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C'est pas mon idée !

lundi 2 juin 2025

Les bizarres priorités de Lloyds

Lloyds Bank
En deux jours, la semaine dernière, Lloyds Bank présentait deux nouveaux services à l'intention de ses clients, totalement différents autant dans leurs contenus que dans leurs implémentations. Il semble en ressortir une approche opportuniste de l'innovation qui, a contrario, met en lumière une inquiétante absence de vision stratégique.

Le premier, concocté avec la plate-forme spécialisée Hopper (à base d'intelligence artificielle, évidemment !), permet aux clients de l'établissement de réserver leurs vacances (vols et hôtels) directement depuis son application mobile, en bénéficiant des divers avantages tarifaires proposés par le partenaire. Voilà un exemple typique de fonction extra-bancaire, dont les prédécesseurs n'encouragent pas à l'optimisme quant à sa capacité de séduction et, plus largement, sa valeur pour les utilisateurs.

Le second est en revanche intimement lié aux métiers de Lloyds, puisqu'il s'agit de fournir aux couples une solution de pilotage de leurs dépenses communes, assurant à la fois leur suivi et leur répartition automatique sur plusieurs comptes et intégrant également une option d'épargne mutualisée. Cependant, dans ce cas, l'offre se limite (pour les plus prompts à la saisir) à un accès gratuit à la version avancée de l'application dédiée de Lumio, un récent participant au programme d'incubation de la banque.

Prises séparément, ces deux actualités n'ont rien d'original, y compris dans leurs défauts intrinsèques. Mises côte à côte, elles révèlent une gestion pour le moins surprenante des priorités au niveau de l'institution financière. Après tout, pourquoi diable une solution sans rapport avec la banque et ne correspondant à aucun besoin profond des clients est-elle incluse dans leur expérience tandis que celle qui répond à une demande d'une partie de la population (frustrée par la dispersion des apps) ne l'est pas ?

Lloyds – Travel Booking

La raison de cette incohérence, qui concerne quasiment toute l'industrie, est extrêmement simple : les innovations introduites dans les institutions financières le sont en fonction de facteurs conjoncturels – de la rencontre avec un entrepreneur à la lubie d'un responsable – et ne suivent aucun plan prédéterminé. Les ajouts, se faisant au hasard des événements, finiront par aboutir à des logiciels Frankenstein, rendus confus par la multiplicité de leurs fonctions, sans qu'ils soient plus utiles pour autant.

Le symptôme traduit simultanément le manque de prise au sérieux de ce que devrait être une démarche structurée d'innovation et un certain mépris pour les clients, à qui sont servies des applications mobiles assemblées sans préoccupation de cohérence ni perspective stratégique. Voilà une autre explication au succès des nouveaux entrants, capables de garder le cap sur ce qui compte vraiment pour les consommateurs, indépendamment du nombre de services qu'ils ont à mettre entre leurs mains.

dimanche 1 juin 2025

Une leçon de design par Monzo

Monzo
En décrivant pas à pas sa démarche de conception de son service de virements de masse pour les entreprises, Monzo nous offre une formidable leçon de « design thinking », dans les règles de l'art, et démontre par la même occasion que ce genre de méthode n'est pas (et ne devrait jamais être) réservé aux seules « grandes » innovations.

La première étape commence bien sûr par l'identification d'un besoin et, dès cette entrée en matière, la focalisation sur le client figure au premier plan. En l'occurrence, rien d'extraordinaire puisque l'équipe en charge de la banque pour les professionnels a simplement analysé les avis et commentaires de ses utilisateurs. La fonction envisagée est en outre relativement classique dans l'industrie. Mais il est hors de question d'imiter la concurrence sans explorer au préalable les attentes profondes à satisfaire.

Pour ce faire, l'écoute passive ne suffit plus, il faut s'immerger dans la réalité des premiers concernés afin de comprendre comment ils exécutent habituellement leurs opérations groupées – notamment pour les versements de salaires ou les règlements de factures récurrents –, quels outils ils adoptent dans ce but, quelles sont les frictions et les irritants qu'ils rencontrent… Cette phase se déroule par une série d'entretiens poussés, dont l'objectif est d'étudier le problème et non de rechercher une solution.

En vue d'enrichir les observations, plusieurs approches complémentaires entrent en jeu. Les données capturées au travers des usages actuels fournissent ainsi des enseignements précieux, tels que, par exemple, la fréquence des transactions ciblées ou la préférence pour un canal web plutôt que l'application mobile (par crainte d'erreurs). La cartographie des parcours, comportant non seulement les actions réalisées mais également les émotions associées, permet de matérialiser l'ensemble des résultats.

Monzo – Bulk Payments

Avant de passer à la définition d'un produit, il reste encore un exercice incontournable à effectuer (dont je constate hélas régulièrement qu'il est presque toujours oublié) : explorer la manière dont d'autres acteurs appréhendent le sujet. Il s'agit de recenser les options existantes et, surtout, de déterminer, le cas échéant, en quoi celles-ci ne sont pas optimales et, inversement, quels avantages distinctifs elles exposent dans leurs interactions. Elles aideront aussi à établir ce qui créera un facteur de différenciation.

Une fois la matière première assemblée, il est temps de passer à la conception proprement dite (quoique, en pratique, les échanges avec les clients s'accompagnent de prototypes afin d'évaluer leurs réactions initiales). Naturellement, elle est organisée par itérations, avec un plan prédéfini visant une transition d'un « produit minimum viable » à une solution idéale. Chaque version est d'abord soumise à quelques testeurs, autant pour éliminer les anomalies que pour affiner les principes opérationnels.

Dernière étape de la méthode : il faut mesurer les bénéfices concrets obtenus, ici (comme souvent) la satisfaction des clients, matérialisée par la baisse de leurs récriminations et le renforcement de leur fidélité. Et, pour résumer les critères de succès de l'approche elle-même, Monzo retient cinq éléments clés : l'utilisateur placé au centre des préoccupations, la collaboration dans un écosystème, la conversation permanente, l'apport des données objectives disponibles, la flexibilité et l'audace.