Quand l'industrie s'excite pour les possibilités qu'offrirait l'intelligence artificielle dans la lutte contre la fraude, une solution élémentaire – qui, certes, n'élimine pas entièrement le problème – continue d'être ignorée… Pourtant, une implémentation au Royaume-Uni, à laquelle vient de se joindre Lloyds Bank, tend à démontrer son efficacité.
L'initiative est née en 2022 dans le sillage d'une escroquerie retentissante, à la suite de laquelle les hésitations du passé ont enfin laissé place au pragmatisme. Sous l'impulsion d'un assureur spécialisé – Acquis Insurance Management – et avec quelques grandes enseignes – dont BNP Paribas et HSBC – comme premiers partenaires, elle s'est concrétisée dans une plate-forme destinée à partager les données des financements d'équipements, de véhicules et autres machines accordés aux entreprises.
Le fonctionnement d'Acquis Lumia est extrêmement simple. Les établissements participant transmettent chaque mois un registre complet de leurs opérations en cours, chacune étant accompagnée de 7 informations élémentaires : une référence de contrat, l'identifiant du prêteur, la date de démarrage et la date d'expiration, le numéro d'enregistrement national du client et sa raison sociale, sa valeur nette comptable.
Sur cette base, chaque membre inscrit peut alors interroger à tout moment la situation d'une organisation et obtenir une synthèse anonymisée de ses engagements (en montant) et de leurs différentes maturités, ainsi qu'un résumé de ses transactions sur les trois et les douze derniers mois. En complément, il est également prévu de pouvoir recevoir des alertes lors de suspicions de fraude sur une structure préalablement sélectionnée, telles qu'elles sont repérées par les propres algorithmes d'Acquis.
Naturellement, ce genre de démarche n'a de valeur que si une majorité d'acteurs du marché concerné jouent le jeu. De ce point de vue, l'affaire Arena Television que j'évoquais plus haut, qui a affecté plusieurs dizaines d'entre eux, a constitué un catalyseur précieux au démarrage. Par ailleurs, la gratuité du service durant la période de montée en charge (assortie d'une promesse de coûts modérés par la suite) aide à séduire. L'arrivée du géant Lloyds Bank dans le club reflète le succès de la stratégie.
Il est évidemment encore trop tôt pour mesurer l'impact du dispositif et il restera toujours difficile de l'attribuer avec certitude, mais une statistique officielle, citée par un article du cabinet d'analyse East & Partners, retient l'attention : entre 2023 et 2024, les cas d'arnaque à l'identité ont baissé de plus de 80% (de 7837 à 1560), ce qui semble effectivement exceptionnel dans le contexte actuel plus que jamais orienté à la hausse. Avec ses 40 participants, Lumia a peut-être sa part à ce bon résultat.
Cet exemple, focalisé exclusivement sur le financement d'actifs, mériterait d'inspirer l'ensemble du secteur financier. Pourquoi donc est-il si compliqué pour les institutions d'accepter de mettre en commun une fraction minime de leur connaissance de leurs clients dans le but de mieux détecter les tentatives de fraude qui leur coûtent si cher ? Les initiatives émergent ici et là, mais, apparemment, elles peinent encore à recruter des membres en nombre, critère indispensable à un fonctionnement efficace.
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