Le lancement par Bunq de son assistant personnel propulsé à l'intelligence artificielle générative, me fournit un excellent prétexte pour revenir sur le phénomène médiatique de l'année 2023, né dans le sillage de l'ouverture de ChatGPT au public… et dont les promesses qu'il a suscitées me paraissent extraordinairement exagérées.
L'emballement a atteint la cote d'alerte presque immédiatement, à tel point que, parmi les fils d'actualité qui alimentent ma veille quotidienne, je pense que, au cours des 12 derniers mois, environ un tiers des informations que j'ai consultées mentionnaient l'IA générative, souvent à tort et à travers, mais invariablement en prédisant qu'elle allait engendrer une révolution comme l'humanité n'en avait encore jamais connu. Les arguments concrets susceptibles de justifier cette hypothèse restent pourtant rares.
Prenons donc l'exemple de Finn, le nouvel agent virtuel qui permet à Bunq d'affirmer être aujourd'hui la première banque en Europe fonctionnant à l'intelligence artificielle, grâce à un moteur développé en interne. Comment se matérialise-t-il ? Au premier abord, il ne s'agit que d'un chatbot, comme il s'en trouve déjà une multitude dans les applications financières, que le client interroge en langage naturel sur tous les sujets concernant son argent, ses comptes ou l'utilisation des produits et services disponibles.
Combien je dépense en moyenne en courses alimentaires ? Quel est le nom du bistrot parisien où j'ai déjeuné avec une amie l'an dernier ? Quel était le prix de cette veste que j'ai achetée la semaine dernière près de l'Opéra ? Quels intérêts ai-je perçu sur mon épargne cette année ? Tous mes amis m'ont-ils remboursé les frais communs du week-end dernier ? Comment obtenir une carte de crédit gratuite ? Ou dans un mode moins bancaire : connais-tu un restaurant romantique près de ma position actuelle ?
Si la qualité de ses conversations et de ses résultats est à la hauteur des attentes, sans hésitations, approximations et autres dérives, on pourra incontestablement considérer que Finn est bien pratique pour naviguer dans un univers immense où on se perd facilement. Cependant, clairement, il ne changera pas la face du monde, en ne faisant que faciliter l'accès à des données existantes… qu'il faut en outre toujours penser à explorer afin de profiter de leur richesse (pas de réponse sans question pertinente).
Un réflexe défensif naturel consistera évidemment à estimer que l'implémentation de Bunq ne reflète pas l'entièreté du potentiel de la technologie. Or aucune des pistes d'usage envisagées pour l'instant n'offre beaucoup plus d'originalité : il est universellement question d'optimiser des traitements et opérations en place, non d'ouvrir la voie à des capacités réellement inédites. Au mieux, l'innovation est incrémentale, apportant un surcroît d'efficacité ou de confort, mais résolument pas disruptive.
Grâce à son impact sur le grand public et les médias, l'IA générative est devenue un immense leurre pour les entreprises, dont rien ne laisse entrevoir qu'elle pourrait déboucher sur de véritables transformations. Gardons donc les pieds sur terre et prenons-la pour ce qu'elle est, à savoir une addition utile à nos collections d'outils d'analyse massive de l'information, possédant un savoir-faire particulier pour la manipulation du langage humain (au sens large). Elle ne sera pas la fin de l'histoire.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Afin de lutter contre le spam, les commentaires ne sont ouverts qu'aux personnes identifiées et sont soumis à modération (je suis sincèrement désolé pour le désagrément causé…)