Voilà une tradition de l'industrie bancaire que la folie de l'intelligence artificielle n'a pas encore bousculée : les délais de réalisation des projets ! Presque dix-huit mois après son annonce officielle, l'assistante virtuelle Ava, propulsée à l'IA et incarnée par un avatar, arrive progressivement dans l'application mobile de Commerzbank.
Élaborée sur la base des technologies de Microsoft et de son partenaire OpenAI, la nouvelle agente est disponible instantanément 24 heures sur 24 et sept jours sur sept, nous précise la banque (était-ce vraiment utile ?). Sa particularité est donc de prendre les traits d'un personnage de synthèse, uniquement germanophone à ce stade, qui, en l'occurence, est modélisé à partir des traits d'une actrice en chair et en os, afin de le rendre réaliste dans son apparence, dans ses gestes et dans ses expressions.
Quelles sont les compétences de cette merveille ? Il va falloir vite déchanter : pour l'essentiel, Ava est capable de répondre aux questions qui lui sont posées, en langage naturel, bien entendu, à propos des produits et services de Commerzbank (par exemple les différents types de compte ou les cartes de crédit). En la matière, elle sait même présenter des comparatifs, en illustrant les différences entre plusieurs variantes.
Dans un registre un peu plus personnalisé, elle peut fournir à l'utilisateur des informations sur sa situation financière et sur les transactions qu'il a effectuées. Elle peut également déclencher quelques actions, telles que la commande d'une carte de crédit, le verrouillage et déverrouillage d'une carte existante ou encore le changement des limites associées. Les demandes plus « complexes » seront automatiquement transférées au centre d'appel… avec ses temps d'attente et ses autres inconvénients.
Cette description confirme mes premières impressions de novembre 2023 : je m'interroge sur l'intérêt que pourront trouver les consommateurs à converser avec un avatar, aussi réussi soit-il, pour des interactions tellement basiques… et ce, d'autant plus que, dès qu'ils aborderont des besoins plus sensibles, pour lesquels le sentiment de proximité avec son interlocuteur que devrait autoriser l'animation paraît le plus important, ils se retrouveront à échanger au téléphone avec un opérateur sans visage…
La communication officielle de Commerzbank donne un indice clair des raisons qui l'ont conduite à modérer ses ambitions : la sécurité est une priorité pour elle… et le meilleur moyen de la garantir, ainsi que de prévenir les risques d'erreurs, consiste évidemment à limiter la capacité d'action de l'intelligence artificielle. Hélas, « intellectuellement » amputée, Ava n'a plus de raison d'être alors que, dans l'hypothèse où elle se voyait assignée une mission de conseil, elle pourrait peut-être valoriser son potentiel.
Quand on réalise que cette assistante virtuelle est l'aboutissement d'un projet d'un an et demi, il y a de quoi désespérer des pratiques du secteur bancaire. Comment ses responsables parviennent-ils à justifier de tels délais et ce qui représente probablement un investissement lourd pour un résultat aussi modeste ? Même en brandissant les arguments à la mode de l'IA et en y ajoutant la prétendue dimension inédite de l'avatar mis en œuvre, un gaspillage de ce niveau devrait être absolument impossible.
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