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C'est pas mon idée !

dimanche 4 mai 2025

Les jeunes américains se défient des diplômes

Indeed – College Degrees
Une enquête commanditée par la plate-forme de recherche d'emploi Indeed révèle qu'une proportion de plus en plus importante de jeunes américains considèrent que leur diplôme universitaire leur est inutile. À mon sens, cette situation alarmante est à imputer autant aux entreprises et au système éducatif qu'aux étudiants eux-mêmes.

La perception varie fortement selon les générations. Ainsi, seuls 20% des « baby boomers » expriment un avis négatif sur leur parcours initial tandis que le taux passe à 41% chez les « milléniaux » et 51% parmi les représentants de la « GenZ ». Autre exemple des différences d'état d'esprit, 38% des plus de 60 ans estiment qu'ils pourraient exercer leur profession sans diplôme, contre 68% des plus jeunes. Ces écarts reflètent évidemment l'évolution du monde de ces 50 dernières années.

Trois grands facteurs ressortent immédiatement. Le premier, spécifique aux États-Unis et à quelques autres pays, tient dans les frais de scolarité et le lourd endettement qu'ils entraînent, pour environ la moitié des élèves, durant une grande partie de leur vie. Ces impacts semblent démesurés par rapport aux bénéfices retirés dans la compétition pour l'emploi, l'avantage salarial, notamment, étant de moins en moins conséquent.

Deuxième explication, les compétences acquises à l'université paraissent rapidement en décalage avec ce que demandent les recruteurs, non seulement parce que ces derniers prêtent désormais plus attention à des qualités humaines (« soft skills ») qu'à des capacités purement « techniques » mais également parce que, avec l'accélération technologique permanente, ces dernières deviennent obsolètes en quelques mois.

Dernier changement notable au cours des décennies récentes, l'accès à l'enseignement supérieur s'est démocratisé. Aujourd'hui, les diplômés sont plus nombreux sur le marché de l'emploi et les opportunités n'ont pas nécessairement crû en conséquence. Résultat cruel, certains, surtout s'ils ont un emprunt à rembourser, se résignent à accepter un poste sans qualification accentuant l'impression de gaspillage.

Indeed – College Degrees

Cependant, derrière ces justifications rationnelles, une analyse approfondie permet d'identifier quelques incohérences et errements, qui offrent en miroir des pistes de solution. Tout d'abord, je crois profondément erronée l'idée que l'université cherche essentiellement à inculquer des compétences techniques et je crains que ceux qui se plaignent d'un tel défaut n'aient une part de responsabilité s'ils n'y ont pas appris plutôt une démarche intellectuelle, intégrant, entre autres, une faculté d'apprentissage.

Les établissements d'enseignement supérieur ont bien sûr aussi leur part dans la dérive, et pas seulement sur le plan des coûts. Ils n'ont probablement pas suffisamment adapté leurs méthodes pédagogiques aux transformations de la société, se contentant d'enrichir leur arsenal d'outils, par exemple avec l'intelligence artificielle, dernièrement, ce qui les conduit progressivement à ressembler aux plates-formes éducatives en ligne et laisse imaginer qu'ils n'ont guère plus de valeur à apporter à leurs étudiants.

Les employeurs, enfin, ont une position souvent ambiguë. Quand ils déclarent s'attacher plus aux qualités des candidats qu'à leur diplôme, ils ne le font pas sans arrière-pensée : ils ont en effet pris l'habitude de recruter des personnes non pour s'intégrer dans une culture d'entreprise et être capable d'exercer différents métiers au gré des mutations, mais pour réaliser une mission (d'où la progression du recours aux travailleurs indépendants), à l'issue de laquelle ils seront écartés sans ménagement.

Avec de telles perspectives, il n'est pas surprenant que les jeunes de cette époque se projettent plus fréquemment dans la création d'activité, s'évitant ainsi les désagréments du salariat incertain, en imaginant qu'ils sont capables de se former en totale autonomie. Naturellement, ce n'est pas une solution viable, autant pour les intéressés, qui doivent mieux comprendre le rôle de l'université, que pour cette dernière, qui doit se moderniser, et pour les entreprises, qui ont besoin de se réinventer dans une vision d'avenir.

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