartes se voit menacée par l'émergence de nouveaux moyens de paiements, en ligne ou mobile, notamment. Plus récemment, a commencé à se dessiner une désaffection des consommateurs, jeunes en particulier, pour son modèle de crédit. Puis, il y a deux ans, la crise sanitaire a sérieusement affecté une partie de son marché affinitaire avec les acteurs du tourisme. Et maintenant, ce sont les trublions du règlement fractionné qui lui font de l'ombre.
Sur ce dernier volet, comme d'autres victimes du succès fulgurant du BNPL, American Express a adopté une position défensive en déployant sa propre solution, relativement peu compétitive par rapport aux leaders du secteur. Et en ce qui concerne l'évolution générale de ses métiers, que propose-t-elle donc de nouveau à ses porteurs ? Un compte courant, sur lequel elle plaque quelques capacités parmi celles qu'elle maîtrise le mieux, à savoir essentiellement un programme de récompenses sur les achats.
Plus précisément, l'offre Rewards Checking, accessible sans frais et sans exigence de solde minimal, promet une rémunération « attractive » sur les dépôts (au taux de 0,5%) et s'accompagne d'une carte de débit, complémentaire de leur carte de crédit pour les porteurs actuels. Celle-ci autorise des retraits gratuits sur un vaste réseau d'automates et, surtout, est assortie d'un mécanisme de cashback sur toutes les dépenses réalisées, dont les points accumulés peuvent être convertis directement en dollars sur le compte.
À dix ans d'intervalle, cette nouveauté ressemble fort à une déclinaison de l'aventure Bluebird concoctée à l'époque pour Walmart. Pour la dimension innovante, on repassera. Et pour le reste, les questions abondent : à qui s'adresse ce produit, quels sont ses objectifs, quelle est l'ambition sous-jacente…? Car, en 2022, les banques « digitales » ne manquent pas aux États-Unis et beaucoup ont des arguments plus convaincants que celle d'American Express. La maturité des consommateurs aidant, il n'est même pas certain que le prestige de la marque et la confiance qu'elle inspire aient un impact sensible.
Autant la création, l'année dernière, d'un compte bancaire pour les PME autour de la plate-forme de financement qu'elle avait acquise précédemment (Kabbage) semblait cohérente avec une stratégie de diversification, vers une proposition de valeur intégrée, autant, à ce stade, ce Rewards Checking et ses maigres avantages laissent perplexe, et encore plus quand on considère le coût qu'ils représentent. L'initiative donne de la sorte l'impression inquiétante de n'avoir pas été profondément réfléchie.
En arrière-plan, American Express fait ici la démonstration de la difficulté pour une entreprise de se réinventer face à une puissante pression extérieure. Si elle réussit ponctuellement quelques-unes de ses incartades hors de son domaine de confort, elle le doit à ses collaborations avec des acteurs issus d'un autre monde (outre Kabbage, un autre cas est celui de son expérimentation de planification financière). À l'inverse, ses efforts internes, auto-centrés, sont stériles, exposant une culture immobiliste…
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