Depuis quelques années, l'industrie financière développe des initiatives afin de permettre aux millions de personnes souffrant de handicaps de mener une vie aussi normale que possible. Une scène (banale) à laquelle j'ai assisté ce matin m'a toutefois démontré qu'il reste encore beaucoup de chemin à parcourir avant de pouvoir parler d'égalité.
Sur le cas spécifique du déficit visuel dans les paiements qui m'intéresse aujourd'hui, ces dernières années ont vu émerger des adaptations variées, des plus simples, telles que l'encoche permettant de repérer le sens de la carte par le toucher ou l'inscription des informations en braille pour son usage sur les plates-formes d'e-commerce, jusqu'aux plus élaborées, dont une interface parlante via le smartphone. Premier constat générique, ces avancées ne sont que rarement déployées par les institutions financières.
Et, surtout, je viens de réaliser qu'elles sont loin de résoudre toutes les difficultés des individus affectés. Prenez ce monsieur, devant moi à la caisse d'une grande enseigne, mal voyant (et muet, incidemment), peut-être à un niveau normal pour son âge, notez bien. Il insère sa carte dans le lecteur et tente de saisir son code PIN… mais les touches sont illisibles pour lui et il se trompe… une fois, deux fois. Il renonce et demande à la caissière de le composer pour lui, en lui montrant où il est noté dans son portefeuille.
Double hérésie, bien sûr : la banque insiste suffisamment sur les précautions élémentaires à prendre avec ses instruments de paiement. Ne jamais transmettre son code secret à un tiers et ne jamais l'inscrire quelque part, surtout sur un support conservé à proximité de la carte elle-même (ce que les autres clients alentour ont observé). Mais quelle alternative a ce quidam et tous ceux qui se trouvent dans une situation similaire ? Devraient-il renoncer à leur autonomie lorsqu'ils veulent faire leurs courses ?
Le plus terrible dans cette histoire est que je suis persuadé que, en cas d'incident (un vol ou un piratage de la carte), la banque ne manquera pas de reporter la responsabilité sur le porteur, sans limitation, puisqu'il viole les règles d'utilisation en vigueur ! J'espère que si une telle mésaventure lui arrive (ou à toute autre victime dans les mêmes conditions), il ripostera, par voie judiciaire ou autre, en arguant de l'absence de mesures prises pour lui permettre de jouir du service de paiement comme tout citoyen valide.
En l'occurrence, le recours à un paiement via le téléphone – Google Pay ou Apple Pay – serait une solution facile à mettre en œuvre. Malheureusement, selon toute probabilité, personne dans sa banque n'a réellement conscience de ce que vit ce client au quotidien et n'a, en conséquence, saisi l'opportunité de lui suggérer cette option. Alors que la législation pour l'égalité des droits devient de plus en plus exigeante depuis plusieurs décennies, les services financiers sont toujours honteusement à la traîne.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Afin de lutter contre le spam, les commentaires ne sont ouverts qu'aux personnes identifiées et sont soumis à modération (je suis sincèrement désolé pour le désagrément causé…)