Ayant quitté ses fonctions de directrice générale à la fin du mois dernier, Anne Boden revient dans un entretien avec McKinsey sur l'aventure de la création de Starling Bank, qu'elle a menée au succès – et à la profitabilité – en moins de 10 ans. La vision qu'elle portait à ses débuts reste d'actualité et pourrait utilement inspirer l'ensemble de l'industrie.
Tout au long de l'échange, Anne rappelle avec insistance que, avant de se lancer, elle avait derrière elle une longue carrière dans l'informatique bancaire et il apparaît rapidement que cette expérience est une des clés de sa réussite. Sa connaissance de l'état des technologies dans les établissements traditionnels, et chez leurs fournisseurs habituels, a motivé son choix radical de construire une plate-forme de A à Z, afin de maîtriser son avenir. Aujourd'hui, elle est devenue une offre à part entière.
De manière plus fondamentale, sa démarche a toujours été ancrée sur la conviction profonde de l'impératif d'adapter les métiers de la finance à l'ère « digitale ». Interrogée sur leurs stratégies en la matière, les grandes institutions financières répondaient en 2008 (et quelques-unes n'ont pas encore changé d'attitude) que la priorité était à la modernisation des agences et au déploiement d'une application mobile. Or c'est d'une révolution que ces entreprises avaient ont besoin, à partir d'un nouveau socle technique.
Autre constat qui résonnera dans nombre de DSI en 2023, pour peu que leurs dirigeants fassent preuve d'un minimum d'honnêteté : ils n'ont plus aucune confiance dans la capacité de leur organisation à exécuter des projets importants et à porter le changement. La conséquence est une sclérose mortifère, qui retarde et, in fine, exclut toute hypothèse de transformation d'ampleur, pourtant indispensable quand l'environnement et les clients de la banque subissent des mutations permanentes à un rythme qui s'accélère.
Enfermées dans leur conservatisme rassurant, ces structures ne perçoivent pas, en particulier, combien ce qui semblait définitivement impossible autrefois est maintenant devenu, grâce aux technologies contemporaines, non seulement possible mais souvent élémentaire. Par exemple, le responsable des risques convaincu que la production d'un rapport requiert un mois de travail et incapable d'envisager d'autres méthodes n'a pas conscience que désormais, avec des outils convenables, une journée suffit.
Anne explique avoir vécu elle-même ce choc, parce qu'elle était encombrée des préjugés accumulés par son parcours dans les groupes historiques et n'imaginait pas comment faire différemment de ce qu'elle avait appris jusque-là. Dans une certaine mesure, le fonctionnement complet de la banque doit – et peut – être réinventé. Pas étonnant, dans ces conditions, que peu de gens aient cru, en 2014, à son rêve d'en créer une, en partant de rien. Et sur ce plan aussi, les mentalités n'ont guère progressé.
Les résultats sont là : Starling a conquis 2,4% des comptes individuels et 10% des PME du Royaume-Uni (dans un contexte où les leaders n'ont pour certains que 10% de parts de marché). Et la recette est limpide. Elle est d'ailleurs partagée, à mon sens, par BBVA, qui, sous l'impulsion de Francisco González (également issu des rangs de l'informatique), a été une des rares institutions traditionnelles à remettre en question sa culture et à capitaliser vraiment sur les avancées technologiques au service de ses clients.
En 2023, l'histoire paraît ancienne mais elle n'est malheureusement toujours pas intégrée par la plupart des institutions financières. Et cette faillite laisse la porte ouverte à la génération de trublions à laquelle appartient Starling, qui ne sont pas à l'affut des populations négligées par les acteurs en place mais qui visent sérieusement à conquérir leurs clients existants, avec une proposition de valeur naturellement séduisante.
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