Le livre d'Éric Mignot (cofondateur de +Simple) intitulé « Ne tirez pas sur l'assurance ! » est disponible depuis un an mais je le découvre seulement maintenant (il aura fallu qu'Éric me le mette directement entre les mains, merci !). Je ne peux que chaudement le recommander à tous ceux qui veulent comprendre les mutations profondes du secteur.
Depuis quelques années, entre transformation « digitale » et pression croissante de l'« AssurTech », le malaise s'installait, jusqu'à la sorte de rupture qu'ont constituée la crise sanitaire et le « scandale » des pertes d'exploitation (d'une poignée de restaurateurs) non indemnisées. Pourtant, le divorce entre assurés et assureurs est issu de la convergence, aujourd'hui, d'une variété de facteurs, dont certains remontent à plusieurs siècles. Et il sera impossible de recoller les morceaux sans les appréhender tous.
Fondamentalement, le cœur de la problématique pourrait se résumer à un constat générique : la mission et les mécanismes de l'assurance sont devenus totalement opaques pour la majorité de la population. Pour beaucoup de nos concitoyens, elle représente des coûts injustifiés et la frustration atteint son comble à l'occasion d'un sinistre pour la prise en charge duquel il faut se battre, sans jamais être sûr d'obtenir gain de cause. Or, derrière cette observation, se cachent des causes multiples.
La première d'entre elles est à rechercher dans la création même de la notion d'assureur. Tant que les garanties mutuelles se négociaient entre pairs, chacun des participants savait exactement quelle était la raison d'être (et les limites) de son engagement. Dès qu'un intermédiaire s'est immiscé dans le dispositif, notamment dans le but de l'industrialiser, le jeu est devenu plus flou. Puis, quand ce nouveau métier s'est massifié et, dans la foulée, financiarisé à outrance, il a perdu le contact avec le client.
Si la responsabilité des fournisseurs est conséquente, elle n'est pas exclusive. La déconnexion trouve aussi des origines dans le contexte, en particulier réglementaire, et chez les « usagers ». L'instauration d'une obligation d'assurance (pour l'automobile, l'habitation, diverses spécificités professionnelles…) a ainsi créé un comportement biaisé chez les bénéficiaires, à qui personne n'essaie d'expliquer le bien-fondé du produit imposé et l'encourage de la sorte à se concentrer sur le meilleur prix… ou à frauder.
Il est également souvent question de l'opposition entre l'individualisme forcené de nos contemporains et la tendance à l'hyper-collectivisation des risques par les compagnies. Il faudrait probablement lui ajouter le mouvement général de la société vers la (sur)protection et l'évitement du danger (en France, par exemple, le nombre d'accidents de la route a été divisé par 5 au cours des 50 dernières années, pour un trafic en forte hausse !), qui peut facilement procurer une sensation d'inutilité de l'assurance.
Face à ces obstacles, il n'existe pas une solution universelle. Aux côtés de la pédagogie, la priorité est naturellement d'évacuer la focalisation sur leurs produits caractéristique des acteurs traditionnels et de replacer le client au centre des préoccupations. Les efforts devront porter sur la simplification des démarches et sur une personnalisation qui aide le consommateur ou l'entrepreneur à faire les bons choix (et pas qui encourage l'optimisation opérationnelle), comme le proposent Éric et ses équipes de +Simple.
À l'heure où émergent de nouveaux risques majeurs (cybercriminalité, dérèglement climatique…), les enjeux de l'assurance prennent une dimension d'autant plus critique qu'ils sont de moins en moins envisagés par les victimes potentielles… La restauration de la confiance devient donc une urgence absolue. En remontant à sa source, « Ne tirez pas sur l'assurance ! » donne les clés pour y parvenir. Il ne restera plus ensuite qu'à tirer (symboliquement) sur les assureurs qui n'auront pas suivi ses conseils…
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