À rebours d'une tendance générale qui voit, par exemple, Stripe remplacer à tour de bras ses effectifs par l'intelligence artificielle, la britannique Curve prévoit d'investir une partie des 37 millions de livres qu'elle vient de lever dans une campagne de recrutement, qui reflète sa lucidité vis-à-vis des vrais défis à relever dans le secteur financier.
Naturellement, nous parlons ici d'une FinTech dont le modèle de relation est « digital » et il n'est donc pas question pour elle de basculer vers une logique d'interactions face à face. Non, les employés humains dont elle a le plus besoin, auxquels aucune IA ne peut se substituer à ce jour, sont les spécialistes de l'expérience client. Ce sont justement ceux qui feront des applications web et mobile une référence, surpassant ce que proposent notamment les établissements traditionnels avec leurs conseillers.
Curve ne se défie pas spécialement de l'intelligence artificielle mais elle la considère pour ce qu'elle est : un outil. Quand celui-ci est performant, par exemple pour des optimisations de l'efficacité opérationnelle, elle n'hésite pas à y recourir. En revanche, quand il ne donne des résultats (modestes, de surcroît) qu'au prix d'un impact sur le ressenti des clients (comme elle a pu le constater dans ses expérimentations au niveau du support), elle préfère s'en tenir aux méthodes classiques (avec des téléconseillers).
Une telle position est non seulement rationnelle par rapport à n'importe quelle technologie émergente, elle est également – et surtout – cohérente avec les priorités sur lesquelles devrait se focaliser l'industrie financière. En effet, il ne sert à rien de développer des mécanismes extrêmement sophistiqués pour aider les personnes à gérer leur argent tant que la présentation et la « mise en scène » des services qui leur sont offerts génèrent des frictions, des frustrations, voire des réactions de rejet.
Pour Curve, qui poursuit sa vision d'un porte-monnaie virtuel universel (qu'elle continue à enrichir, entre autres en préparant une intégration directe de l'interface sans contact des smartphones, en alternative à Apple Pay ou Google Pay), la démarche est critique afin de maintenir son avance sur des acteurs qui se positionnent en concurrents sur au moins une partie de ses fonctions (programmes de récompenses, frais réduits sur les transactions à l'étranger, changement a posteriori de la source de financement…).
L'initiative me procure une occasion de rappeler que, historiquement, la FinTech, loin de représenter un mouvement d'introduction forcenée de technologie dans la banque (comme on le voit actuellement avec l'IA), portait d'abord l'ambition d'exploiter la technologie dans le but de rendre la banque plus proche des besoins des clients (la position qu'adopte Curve). Celle-ci se concentre depuis toujours sur le même maillon faible de l'expérience utilisateur, où les marges de progrès restent considérables.
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