L'inconvénient que je ressens à surveiller l'innovation dans les services financiers depuis si longtemps est l'impression de plus en plus fréquente de voir revenir les mêmes idées, en me demandant à chaque fois s'il existe une différenciation suffisante pour transformer les échecs d'hier en succès de demain. Jugez vous-mêmes avec le cas de PayTile.
La solution de cette jeune pousse américaine, présentée comme inédite par son partenaire bancaire Cross River, rappelle pourtant le paiement par « bump » lancé par PayPal en… 2010, suivi peu après par quelques imitations (notamment de Citi et ING) et déjà remis au goût du jour plus récemment (en 2018) par Monzo. Souvent agrémenté de variantes, son principe fondamental est simple : il s'agit de valider un échange d'argent entre deux personnes, en face à face, par la proximité de leurs smartphones.
Quelles nouveautés introduit donc PayTile pour espérer faire mieux que ces précédents, qui n'ont guère suscité l'enthousiasme, jusqu'à être abandonnés, pour la plupart, alors qu'ils n'étaient qu'accessoires depuis leur origine ? Le progrès technologique, et, plus précisément, la formidable amélioration de la qualité et de la performance de la géolocalisation sur les téléphones modernes, constitue un premier facteur important, permettant d'envisager une fiabilité qui n'était pas toujours au rendez-vous autrefois.
Ensuite, le positionnement a profondément changé. La cible privilégiée ne réside plus dans les transferts entre amis mais plutôt dans la substitution aux transactions historiquement réalisées en espèces (pourboire, achats sur le marché…), avec leur garantie d'anonymat absolu. Surfant sur la préoccupation contemporaine de protection de la vie privée, la promesse consiste ainsi à garantir qu'aucune information n'est transmise, hormis l'argent, entre les parties (si elles en expriment la demande).
Enfin, PayTile ajoute une fonction supplémentaire à sa palette dans le but évident de marquer son originalité dans la jungle des méthodes de paiement de pair à pair. Avec « Money Drop », un utilisateur a la possibilité de laisser une somme d'argent (ou tout autre bien numérique) dans un lieu donné, pour être collectée par quiconque se présente à cet endroit exact. La startup suggère le recours à cette option à des fins de marketing, par exemple pour attirer des visiteurs vers un commerce ou un événement.
Ces quelques particularités parviendront-elles à faire décoller PayTile ? L'argument de l'anonymat est certes susceptible d'intéresser les consommateurs, surtout quand tous les instruments « digitaux » actuels rivalisent de captation de données personnelles…, mais il interdit également les systèmes de promotions, les mécanismes de cashback et autres programmes de fidélité, dont les américains (surtout) sont tellement friands et qui contribuent à la popularité de ces solutions, aussi invasives soient-elles.
Je me demande parfois si les entrepreneurs qui imaginent un concept qu'ils croient innovant et y consacrent leurs efforts prennent le temps d'explorer et analyser les expériences du passé. Dans nombre de cas, il découvriraient des tentatives similaires, dont la connaissance leur permettrait certainement d'éviter de reproduire des erreurs connues et d'accélérer leur développement en capitalisant sur des acquis solides.
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