Pendant que la plupart des institutions financières se gargarisent des opportunités que leur ouvrent la science des données et l'intelligence artificielle, la réalité révèle d'innombrables occasions perdues de capitaliser sur une exploitation basique de l'information. Exemple avec un exercice de conformité réglementaire à La Banque Postale.
Sous prétexte de respecter ses obligations de connaissance de ses clients, entreprises en l'occurrence, l'établissement envoie chaque année une demande de justificatifs au représentant légal. En 2022, pour la première fois me semble-t-il, une option de dépôt de documents électroniques sur un site web dédié a été mise en place, alors que les échanges se déroulaient jusqu'à maintenant exclusivement par courrier classique (La Poste oblige !), ce qui reste tout de même possible pour ceux qui le souhaitent.
Si nous étions encore en 2010, peut-être nous réjouirions nous d'un tel progrès vers la dématérialisation des démarches. Malheureusement, nous sommes en 2022 et l'avancée est à mille lieux de ce que nous sommes en droit d'attendre d'une banque. Aujourd'hui, il devrait être inconcevable de solliciter un client pour des pièces – copie des statuts, extrait K-Bis (sorte de carte d'identité des sociétés), nomination des responsables, résultats financiers… – qui, dans la majorité des cas, sont disponibles publiquement.
Il s'agit d'abord d'une aberration en termes d'efficacité opérationnelle. Au lieu de dilapider des ressources précieuses pour analyser des fichiers électroniques téléchargés sur le portail ou numérisés à leur arrivée dans la boîte à lettre, prendre en compte leur hétérogénéité, leurs défauts et autres erreurs, inévitables quand il est fait appel à une procédure manuelle, puis gérer les retards et les relances…, une collecte automatisée à la source représenterait un puissant facteur de fiabilité, de rapidité et d'économies.
Il serait en outre judicieux de s'inquiéter de l'impact de ces requêtes récurrentes sur l'expérience utilisateur. Quand La Banque Postale s'adresse à des entrepreneurs, elle devrait soupçonner qu'ils sont plus enclins à consacrer leur temps à leur métier plutôt qu'à le perdre en paperasserie administrative. Peut-être ne faut-il que 10 minutes afin d'accomplir la formalité… mais il n'en faut pas plus pour ouvrir un compte dans une banque concurrente moins arriérée et oublier définitivement ces désagréments.
Devant une situation aussi navrante, une offre telle que celle de Wenalyze, que j'évoquais ici récemment, prend toute sa valeur. Même pour les acteurs qui n'envisagent pas de collaborer avec une startup pour ce type de besoin, elle prouve que la captation automatique des données est une hypothèse réaliste, probablement beaucoup moins complexe à mettre en œuvre que les modèles d'apprentissage automatique avec lesquels les départements marketing essaient de fidéliser les clients écœurés.
Les institutions financières se plaignent régulièrement des coûts toujours croissants qu'engendre la pression réglementaire mais, au vu de ce genre de dérives, ne devraient-elles pas d'abord s'en prendre à elles-mêmes et à leur terrible incapacité à développer des solutions optimisées. Lorsqu'une alternative, facile à concevoir, combine rationalisation et amélioration de l'expérience client, comment peuvent-elles encore faire le choix d'une approche sans imagination, héritée de pratiques antédiluviennes ?
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