Dans toutes les entreprises, la « digitalisation » a pris une place prépondérante, souvent renforcée par les contraintes de la pandémie, et leurs départements de marketing ont dû accroître leur implication dans cet effort. Mais, selon Carlos Guerrero (Gartner), plutôt que d'en assurer seulement le relais, il est temps pour eux d'en prendre le pilotage.
Bien que le raisonnement de l'analyste donne parfois l'impression qu'il prêche pour sa paroisse, la plupart de ses arguments sont solides et seule sa conclusion mérite-t-elle d'être tempérée. Ainsi, le constat initial résonnera dans bien des organisations : les initiatives « digitales » sont généralement concoctées dans les lignes métier (voire, pire, dans les directions informatiques), sur la base d'une technologie attractive qu'il semble nécessaire de mettre en œuvre, charge au marketing d'en stimuler l'adoption.
Naturellement, une telle approche est contre-productive. Une composante essentielle de la transformation en cours, bien avant l'introduction de services en ligne, consiste en effet à placer l'utilisateur au cœur des préoccupations. Prendre un concept plus ou moins innovant et tenter d'en faire un produit (par exemple une nouvelle fonction dans une application mobile), en considérant que les clients seront (quasi) automatiquement séduits est absurde. La clé du succès est de se pencher d'abord sur les attentes à combler.
Une question critique se pose alors : qui dans l'entreprise est le plus qualifié et le mieux armé pour capter, interpréter et comprendre les besoins des clients, puis établir les priorités dans les évolutions de l'offre ? Carlos Guerrero propose les équipes marketing, dont, incontestablement, la mission impose de parfaitement connaître la cible à laquelle elles s'adressent. Fortes de cette position, elles devraient être intégrées au plus tôt dans les phases de planification et dans la définition des orientations stratégiques.
La canadienne TD Bank fournit l'exemple d'une telle démarche. Ses responsables du marketing assument un rôle d'orchestrateur « digital », à travers lequel ils capitalisent sur leur perception intime des exigences les plus importantes et rassemble les autres parties prenantes dans le but de raffiner et confirmer l'opportunité détectée, puis de définir une réponse appropriée, en amenant une différenciation concurrentielle significative. Résultat, les taux d'usage des ajouts élaborés de la sorte progressent significativement.
L'impératif d'obsession du client est dorénavant largement admis… mais sa déclinaison dans la réalité des processus est encore, au mieux, embryonnaire. Qu'il faille renverser les méthodes de création centrées vers les produits et placées sous la supervision exclusive d'une entité dédiée à ces derniers, en est une conséquence inéluctable. De là à en confier les rênes au marketing, le saut est hardi et peut s'avérer dangereux, en raison des possibles conflits d'intérêt entre deux activités aux objectifs très différents.
À mon sens, une solution raisonnable viserait à réaligner l'organisation sur son nouveau pivot et à faire en sorte que l'ensemble s'appuie sur la connaissance client issue de toutes ses divisions : direction marketing, bien entendu, mais également centre de support, personnel de première ligne (les conseillers, dans le secteur financier), équipes d'analyse des données… Séparément, aucune ne porte la vision globale et leur indispensable coordination devrait être confiée à des spécialistes du design, où qu'ils se trouvent.
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