Déjà préoccupée par la disparition des espèces et les risques d'exclusion qu'elle est susceptible d'entraîner, la Suède s'inquiète désormais aussi des menaces que fait peser la situation géopolitique actuelle sur la résilience des systèmes de paiement électroniques. Elle veut donc développer un mécanisme qui fonctionne sans réseau.
Le rapport annuel publié par la banque centrale permet de comprendre l'ampleur des enjeux. Le pays fait en effet partie de ceux, en Europe voire au-delà, qui ont le plus basculé dans l'ère « digitale », autant pour les opérations avec des commerçants et autres professionnels que pour les échanges entre particuliers, ces derniers ayant profité du dispositif interbancaire Swish à base de règlements instantanés pour réaliser leur transition, bénéficiant en outre progressivement d'options complémentaires.
Tous les indicateurs confirment cette évolution radicale. D'un côté, la baisse du volume de cash en circulation (en proportion du PIB) atteint un plancher record et les retraits sur les distributeurs s'effondrent. Seule « anomalie » dans les statistiques, un rebond des transactions en espèces, qui serait dû à la libération des réserves constituées au début de la crise ukrainienne. À l'inverse, le recours au porte-monnaie mobile (Apple, Google…) séduit de plus en plus de consommateurs et est en forte progression.
Or le contexte global récent – non seulement à travers le danger de conflits ouverts mais également, et de manière beaucoup plus concrète, les cyberattaques sur les infrastructures stratégiques – soulève des questions sur la capacité du pays à affronter une perturbation majeure sur ses réseaux de télécommunication, qui paralyserait l'économie, sans que le cash ne constitue une réponse viable puisqu'il n'a presque plus cours (même si des actions ciblées visent à en faire une partie de la solution).
La Sveriges Riksbank fixe donc aux acteurs du secteur privé, en coopération avec les pouvoirs publics, un objectif, d'ici juillet 2026, de mise en place d'une méthode de paiement par carte « hors ligne » pour les dépenses de première nécessité, en cas de dysfonctionnement des communications jusqu'à une semaine. Je découvre à cette occasion que de telles mesures ont déjà été prises et sont déployées ou en cours de déploiement dans plusieurs pays, tels que l'Estonie, la Lettonie ou le Danemark.
L'injonction et sa relative urgence ouvrent une perspective particulière sur les différents chantiers de monnaie digitale de banque centrale (MDBC) engagés un peu partout dans le monde (y compris dans la zone Euro)… qui achoppent fréquemment sur cette capacité à opérer sans connexion. Certes, des circonstances exceptionnelles rendent certains compromis acceptables, mais les approches qui seront mises en œuvre pourront tout de même aussi servir de bancs de validation pour ces futurs scénarios.
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