Encore récemment, ING figurait incontestablement parmi les institutions financières les plus en pointe de l'innovation en Europe. Puis son directeur général est parti et, comme il arrive trop souvent, sa stratégie a radicalement changé. En quelques mois, elle semble avoir totalement perdu ses repères comme l'illustrent les propos lunaires de son responsable de la banque de détail dans un entretien avec Finextra.
Interrogé sur les attentes « digitales » des consommateurs et les moyens de leur offrir une expérience à la hauteur de celles-ci, Matteo Pomoni s'appuie pourtant sur un point de départ incontestable, à savoir l'impératif pour les institutions financières d'aligner leurs pratiques sur celles des géants de l'internet, qui définissent le standard incontournable des interactions web et mobile. Notons cependant d'emblée cette étrange idée de qualifier de super-app les solutions d'Amazon ou de Booking.com citées en exemple.
Après ce premier écart, le raisonnement prend une tournure quasiment absurde. Ainsi, la priorité pour les établissements qui souhaitent maintenir et renforcer leur relation avec leurs clients consisterait à affirmer leur présence dès l'origine des transactions, sur ces plates-formes leaders, de manière à accompagner leurs décisions. À ce stade, on imagine qu'il fait référence à des options personnalisées de financement. Pas du tout ! Il pense d'abord au « cashback » distribué par ING Belgique sur les achats Amazon.
Décrite comme un instrument de différenciation et d'adéquation aux besoins des individus, cette méthode préhistorique résumerait donc la vision de la banque pour son succès au XXIème siècle ? Je me permets d'en douter. S'il est indéniable que des promotions sont susceptibles de séduire ponctuellement, elles sont coûteuses, faciles à répliquer par la concurrence et ne garantissent pas la fidélité, surtout si l'expérience utilisateur, qui n'a décidément rien à voir avec ce genre de gadget, n'est pas au rendez-vous.
En revanche, M. Pomoni n'évoque jamais le véritable enjeu. Placer le client au centre des préoccupations de l'entreprise, s'assurer qu'il bénéficie en permanence de recommandations personnalisées, mettre à sa disposition des processus simples, rapides, transparents et sans frictions… sont les vraies leçons à apprendre des acteurs qu'il érige en modèle. Malheureusement, elles n'apparaissent pas dans sa perspective, même quand il est question de l'exploitation des gisements de données disponibles.
En moins de trois ans, en considérant que l'ignorance d'un dirigeant reflète une dérive générale, ING donne l'impression d'avoir non seulement perdu son esprit d'innovation mais également, et c'est bien plus grave, sa culture « digitale ». Quand on sait combien il est, en principe, long et difficile de faire évoluer les comportements et les mentalités dans une grande organisation, il faut en conclure que la greffe initiale était bien fragile et loin d'être aboutie. Les banques historiques peinent résolument à se moderniser.
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