Voilà une excellente idée qu'ont développée ensemble le Village by CA – le réseau d'incubateurs de jeunes pousses du Crédit Agricole – et Capgemini : une charte des relations entre startups et grands groupes. Malheureusement, la version actuelle me semble largement perfectible car elle ignore quelques sujets parmi les plus critiques.
Lancée à l'occasion de l'événement VivaTech, l'initiative, qui rassemble pour l'instant quelques dizaines de signataires, rêve de conquérir, symboliquement, les sociétés du CAC 40, d'une part, et l'écosystème de la « French Tech », d'autre part. Il est vrai qu'il y aurait urgence à aplanir les difficultés et les frictions qui persistent dans les tentatives de collaboration, autant pour faciliter le développement des leaders de demain que pour accélérer l'innovation et la transformation des acteurs historiques de l'économie.
Le texte [PDF] proposé à le mérite d'être simple et explicite, avec des exemples concrets qui permettent de mieux comprendre comment appliquer, des deux côtés, les 13 principes génériques édictés. Ceux-ci couvrent les grandes étapes d'une relation, depuis la découverte réciproque (premier contact, clarification des objectifs…) jusqu'à l'industrialisation (définition des critères de validation, promotion…), en passant par la contractualisation (transparence, suivi, organisation, modalités de paiement…).
Cependant, la lecture de cet opuscule dégage une impression de déséquilibre, au détriment des jeunes pousses qui, entre autres, sont enjointes à engager moult compétences et outils spécialisés afin de fluidifier les échanges avec les interlocuteurs des innombrables départements qu'elles devront « affronter » : CRM, expert de la contractualisation, chefs de projet senior, vétérans du secteur, professionnel de la propriété intellectuelle… Autant de domaines sur lesquels une aide serait bienvenue !
Plus désolant, les problèmes les plus fréquemment rencontrés par les startups, ceux dont elles se plaignent régulièrement et ceux qui les entraînent parfois vers l'échec, ne sont pas pris en compte directement, quand ils ne sont pas purement ignorés. J'en identifie au moins trois : les délais interminables de prise de décision, les demandes d'ajustement spécifique au produit commercialisé et les contraintes techniques imposées à l'intégration d'une solution informatique (qui certes ne concerne pas tous les cas).
Pour le premier, quelques recommandations vont dans le bon sens, dont l'exigence de transparence dans les processus, dans les feuilles de route… ou la désignation d'un point d'entrée unique – une personne qui centralise les sollicitations et les transmet aux collaborateurs pertinents pour le thème identifié. En revanche, les seules incitations formelles à réduire les délais portent sur les refus et sur les règlements de factures. Et les entrepreneurs continueront à attendre 2 ans avant l'aboutissement de leurs projets…
Autre aspect qui mériterait au moins une mention, la propension des grands groupes à imposer leurs désidératas à leur partenaire potentiel, en le considérant comme un prestataire de services à ses ordres et en faisant fi de l'impératif pour lui de concevoir un produit qu'il peut vendre à l'identique à d'autres clients. La démarche est sournoise car il est délicat pour la startup de refuser, au risque de voir ses espoirs s'envoler, et la frontière est ténue entre une suggestion d'évolution légitime et une demande « égoïste ».
Enfin, les incompatibilités technologiques représentent une plaie à chaque fois qu'un composant logiciel intervient dans l'équation. Combien d'expérimentations, pourtant concluantes, ont débouché sur un abandon, souvent tardif et toujours coûteux pour les deux parties, parce que les contraintes d'intégration imposées par la DSI n'ont pas été partagées dès les premières discussions, de manière à soit éviter une perte de temps quand l'obstacle est rédhibitoire, soit anticiper les éventuelles adaptations à prévoir.
Après cette mise en bouche, qu'il convient de saluer, espérons qu'une prochaine itération de la charte comble ces lacunes et se préoccupe un peu plus des attentes des jeunes pousses. En parallèle, il serait souhaitable que, au-delà de cet effort minimal, chaque grande entreprise réfléchisse à établir sa propre déclinaison. Celle-ci pourrait notamment prendre les traits d'un guide de présentation de ses règles à respecter, dans tous les domaines (pas uniquement les achats), pour une collaboration « heureuse ».
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