Avec la finalisation de l'acquisition, annoncée l'été dernier, de la belge Aion Bank et de son fournisseur technologique Vodeno, UniCredit confirme sa stratégie agressive d'ajustement de son modèle pour l'ère « digitale ». Quitte à courir plusieurs lièvres à la fois, sans trop se préoccuper de la cohérence entre ses différentes « aventures ».
D'emblée, l'institution italienne semble ainsi faire le grand écart entre cette opération, sur laquelle elle mise en grande partie pour rajeunir sa vision de ses métiers, et ses visées sur l'allemande CommerzBank (qui semblent aujourd'hui au point mort), établissement historique s'il en est. Il est vrai que dans les deux cas, l'expansion géographique européenne – en priorité vers la Pologne pour ce qui concerne Aion – figure au cœur des ambitions. Mais celle-ci réserve également sa dose d'ambiguïté.
En parallèle, l'ajout de Vodeno à sa panoplie suscite en effet chez l'italienne de sérieuses velléités de développer dans les principaux marchés où elle est présente les activités de « banque en services » – permettant de proposer à des entreprises non financières de distribuer de manière totalement transparente des produits et services de gestion de comptes, de paiement, de crédit… – qui constituent une des particularités (évidemment attractives) de la collaboration de la jeune pousse avec Aion.
Et ce n'est pas tout ! Il est en outre question de capitaliser sur les pratiques et le socle logiciel à l'état de l'art de Vodeno – nativement compatible avec l'infonuagique, entièrement basé sur une architecture d'API (et mâtiné de blockchain, dont elle est de la sorte une des dernières adeptes de son mythe désormais périmé) – dans le but de disposer d'une plate-forme autorisant la création rapide, à moindre coût, de solutions susceptibles de répondre aux besoins des nouveaux segments qu'elle désire cibler.
Sur ce volet de la modernisation « digitale », UniCredit souligne son positionnement spécifique à la croisée des acteurs traditionnels qui lancent une marque et une offre dédiées moyennant des investissements lourds (approche sur laquelle elle s'est déjà elle-même plus ou moins cassé les dents), les fournisseurs de technologie qui conçoivent des systèmes génériques et les startups de la FinTech qui manquent de ressources pour déployer un catalogue étendu. L'argument pèserait s'il s'accompagnait d'une perspective de transition de l'existant vers le modèle idéal ainsi esquissé… mais celle-ci n'est que vaguement sous-entendue, jamais exprimée formellement.
Il est vrai qu'une telle orientation ajouterait de la confusion à un plan de croissance déjà trop dispersé et ce d'autant plus que les exemples de réussite en la matière sont plutôt rares (je ne connais que le cas de NAB avec UBank, qui a pris de longues années et a probablement couté une fortune), la plupart des initiatives étant abandonnées en cours de route (faute de persistance dans la démarche ou de courage au moment d'envisager la bascule, entre autres). Ce sera donc, au mieux, une option lointaine.
À travers la double acquisition d'Aion Bank et de Vodeno, UniCredit démontre une lucidité plutôt rare dans l'industrie quant à la nécessité de ré-évaluer le concept de banque pour le XXIème siècle, autant du point de vue de son infrastructure informatique que de ses méthodes de distribution (en services, notamment). Malheureusement, elle prend un énorme risque avec sa mise en œuvre en choisissant de poursuivre simultanément une stratégie de conquête à laquelle elle devra consacrer des efforts et budgets qu'il vaudrait mieux réserver exclusivement à sa rénovation, prioritaire.
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