Quelques jours après la publication par France FinTech de son baromètre du « crowdfunding », je découvrais au hasard d'une communication officielle la (déjà ancienne) plate-forme Kiwaï Normandie de la Caisse d'Épargne locale, qui illustre tristement le développement poussif de la finance participative dans l'hexagone.
Je ne m'attarderai pas outre mesure sur l'état des lieux du marché français à la fin de 2024 mais il faut bien parler des chiffres qui dérangent : si le cap des 10 milliards d'euros apportés en une décennie représente un seuil symbolique fort, il n'en reste pas moins que ce montant est infime par rapport à la masse de l'épargne de nos compatriotes. Par ailleurs, la baisse de 17% constatée sur un an, suivant celle de 11% observée en 2023, est de mauvais augure pour l'avenir du secteur même après la prise en compte des explications conjoncturelles (sur la crise de l'immobilier, notamment).
Je ne sais pas si elle est représentative de ses consœurs, mais l'exemple de Kiwaï, qui est membre de France FinTech, peut fournir un aperçu des opportunités manquées. Voilà en effet une initiative qui, à première vue, coche toutes les cases de la pépite : une solution et une équipe ancrées dans leur territoire, pour proposer aux internautes d'investir – sous forme de prêt (à taux fixe) – dans des projets locaux à vocation exclusivement environnementale, avec une garantie totale du capital et des intérêts.
Ouverte en 2018, elle n'a pourtant qu'une quarantaine d'opérations (réussies) à son actif et aucune n'a été lancée depuis cinq mois. Entre les rémunérations attractives, entre autres par rapport au Livret A favori des français, la faculté pour les participants de s'engager concrètement pour la transition écologique, la confiance implicite accordée à une initiative portée par un établissement bancaire et l'assurance de ne pas perdre d'argent, tout porte à croire que les particuliers sont prêts à se ruer sur les offres.
Alors qu'est-ce qui manque à Kiwaï (et probablement à d'autres) pour devenir un standard de l'épargne ou, à tout le moins pour atteindre un niveau de réussite susceptible de pérenniser le modèle ? J'imagine deux hypothèses, toutes deux relatives à un problème de notoriété. D'une part, le grand public n'est peut-être pas suffisamment informé de l'existence de cette catégorie d'épargne, interdisant tout développement exponentiel. D'autre part, les entreprises seraient trop rarement guidées vers ces mécanismes de financement, qu'elles connaissent probablement mal, elles aussi.
Le deuxième point pourrait représenter un sérieux échec pour Kiwaï, puisque, logiquement, ce sont les conseillers de la Caisse d'Épargne qui devraient suggérer le recours au « crowdlending », en principe en complément d'un crédit classique. N'assument-ils donc pas ce rôle de relais (faute de formation adéquate, par exemple) ? Ou bien finit-elle par apparaître comme une concurrente de la banque ? À moins que la niche « verte » retenue soit trop étroite pour générer du volume ?
Côté investisseurs, le même raisonnement pourrait être appliqué, lors de leurs échanges sur leurs options d'épargne avec leur conseiller. Mais, plus généralement, il faudrait également populariser le concept de finance participative, aujourd'hui trop marginal en France, afin de lui donner un statut incontournable dans l'éventail des solutions disponibles et le sortir du cercle d'initiés auquel il s'adresse jusqu'à maintenant. Quoi qu'il en soit, au vu de la situation actuelle, une réaction énergique est nécessaire si on ne veut pas voir disparaître un des rares instruments innovants nés de la FinTech.
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