Quelques jours à peine après l'annonce d'un partenariat entre Nokia et la jeune pousse Equideum Health en vue de la mise en œuvre d'une place de marché des données individuelles de santé, les deux entreprises doublent la mise à travers un projet de recherche destiné à démultiplier les opportunités d'exploitation de ce fabuleux trésor.
Il existe aujourd'hui un déséquilibre propice à l'émergence de ce genre d'initiatives, entre les professionnels (de l'industrie pharmaceutique, des organismes scientifiques, des pouvoirs publics…) désireux de profiter de la manne d'information générée par notre environnement « digital » et les consommateurs qui en détiennent la propriété. Comme dans toutes les occasions similaires où l'offre et la demande peinent à se rencontrer, l'apparition de plates-formes d'intermédiation vient simplifier les relations.
Aux uns est promis un accès universel et homogène, sans la complication administrative d'une gestion de consentements à renouveler à chaque fois, à des jeux de données beaucoup plus riches et diversifiés que ceux qu'ils captent dans leurs périmètre d'intervention habituel. Aux autres est garanti un traitement sécurisé et éthique du secret de leur vie privée, une faculté de contrôler très précisément les droits d'usage qu'ils accordent… et une rémunération, directe ou sous forme de réductions d'impôts.
Naturellement, pour les individus qui alimentent le système, il s'agit toujours, au moins en partie, d'un marché de dupes : en raison même de leur nombre, les montants qu'ils peuvent espérer percevoir resteront généralement modestes, plutôt d'ordre symbolique, tandis que le courtier, qui consolide les volumes importants susceptibles de séduire ses clients, engrangera des revenus significatifs. D'emblée, l'équation économique (relevant d'une longue traîne) ne paraît guère favorable à ces petits fournisseurs.
Dans la première incarnation de la solution de Nokia et Equideum, l'objectif est de collecter et stocker les données des participants, afin de les mettre à la disposition des demandeurs. La plate-forme en est donc dépositaire et responsable. Or, en dépit du recours à la blockchain (agité comme si elle constituait une recette magique), la confiance en son opérateur représente un facteur clé d'adoption, d'autant plus critique que la matière dont il est question ici, autour de la santé, est extrêmement sensible.
Parce que, dans ce registre, la partie n'est pas gagnée, les deux sociétés explorent d'ores et déjà d'autres approches, permettant de mieux assurer la protection de la confidentialité (dans certaines circonstances). Le principe retenu consiste à ne plus extraire et copier l'information mais à réaliser les calculs nécessaires là où elle est produite, notamment dans les objets connectés, et, idéalement, à ne transmettre au bénéficiaire que des résultats anonymes, assemblés pour créer un modèle statistique, par exemple.
La prise de position sur le marché des données de santé, au potentiel gigantesque, crée évidemment des tentations irrésistibles. Mais le passage à l'action est semé d'embûches. Non seulement faut-il prendre en compte des réglementations parmi les plus strictes mais il faut également rassurer ceux qui sont invités à partager un peu de leurs secrets. Ce dernier volet est le plus complexe, car, si la conformité d'un algorithme d'apprentissage automatique fédéré (FedML, un cas de ce que je décris ci-dessus) est démontrable, il sera plus difficile de convaincre le citoyen lambda de son innocuité…
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