Certains états (je pense notamment au Royaume-Uni) ont essayé par le passé… avant de devoir faire machine arrière, sous la pression des utilisateurs. Cette fois, c'est le Trésor Australien qui exprime, dans son dernier plan stratégique [PDF], son ambition d'éliminer le chèque du paysage des paiements domestiques d'ici la fin de la décennie.
En apparence (ou en théorie), avec son taux d'utilisation dans 0,2% des transactions de détail (hors espèces), en chute de 90% par rapport à 2012, la suppression de cet instrument obsolète devrait être facile, surtout avec le nombre de substituts disponibles de nos jours. D'ailleurs, de plus en plus de commerces et autres entreprises prennent les devants en abandonnant son acceptation, tandis que les banques commencent à limiter, sinon stopper, la distribution de chéquiers à leurs nouveaux clients.
Malheureusement, il reste de multiples niches d'usage, parfois critiques, presque toujours sensibles, qui compliquent les décisions. Selon les cas, elles concernent des secteurs d'activité – les services gouvernementaux (pour des versements divers et variés), les organisations caritatives (pour leurs collectes de dons)… – ou des segments de population (factuellement) peu enclins à changer leurs habitudes – les personnes âgées, les résidents de zones rurales, les exclus numériques (dont certains par la force des choses, quand la connectivité est déficiente dans leur environnement)…
Face à ces « résistants », il faut avouer que les arguments avancés manquent singulièrement de poids. Certes, du point de vue du système financier, il existe un enjeu vital incontestable d'efficacité opérationnelle. Mais la promesse d'une expérience plus fluide et plus simple est vaine pour les adeptes de longue date du chèque, qui ont mis en place des processus adaptés (du côté des professionnels) ou qui sont accoutumés à encaisser ou remplir leurs formules au fil du temps (du côté des particuliers).
Même la première phase du retrait, qui vise à contraindre légalement les organismes publics à arrêter l'émission de chèques à l'horizon de 2028, risque d'engendrer des difficultés incommensurables chez les bénéficiaires, avec leurs innombrables situations spécifiques. Cependant, l'institution semble consciente de l'énormité de la tâche qui l'attend et des prérequis indispensables au succès de son programme : elle reconnaît sans ambiguïté qu'il ne suffit pas de décréter ses desiderata pour qu'ils se concrétisent.
Des réformes intermédiaires seront donc mises en œuvre progressivement afin d'accompagner la transition de tous vers les moyens de paiement modernes. Il s'agira, par exemple, d'identifier et ajuster les réglementations existantes susceptibles de handicaper les velléités de migration ou d'apporter un soutien à des solutions alternatives. Un appel à contributions devrait en outre être lancé cette année pour rechercher de manière collaborative les actions de préparation complémentaires à envisager.
Peut-être inspiré par le fiasco britannique, le Trésor Australien espère ainsi placer toutes les chances de son côté dans une démarche qui devrait être à l'ordre du jour de tous ses équivalents dans le monde. Peut-être sera-t-il également aidé par la maturité acquise en 10 ans avec les outils « digitaux » (bien qu'il ne faille jamais négliger le pouvoir de nuisance des réfractaires irréductibles). Rendez-vous d'ici quelques années pour vérifier si l'initiative est encore sur les rails ou si elle a, elle aussi, succombé à la fronde…
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