Tandis que le secteur financier s'emballe pour les robots plus ou moins intelligents d'automatisation de processus (RPA et consorts), la nomination d'une implémentation de la turque Yapı Kredi au prix de l'innovation du mois de l'EFMA me fournit une opportunité d'expliciter pourquoi ces approches ne devraient pas constituer une fin en soi.
L'application en question, parfaitement représentative des cas d'usage les plus performants, cible les activités d'audit du portefeuille de crédits de la banque. Auparavant, celles-ci exigeaient un long travail de préparation, au cours duquel le contrôleur devait amasser manuellement les informations et les justificatifs sur l'ensemble des opérations traitées sur le segment sélectionné (par géographie, période, catégorie de clientèle…) avant d'en extraire un échantillon limité pour revue approfondie.
La nouvelle solution mise en œuvre prend entièrement en charge ces tâches. Après saisie des critères de filtrage, le robot logiciel interroge les systèmes concernés et assemble les dossiers correspondant. Une couche d'analyse vient ensuite déterminer au sein de cette liste exhaustive les éléments suspects, requérant l'attention en priorité. Le processus est de la sorte plus couvrant tout en laissant plus de temps aux auditeurs pour exercer leurs talents dans la recherche effective d'anomalies et, in fine, la réduction des risques.
Dans une entreprise focalisée sur le court terme, ces bénéfices immédiats suffiront probablement à la satisfaire et la réflexion s'arrêtera là, oubliant peut-être jusqu'aux enjeux de maintenance issus du projet. Pour celle qui adopte une posture stratégique, en revanche, il s'agit d'une étape dans une démarche de modernisation. En l'occurrence, le déploiement tactique d'un outil de RPA, qui n'est alors que palliatif, représente un moyen de détecter des déficiences dans l'existant, qu'il faut attaquer à la racine.
Prenons l'exemple de Yapı Kredi : ce qu'il révèle, profondément, est un éclatement des dossiers de crédit sur plusieurs applications, qui rend difficile d'en obtenir une vue consolidée. Or on peut aisément imaginer que ce problème n'affecte pas uniquement les auditeurs. Il est ainsi fort possible, entre autres impacts néfastes, que le conseiller qui instruit les demandes soit lui-même obligé de jongler entre différents écrans selon l'action à réaliser, ce qui nuit à son efficacité et augmente mécaniquement les taux d'erreurs.
Sur un plan plus positif, la prise de conscience de la faiblesse permet aussi, souvent, d'identifier des opportunités d'optimisation. Une fois créé le service capable de signaler un soupçon de non conformité lors d'un contrôle a posteriori, il devient presque évident de l'exploiter en amont, dès la souscription d'un emprunt, afin de corriger les dérives au plus tôt, voire les prévenir. Seule une approche intégrée permettra d'atteindre tous les objectifs et constitue donc la solution idéale, à placer dans la balance des arbitrages.
Le recours aux RPA repose généralement sur une exploration ponctuelle des processus susceptibles de profiter de l'automatisation. Pourtant, une prise de recul systématique permettrait fréquemment de détecter des origines communes à une multitude de frictions, dont l'élimination justifierait amplement une réponse plus radicale. Dans ces conditions, le robot joue le rôle de remède temporaire en attendant sa mise en place : il offre aux métiers un tampon vis-à-vis des plannings surchargés des équipes informatiques.
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