Free cookie consent management tool by TermsFeed
C'est pas mon idée !

jeudi 31 août 2017

Oubliez l'agilité, vive la dextérité !

Gartner
Depuis quelques mois, un nouveau mot a fait son apparition dans le vocabulaire des grands gourous de l'entreprise : la dextérité. Il fera certainement bondir les puristes de la langue française, mais il a peut-être aussi quelques vertus non négligeables, tandis que l'agilité qui l'a précédé est galvaudée et, surtout, perd de sa substance dans des dévoiements de plus en plus manifestes et fréquents.

Le concept est arrivé sans qu'on n'y prenne garde et, à n'en pas douter, il sera bientôt sur toutes les lèvres. Nous devons une de ses occurrences les plus récentes à Gartner qui pose la « dextérité digitale » en pilier de l'organisation du XXIème siècle dans son récent « Hype Cycle » dédié à l'environnement de travail. Un peu plus tôt dans l'année, le rapport annuel de Deloitte sur les tendances technologiques à surveiller l'inscrivait aussi en soutien essentiel et incontournable de sa vision de l'« entreprise cinétique ».

Mais que recouvre donc cette notion de dextérité ? En synthèse, elle porte l'idée que, dans le monde moderne, la transformation devient progressivement un état permanent et que, pour l'accompagner et rester pertinentes, les organisations doivent impérativement apprendre à évoluer, s'adapter, se reconfigurer, se réinventer… souvent, très rapidement et avec le moins de perturbation possible, de manière à toujours se tenir au plus près des attentes (changeantes) des clients et des technologies émergentes.

La cible est plus ambitieuse qu'il n'y paraît. Il ne s'agit pas simplement de détecter les innovations et de les expérimenter plus ou moins systématiquement. Il est surtout question d'identifier en temps réel les besoins nouveaux (exprimés ou non), de connaître, simultanément, toutes les solutions disponibles ou en incubation et de développer un talent universel de mise en correspondance des premiers avec les secondes, pour la création de produits finis, prêts à vendre, dans le temps (ultra-court) d'internet.

Vous pensiez que cette qualité s'appelait l'agilité ? Réveillez-vous ! L'ère est maintenant à la dextérité. Cependant, au-delà de l'insupportable danse des marottes des consultants, il faut bien reconnaître que (par la faute des mêmes ?) le terme « agilité » souffre aujourd'hui d'une image tellement déformée et incohérente (notamment avec les méthodes agiles) qu'il ne peut plus être utilisé sérieusement pour décrire un modèle d'entreprise. En tous cas, quel que soit le nom retenu, le cap doit rester le même…

The Kinetic Enterprise – Deloitte

mercredi 30 août 2017

Lemonade crée l'assurance dynamique

Lemonade
Non content d'avoir posé un jalon pour la souscription d'assurance habitation instantanée et le traitement express des sinistres, le trublion américain Lemonade s'attaque maintenant à un autre processus singulièrement irritant du secteur : la modification des conditions. La couverture qu'elle offre devient ainsi totalement dynamique.

Faites le test auprès de votre assureur actuel. Selon toute vraisemblance, si vous souhaitez changer votre niveau de franchise, ajuster la valeur des biens à protéger ou le montant de votre responsabilité civile, voire résilier votre police…, vous allez devoir contacter votre intermédiaire « favori » (centre d'appel, agent, courtier…), par téléphone (ou en face à face), lui expliquer votre situation, obtenir un devis, confirmer votre accord, attendre le contrat envoyé par la poste et le retourner signé, avant d'obtenir satisfaction.

À l'opposé, pour les clients, existants et futurs, de Lemonade, une telle opération ne prend que quelques instants : ils ouvrent l'application mobile de la startup, ils fournissent les détails de leur demande et reçoivent en retour une proposition actualisée (avec ou sans changement de tarification, selon les cas), qu'ils n'ont plus qu'à accepter pour que les nouvelles conditions entre en vigueur, immédiatement. Le principe semblera naturel aux consommateurs « digitaux », pourquoi n'est-il donc pas déjà généralisé ?

Accueil Lemonade

C'est avec cette évolution (en attendant les prochaines, qui sont en préparation) que les fondateurs de Lemonade justifient leur choix de créer une véritable compagnie d'assurance, plutôt que de se contenter, à l'instar d'autres acteurs, de se positionner en courtier et de simplement plaquer une belle interface utilisateur sur une plate-forme préhistorique. En effet, ils estiment, en particulier, que les systèmes informatiques en place chez la plupart des concurrents sont incapables de supporter l'agilité qu'ils visent.

Même s'il y a un peu d'exagération dans cette affirmation, il est indubitable que les « vieilles » infrastructures montrent des limitations de plus en plus criantes quand il s'agit d'adapter les services aux besoins en pleine mutation des consommateurs (et le constat est également valide dans d'autres industries, dont la banque). L'exemple pourrait bien servir d'alarme aux assureurs traditionnels : êtes-vous en mesure de gérer un contrat dynamique ? Dans la négative, peut-être devriez-vous vous poser des questions…

Et si cette seule avancée dans la gestion de l'assurance vous paraît mineure et peu digne de s'y attarder, imaginez toutes les autres situations de frustration que rencontrent vos clients dans leurs différents parcours, qui mériteraient de repenser de fond en comble la manière dont elles sont appréhendées. Ou bien projetez-vous sur une possible étape suivante pour Lemonade, qui consisterait à totalement automatiser la prise en compte des changements de contexte personnel susceptibles d'impacter la police souscrite…

mardi 29 août 2017

L'épargne automatique enfin dans une banque !

RBC
Il existe aujourd'hui des dizaines de startups, aux quatre coins de la planète, qui promettent à leurs utilisateurs de les assister dans la gestion quotidienne de leurs finances personnelles et de leur épargne. En revanche, l'idée ne semble pas séduire les banques… du moins jusqu'à maintenant, car RBC sera bientôt l'une des premières à se lancer.

Ce sont donc deux options nouvelles – actuellement en expérimentation auprès de quelques clients – qui verront (normalement) le jour dans le courant de l'automne au cœur de l'application mobile de l'établissement canadien. La première, baptisée « Perspectives NOMI » (« NOMI Insights », en anglais) se présente comme un outil de surveillance permanente des comptes, toujours prêt à signaler à l'utilisateur le moindre événement inhabituel susceptible de l'intéresser ou de requérir une action de sa part.

Un prélèvement récurrent plus élevé que les mois précédents, des dépenses répétées dans une catégorie rarement vue par le passé, des notes de restaurants qui s'envolent depuis quelques semaines… Plus besoin de perdre du temps à contrôler les relevés d'opérations de la banque, l'agent virtuel de RBC se charge automatiquement d'émettre une notification, afin de tenir le client informé d'une augmentation de tarif, d'une évolution dangereuse de son budget ou lui fournir les indices d'une fraude en cours…

La deuxième fonction à venir s'appuie sur les mêmes mécanismes d'analyse historique des transactions pour identifier les opportunités d'optimiser la trésorerie et l'épargne du consommateur. Concrètement, selon les disponibilités et les opérations prévisibles à court terme, « TrouvÉpargne NOMI » (« NOMI Find & Save ») va prendre régulièrement l'initiative de mettre lui-même de côté le montant optimal, aux meilleurs moments, sans jamais risquer un découvert sur le compte courant, bien entendu.

Avec ces innovations, RBC se vante d'être pionnière dans la mise en œuvre de l'intelligence artificielle au service de ses clients. Si on peut légitimement estimer qu'elle n'est encore, au mieux, qu'aux balbutiements de cette discipline, elle offre un excellent exemple d'un usage des données qu'elle détient dans des applications utiles aux consommateurs, dont elle dérivera une valeur certes difficilement quantifiable mais néanmoins indéniable. Pourquoi cette idée n'est-elle pas adoptée dans toutes les banques, en complément (ou à la place) de leurs solutions de PFM si décevantes ?

RBC Plaza

lundi 28 août 2017

Apple Pay, un désastre pour le paiement mobile

Apple Pay
Je n'y ai pas prêté grande attention en janvier dernier mais j'imagine que les oracles prédisaient alors qu'arrivait l'année du paiement via mobile (en France), comme ils la promettent depuis plus de 10 ans. A quelques mois de l'échéance, il faut probablement admettre que ce sera encore raté et Apple a sa part de responsabilité dans cet échec.

À l'instar des autres marchés développés, dans l'hexagone, l'univers des paiements est principalement régi par les grandes banques. Elles imposent donc, consciemment ou non, leurs choix technologiques, ce qui se traduit par une focalisation quasi exclusive sur le « sans contact », porté par les cartes et les terminaux des commerçants. Et quand les régions émergentes, Chine en tête, se « contentent » de QR codes, elles tentent de nous convaincre que ce serait une solution inférieure, indigne de notre statut.

Bien sûr, le fait qu'elles mettent des années à sortir un produit est un inconvénient mais c'est un modeste prix à payer pour bénéficier du meilleur service, n'est-ce pas ? Passons sur quelques retours peu flatteurs vis-à-vis de l'expérience utilisateur de Paylib (toujours meilleure que celle de feu Cityzi), le principal point de blocage est l'indisponibilité d'une version pour les téléphones d'Apple, le constructeur restant fermement décidé à conserver le monopole de l'accès aux fonctions sans contact de l'iPhone.

Or la plupart des grands établissements français (BPCE est la seule exception) préfèrent n'avoir aucune offre à proposer aux (environ) 20% de la population équipée de la marque à la pomme que de céder aux conditions drastiques et coûteuses d'Apple. Dans les pays où les taux d'adoption atteignent les 40%, tels que les États-Unis et la Grande-Bretagne, la question ne se pose évidemment pas dans les mêmes termes et les banques plient (après tout, c'est le principe même de la position dominante !).

Ces dernières semaines, une poignée d'acteurs supplémentaires a rallié Apple Pay, aux côtés de BPCE (et les plus modestes Carrefour Banque et Edenred). Mais le Crédit Mutuel Arkéa, N26 et Lydia n'ont clairement pas la dimension nécessaire pour rendre le paiement par mobile universellement crédible auprès des consommateurs. Alors, l'attentisme s'installe, car tout en étant minoritaire dans les poches de nos compatriotes, l'iPhone reste une référence incontournable pour leurs choix d'applications.

La situation en est là, bloquée entre un Paylib pas très convaincant et réservé à une partie des utilisateurs, un Apple Pay aux conditions inacceptables dans les grandes banques et un écosystème peinant à envisager d'autres approches technologiques (bien que le QR code revienne actuellement en force, par exemple chez Visa et Mastercard, pour les mêmes motifs). Sans qu'elle soit seule en cause, il ne fait pas de doute que la stratégie d'Apple a un impact négatif sur le développement du paiement via mobile.

Apple Pay

dimanche 27 août 2017

Estcoin, une ICO pour un autre système politique

Estonie
Quand l'Estonie annonce qu'elle réfléchit à l'émission d'une crypto-monnaie, elle n'est pas la première nation à le faire. Quand elle envisage de lancer une ICO (« Initial Coin Offering ») dans ce but, elle commence à intriguer. Quand un de ses responsables explique les ambitions de cette démarche, parler de révolution n'est plus une exagération.

D'emblée, les réflexions engagées autour de l'Estcoin – nom provisoire donné à cette hypothétique monnaie virtuelle – constituent un prolongement parfaitement logique des avancées du pays balte en matière d'e-résidence. Ces dernières, émanant du constat que ses infrastructures « digitales » pouvaient gérer bien plus que ses 1,3 millions d'habitants, posent depuis quelques années les fondations d'un état virtuel (au sens où il n'est plus nécessairement lié à un territoire) qui ne demande qu'à s'affermir.

Dans cette perspective, lui procurer une monnaie représente une évolution naturelle et que cette monnaie soit nativement numérique est une évidence. Au même titre que le concept de citoyenneté (choisie) détachée d'un lieu géographique et gérée sous une forme entièrement électronique, les outils financiers des e-résidents se doivent d'être totalement dématérialisés et indépendants (jusqu'à un certain point) d'un quelconque système local. Mais les porteurs du projet d'Estcoin voient encore plus loin…

Proposition de lancement de l'Estcoin

En effet, le concept d'ICO ne peut se réduire à la seule émission d'une crypto-monnaie. Il s'agit avant tout d'un modèle d'investissement et l'idée des dirigeants estoniens – en concertation avec la population, a priori – est, tout simplement (!), de l'appliquer à l'échelle d'un « e-pays ». En pratique, elle se traduirait donc par une prise de participation directe (et absolument inédite) par les e-résidents acquéreurs d'Estcoin dans les projets du gouvernement, avec le droit de regard et l'engagement que cela implique sur les priorités, leur mise en œuvre, l'intéressement aux bénéfices (financiers ou non, bien sûr)…

Ce qui se dessine derrière la proposition estonienne est en réalité un véritable programme politique expérimental. Son objectif est d'inventer et assembler progressivement un modèle de gouvernance adapté au monde connecté contemporain, libéré des contraintes géographiques qui n'ont plus de sens, auquel chaque citoyen décide d'adhérer volontairement et détient un pouvoir réel de contribution active et concrète aux décisions… Le principe d'« e-nation » ne sera bientôt plus une utopie et nous pourrons peut-être investir dans la première d'entre elles d'ici quelques mois !

samedi 26 août 2017

Une maquette pour comprendre la banque

Rabobank
Dans nombre de grands groupes financiers, les Cassandre de l'informatique ont beau alerter leur direction générale sur le danger que représente la complexité sans cesse croissante de leurs systèmes, l'urgence de la situation n'est pas pleinement comprise. Rabobank a imaginé une solution percutante pour capter l'attention des décideurs.

La banque néerlandaise est loin d'être un cas isolé. Comme la quasi totalité de ses consœurs dans le monde, elle s'est bâtie progressivement par une série d'acquisitions, chacune introduisant de nouvelles manières de travailler, avec les composants technologiques correspondant. Parfois, un effort de consolidation est entrepris de manière à rationaliser l'ensemble et converger vers une cible optimale. Plus souvent, les briques historiques s'accumulent et s'intègrent tant bien que mal les unes avec les autres.

Le résultat est un bric-à-brac inextricable dont nul n'est en mesure de maîtriser entièrement les tenants et aboutissants. Les « architectes d'entreprise » les plus lucides perçoivent bien les redondances, les inefficacités, les dépendances excessives… qui fragilisent l'édifice mais ils sont généralement mal armés pour matérialiser le problème de son ensemble et plus encore pour communiquer le sentiment de panique qu'ils peuvent ressentir et, partant, la nécessité impérieuse de procéder à une remise à plat.

Dans cette optique, une équipe de la branche WRR (« wholesale, rural and retail ») de Rabobank a décidé de construire une représentation en 3 dimensions de son système d'information. Celle-ci montre « simplement » les interactions entre les activités de la banque (apparaissant à la surface de la maquette) et les différents composants techniques existants dans les « soutes » de la DSI. La visualisation de l'enchevêtrement de connexions donne immédiatement un sens concret à l'idée de complexité !

Modèle d'architecture de Rabobank

Outre ses vertus pédagogiques étendues, l'exercice mené par Rabobank apporte également des bénéfices opérationnels. Les 3 mois de collecte d'informations ayant abouti à la création du modèle illustrent, en particulier, une lacune commune à une majorité de grandes entreprises : elles ne disposent d'aucune vision d'ensemble de leur socle technologique et se contentent de cartographies partielles et hétérogènes, rarement actualisées et donc obsolètes, limitant fortement leur capacité de transformation.

Il est en effet difficile dans ses conditions de préparer et mettre en œuvre une stratégie. Comment, par exemple, envisager le remplacement d'un élément quand on ne peut savoir avec certitude comment il s'inscrit dans le paysage global ni où, comment et par qui il est utilisé… ? Autre perspective, le simple fait de procéder à un état des lieux, et d'autant plus avec une représentation facile à appréhender, permet d'identifier très rapidement des aberrations historiques et, par conséquent, des pistes d'amélioration.

Chez Rabobank, la démarche porte ses fruits, au point de susciter des développements complémentaires. Pour enrichir l'expérience (et la rendre plus dynamique, peut-être ?), la banque a également conçu une version en réalité virtuelle de sa maquette. Elle a en outre assemblé le modèle de son architecture cible, qui devrait grandement simplifier la justification de son programme de rationalisation auprès des dirigeants, en montrant de manière graphique et palpable les gains à espérer d'un tel chantier.

Beaucoup trop de responsables vivent dans le déni face à l'extrême fragilité qui menace les fondations informatiques des institutions financières, tant que ne survient pas une catastrophe (et encore, cela ne suffit pas toujours). Dans ce contexte, l'éveil à la réalité et la prise de conscience de la situation actuelle deviennent des enjeux critiques. Seule une approche pragmatique comme celle de Rabobank est susceptible de provoquer le choc indispensable pour les stimuler. Elle constitue ainsi une inspiration pour tous.

vendredi 25 août 2017

Biométrie en entreprise, la fausse bonne idée ?

Sécurité
Les attaques ciblées envers les entreprises – et plus particulièrement les institutions financières – mettent en évidence le risque persistant de l'usage des mots de passe dans le cadre professionnel. Comme avec les applications pour les consommateurs, la biométrie apparaît comme une solution possible, mais est-elle réellement viable ?

Le débat sur les méthodes d'authentification traditionnelles est aujourd'hui plus ou moins clos. Le bon vieux couple identifiant – mot de passe n'assure plus le niveau de sécurité requis dans les entreprises et on ne compte plus le nombre de cas d'intrusions rendus possibles par la simple capture de ces informations sensibles. Ne parlons pas des inefficacités qu'elles génèrent, entre oublis fréquents (notamment en raison des règles imposant une certaine complexité), pertes de temps dues à des erreurs de saisie…

Inspirées par la généralisation des techniques biométriques dans les applications grand public, notamment depuis l'intégration d'un lecteur d'empreinte digitale dans l'iPhone, quelques banques envisagent leur adoption pour l'accès à leurs systèmes d'information. Elles espèrent de la sorte gagner en efficacité et renforcer la sécurité. C'est ainsi que, par exemple, un petit établissement américain, West Milton State Bank, vient d'installer dans ses agences un système d'authentification par le réseau veineux de la main.

West Milton State Bank

Bien que séduisante au premier abord, cette idée est entachée de défauts qui devraient inciter à la plus extrême prudence dans les entreprises qui voudraient suivre la même voie, quelle que soit la technologie choisie. En effet, avant de se lancer, il faut bien prendre conscience de l'évolution du concept de poste de travail. Les temps sont révolus où tous les employés disposaient de micro-ordinateurs à peu près identiques. Dorénavant, la diversité des équipements domine et impose de nouvelles contraintes.

L'utilisation de smartphones, le déploiement de tablettes ou de PC hybrides pour les conseillers itinérants (voire tous), la mise en place de politiques « BYOD » (« Bring Your Own Device », permettant à chacun d'utiliser ses appareils personnels)… sont autant de facteurs à intégrer. Or, la plupart des solutions biométriques du marché ne sont compatibles qu'avec une partie de ces options. S'il faut les multiplier pour pouvoir adresser tous les cas, les coûts et la complexité de gestion explosent.

L'amélioration des conditions de sécurité des institutions financières est un défi majeur et prioritaire pour lequel, hélas, il n'existe actuellement aucune réponse satisfaisante. Cet état de fait ne doit pas interdire de mener des initiatives ponctuelles – au contraire, elles sont souvent indispensables et parfois urgentes – mais elles ne peuvent être abordées sans s'interroger au préalable sur leurs limitations dans un contexte d'évolution rapide des modes de travail et des technologies utilisées par les collaborateurs.

jeudi 24 août 2017

La banque digitale prend soin de ses salariés

DBS Bank
La transformation « digitale » des institutions financières ne se satisfera pas uniquement de technologie (c'est la raison pour laquelle je préfère utiliser un anglicisme plutôt que l'adjectif « numérique »), elle a aussi besoin des hommes et femmes qui la portent au quotidien. Comme quelques autres (rares) pionnières, DBS l'a parfaitement compris.

Si elles étaient des startups, les grandes banques n'auraient pas à se poser de question : il leur « suffirait » de recruter des personnes imprégnées des enjeux de notre époque et de les embarquer dans la culture « digitale » qui s'impose alors dès l'origine. Malheureusement, elles ont un historique qu'il est impossible d'effacer d'un trait de plume et avec lequel elles doivent composer. En particulier, leurs collaborateurs ne peuvent être remplacés du jour au lendemain, ne serait-ce que parce qu'ils « sont » l'entreprise.

Le défi auquel elles sont confrontées est donc double. D'une part, elle s'engagent dans une mutation profonde de leur mode de fonctionnement, capitalisant sur les technologies émergentes afin de mieux répondre aux attentes volatiles de leurs clients. D'autre part, elles doivent s'assurer que l'ensemble de leurs effectifs adhère à ce projet et y contribue sans réserve, car ils en sont une composante essentielle. Dans le cas de DBS, le premier volet est plutôt bien engagé mais il lui reste beaucoup à accomplir sur le deuxième.

Ce n'est pas une surprise, car de nombreuses initiatives peuvent être engagées sur la voie de la transformation, sans requérir que toute l'organisation suive. En revanche, pour espérer atteindre l'objectif de devenir une banque « digitale » (l'étape suivante), il n'est pas possible de laisser quiconque en arrière. Les premiers succès donnent généralement une impulsion positive pour cette généralisation, mais elle ne suffit pas. Chez la singapourienne, un vaste dispositif de formation est mis en place en ce sens.

Celui-ci comprend notamment une plate-forme avancée, capable de définir automatiquement des cursus personnalisés, selon les compétences de l'individu, ses envies (professionnelles) et les besoins de l'entreprise. Un parcours d'apprentissage complet sur les thèmes de la « digitalisation » (nouveaux modèles d'affaires, méthodes agiles, usages des technologies, approche centrée sur l'humain…) vient d'y être intégré. Une particularité : il s'adresse aux 10 000 employés de la banque, sans exception.

Par ailleurs, une partie « expérientielle » apporte un complément indispensable à ces cours théoriques (en ligne et en classe). Outre des efforts génériques tels que l'animation d'ateliers pratiques de design ou de hackathons (qui ont déjà attiré plus de 2 000 participants au cours des 3 dernières années), DBS ouvre à ses salariés des opportunités de congés rémunérés pour création d'activité, qu'elle stimule aussi en offrant des programmes d'accélération interne, avec financement, mentorat…

La transformation qui s'impose aujourd'hui à tous les grands groupes ne peut se conduire sans les hommes et les femmes qui les font vivre. Or, ils ont besoin d'être accompagnés, non seulement dans cette phase critique de leur vie professionnelle mais également (et plus encore) dans l'acclimatation à une nouvelle ère, qui leur demandera de s'adapter en permanence aux changements du monde. Plus qu'une formation ponctuelle, c'est un modèle d'apprentissage et d'évolution continus qu'il faut leur proposer.

DBS. World's Best Digital Bank

mercredi 23 août 2017

Lendstar, l'argent entre amis de A à Z

Lendstar
Au premier abord, Lendstar est une application mobile d'échange d'argent entre amis comme il en existe tant d'autres à travers le monde. Elle recèle pourtant quelques particularités – notamment dans la mission qu'elle se donne de prendre en charge tous les besoins de sa cible d'utilisateurs – qui méritent de s'y attarder un instant.

Bien sûr, toutes les fonctions basiques sont couvertes : envoi simple d'argent, sans limite de montant, partage de frais dans un groupe, gestion de cagnotte… En arrière-plan, Lendstar réalise tous les transferts grâce à un simple mécanisme de virement inter-bancaire, compatible avec tous les établissements allemands et autrichiens. L'enregistrement d'un moyen de paiement, qui paraîtra familière aux consommateurs de ces pays, passe ainsi par une authentification sur leur site de banque en ligne.

Incidemment, cette méthode permet à la startup de proposer son service aux e-commerçants, sous la forme d'un mode de règlement sur facture (relativement courant en Allemagne). Quelques grandes enseignes ont déjà adopté l'option, parmi lesquelles Amazon ou encore Zalando… Mais la force de Lendstar est bien de focaliser ses efforts sur toutes les circonstances impliquant des mouvements d'argent entre individus. Et dans ce registre, la prise en charge des emprunts entre amis est sa principale originalité.

Accueil Lendstar

L'approche retenue pour ce faire est extrêmement simple. Comme s'il s'agissait d'une collecte classique, le demandeur constitue un groupe à partir de ses contacts et indique le montant qu'il désire emprunter. Les personnes sollicitées, dûment notifiées, répondent en effectuant un virement dans l'application, pour le montant de leur choix. Immédiatement, des événements de remboursement sont automatiquement intégrés dans le fil d'événement de l'initiateur, un clic lui suffisant alors pour régler sa dette.

Ce concept de crédit (sans intérêts) repose avant tout sur la confiance entre les participants et leur bonne foi. Mais Lendstar affirme tout de même que ces opérations entraînent une obligation légale et, en conséquence, elle a mis en place une procédure interne (documentation précise et complète à l'appui) pour accompagner les éventuels créanciers floués, qui souhaiteraient faire valoir leurs droits en justice.

La jeune pousse joue également la différence sur son modèle économique. En effet, tous les services qu'elle offre sont entièrement gratuits pour les consommateurs, ce qui représente évidemment un facteur d'attraction considérable. Elle tire ses revenus de sa solution en marque blanche à destination des institutions financières. Plusieurs petites banques allemandes distribuent donc une version de l'application à leurs couleurs, avec l'avantage de bénéficier d'un effet de réseau qui serait sinon hors de leur portée.

Avec quelques autres (par exemple OCBC), Lendstar nous donne un nouvel exemple de la démarche consistant à identifier et intégrer tous les cas d'usage possibles d'un moyen de paiement, jusqu'à le transformer en compagnon de tous les moments. Les recettes qu'elle met en œuvre ne sont probablement pas toutes prêtes à décliner dans des contextes différents (les habitudes locales, notamment, doivent être prises en compte), mais elles peuvent néanmoins constituer une riche source d'inspiration…

mardi 22 août 2017

L'innovation, un job à mi-temps ?

Innovation
Dans un article pour BankNXT, JP Nicols évoque la tendance qui voit l'innovation dans les institutions financières s'ajouter au titre d'un directeur du digital, de la technologie ou autre, accréditant l'idée qu'il ne s'agirait pas d'un rôle à plein temps. Contrairement à lui, je pense que cette approche constitue une grave erreur stratégique.

Bien sûr, le constat de JP Nicols s'adresse principalement à la myriade de petits établissements qui prolifèrent aux États-Unis, dans lesquels il peut effectivement être difficile de justifier le salaire d'un directeur de l'innovation. Pourtant, je pense que le sujet est suffisamment important (après tout, il est placé depuis plusieurs années parmi les 3 grandes priorités des PDG) pour qu'il mérite son responsable dédié. Dans les plus grandes structures, cette réalité peut aussi se décliner à l'échelle de ses entités.

Si, réellement, l'entreprise ne parvient pas à imaginer comment les efforts d'innovation peuvent occuper une personne à 100%, il est probablement temps pour elle de remettre en question sa vision de l'avenir et d'accepter que la seule certitude pour demain est l'exigence de transformation permanente de ses métiers. Un jour, la prise de conscience finira par atteindre toutes les cellules de l'organisation mais, en attendant, celui qui doit piloter cette mutation culturelle fait face à un chantier gigantesque.

D'autre part, la même conviction que l'innovation doit concerner tous les collaborateurs est une autre puissante motivation pour en faire un poste indépendant. En effet, la rattacher à une autre fonction enverrait un message incohérent, en laissant entendre qu'elle ne s'adresse qu'à un sous-ensemble de l'entreprise. Rien de tel pour démobiliser ceux qui se sentent écartés et pour rassurer ceux (bien plus nombreux) qui craignent le changement et cherchent toutes les excuses possibles pour rester à l'abri.

Enfin, comment croire qu'une seule personne peut porter simultanément deux responsabilités distinctes, dont l'une (l'innovation) requiert des qualités et une démarche très spécifiques ? Sauf à recruter un super-héros, à plus ou moins brève échéance, peut-être dès la définition des objectifs, l'une d'elles prendra inévitablement le dessus au détriment de l'autre et la situation sera revenue au point de départ.

Il est absolument crucial qu'un responsable de l'innovation ne soit pas isolé du reste de l'organisation : il lui faut systématiquement collaborer avec ses collègues pour remplir sa mission avec succès. Mais cela n'induit en aucune façon qu'il puisse être impliqué lui-même directement dans une autre activité, bien au contraire. Aujourd'hui, un directeur de « quelque chose et l'innovation » est presque sûrement la manifestation d'une stratégie superficielle, sans volonté profonde de faire progresser la transformation.

Hydre de Lerne

lundi 21 août 2017

À ce prix-là, mieux vaut oublier l'IA

Bank of America
Toutes les institutions financières sont fascinées par les promesses de l'intelligence artificielle, même si la plupart d'entre elles (deux sur trois, selon Celent) n'ont pas encore engagé le moindre investissement dans le domaine. L'exemple de Bank of America, avec son assistant virtuel « erica », inciterait toutefois à maintenir cette prudence…

C'est à l'occasion de la conférence Money 2020, à l'automne 2016, que la géante américaine présentait [PDF] son futur agent mobile, capable de répondre à toutes les questions de son utilisateur, posées de vive voix ou par messages textuels. Il devait même être doué d'initiative, suggérant spontanément des actions concrètes dans des moments opportuns. Presque un an plus tard, seul un déploiement expérimental est prévu, auprès d'un échantillon de collaborateurs, d'ici « quelques mois ». Et l'impression qui se dégage de ces péripéties est surtout celle d'une dérive incontrôlée.

Une équipe de plus de 100 personnes aurait en effet été affectée au projet. Une bonne partie des efforts portent (logiquement) sur l'intégration avec les systèmes existants, ce qui explique que les informaticiens du sérail représentent la majorité de l'effectif. Les délais de réalisation, en revanche, sont justifiés par un désir de perfection – la crainte d'un rejet par les clients étant omniprésente – et la mise en œuvre de multiples cas d'usages, considérés comme prioritaires pour satisfaire les consommateurs.

Bank of America se garde de révéler le coût de développement d'« erica » mais il est facile d'imaginer qu'ils se compte en millions de dollars (et probablement au-delà de la dizaine). Si tel est le prix à payer pour se placer à l'avant-garde de l'intelligence artificielle, sans aucune certitude sur l'accueil que lui réservera la clientèle (en dehors, au mieux, de quelques enquêtes plus ou moins représentatives), il est clair que ses concurrentes préféreront attendre les premiers retours avant de se lancer à leur tour.

D'un autre côté, l'approche retenue n'est peut-être pas optimale… Ainsi, il ne semble pas raisonnable d'aborder un projet innovant, rempli d'incertitudes, avec une équipe pléthorique chargée de livrer un produit fini au terme d'une année d'efforts. S'il est impossible de procéder autrement avec les solutions disponibles aujourd'hui, il est certainement préférable de s'abstenir. Cependant, l'hypothèse la plus vraisemblable est que Bank of America n'a pas réuni les meilleures conditions pour réussir.

Pour ma part, je refuse de croire qu'il ne serait pas possible d'identifier des cas d'usage limités (en s'appuyant sur des partenariats et en limitant les contraintes d'intégration, par exemple), permettant de valider avec les clients la pertinence des choix envisagés, sans s'engouffrer immédiatement dans une démarche lourde et coûteuse. Mais, bien sûr, ce genre de méthode n'est pas encore entré dans les mœurs des grandes banques…

Erica

dimanche 20 août 2017

Des banques et des stratégies RH

RBS
Dans un monde en profonde mutation, les institutions financières sont confrontées à des défis inédits, appelant des réponses radicales. La transformation de la gestion des ressources humaines fera probablement la différence entre leur survie et leur extinction. L'actualité récente nous offre 3 exemples aux antipodes les uns des autres.

À une extrémité du spectre, la britannique RBS se débat toujours, 10 ans après, avec les retombées de la crise et prépare une énième coupe d'effectifs. La particularité, cette fois, est la population concernée, puisqu'il est question de supprimer presque 900 postes dans les fonctions informatiques. La banque ne manque pas d'indiquer qu'elle procède à un ré-équilibrage entre collaborateurs internes et prestataires externes, ainsi qu'une redistribution hors de Londres, mais elle confirme son objectif de réduction globale.

Dans un établissement dont quelques incidents techniques majeurs ont considérablement entamé la crédibilité et qui avait promis d'investir massivement dans la solidification de ses systèmes, un tel choix a de quoi surprendre. Peut-être les plates-formes historiques ont-elles été stabilisées et les équipes qui ont géré cette consolidation ne sont-elles plus utiles. Pourtant, la solution mise en œuvre n'était que palliative et, selon toute vraisemblance, il resterait maintenant à entamer un véritable effort de modernisation.

Il est difficile d'imaginer comment cette prochaine étape, qui doit également intégrer les exigences de la révolution « digitale », pourra être entreprise avec moins de personnes, même si on peut admettre que ce ne sont pas nécessairement le mêmes profils qui pourront la conduire. Il est donc à craindre que la situation se dégrade à nouveau rapidement avec l'infrastructure actuelle, alors qu'aucun plan sérieux ne semble émerger pour la génération suivante. L'avenir de RBS ne paraît pas reluisant…

Simple

À l'autre bout de la planète, l'australienne Westpac choisit une toute autre démarche pour rester pertinente à long terme. Consciente de l'accélération de l'innovation technologique et de son impact inévitable sur ses métiers, elle comprend aussi parfaitement que les professionnels qu'elle emploie ont, pour la plupart, la formation qui était requise pour travailler sur ses vieilles « applications » et non pour appréhender le flot continu d'outils, de méthodes, de concepts… qui entrent aujourd'hui dans la banque.

Elle n'envisage cependant pas de se séparer de ces « anciens », sachant pertinemment, d'une part, qu'ils possèdent une connaissance utile de l'existant et du fonctionnement de l'entreprise et, d'autre part, qu'il pourrait lui être extrêmement difficile de recruter les spécialistes qu'il lui faudra demain. Alors, sa DSI met en place une « université » interne offrant des centaines de cours en ligne et présentiels, destinée à permettre à tous les collaborateurs d'adapter leurs compétences à l'évolution du marché, en les sensibilisant à la nature éminemment volatile de leurs spécialités.

Le dernier exemple de cette série devrait servir de modèle à toutes les institutions qui veulent devenir des entreprises technologiques : Simple, qui devrait génétiquement en être l'archétype, réalise que son rachat par BBVA Compass l'a détournée de sa mission première d'inventer et de développer des produits financiers qui résolvent les problèmes de ses clients, se concentrant plus sur la migration de son infrastructure et son développement commercial, comme si elle était devenue une banque traditionnelle.

Sa réponse pour revenir vers ses origines consiste à se séparer de 10% de ses troupes (33 personnes). En l'occurrence, c'est plutôt le haut de la pyramide qui est concerné ici, dont, notamment, les responsables du marketing, des ressources humaines, des opérations… L'accent est remis sur l'exécution. La leçon pourrait profiter à tous les grands groupes qui tentent de lancer des startups internes et se retrouvent fréquemment à y créer une réplique exacte, à l'échelle, de leur organisation, avec toute sa lourdeur.

La transformation des services financiers induira des changements profonds sur les modes de travail et sur les métiers, en particulier dans le domaine technologique. Il n'existe pas de solution universelle mais il est certain que les banques doivent adapter leurs modèles actuels, conçus pour une autre époque. L'accélération des cycles de décision (avec l'aplatissement de la hiérarchie qu'elle implique) et la prise en compte du besoin d'actualisation permanente des compétences seront des axes essentiels.

samedi 19 août 2017

Parlons de continuité de service…

Barclays
Nous sommes tellement habitués que nous n'y faisons plus vraiment attention : de temps en temps, notre banque nous informe que ses services en ligne seront indisponibles en raison d'une maintenance importante. Généralement planifiées de nuit, durant le week-end, ces perturbations sont certes peu gênantes. Mais sont-elles normales ?

C'est une alerte de Barclays qui m'incite à soulever cette question aujourd'hui. En effet, sous le coup d'une obligation réglementaire de séparer ses activités en deux, l'établissement britannique informe ses clients d'une série d'interruptions de services jusqu'à la fin de l'année, dont la première intervient de la nuit du samedi 19 août jusqu'au milieu de l'après-midi du dimanche 20 août. L'impact commence donc à être sensible, d'autant que le porte-monnaie mobile PingIt est également affecté par l'arrêt.

Plus généralement, le désir des banques de proposer de plus en plus d'outils électroniques utiles pour le quotidien des consommateurs (et, parfois, des entreprises), dont les moyens de paiement sur smartphone sont actuellement les plus répandus, va inéluctablement transformer les attentes en matière de continuité de service. Il est (évidemment !) inacceptable de ne pouvoir utiliser son porte-monnaie, même si ce n'est que pour quelques heures au milieu de la nuit. Et cette exigence se généralise.

Alerte de service Barclays

Les institutions financières prennent-elles conscience de l'évolution de la tolérance – ou, plutôt, de l'intolérance – chez leurs clients ? Rien ne le laisse penser, notamment au vu des fréquentes notifications d'accès restreint qu'elles émettent (et ne parlons pas des incidents et autres imprévus). En réalité, les responsables des applications destinées aux clients sont, pour la plupart, enfermés dans leurs habitudes : depuis toujours, les mises à jour importantes requièrent une fermeture temporaire, pourquoi faudrait-il changer ?

Il est vrai que le poids de l'historique est un sérieux handicap et pas uniquement sur les comportements. Dans les toutes premières décennies de l'informatisation de la banque, les logiciels développés pouvaient n'être opérationnels que durant les heures d'ouverture des agences. Or, depuis la fin des années 90, le développement des services en ligne puis mobiles demande un fonctionnement 24 heures sur 24. Hélas, une partie des composants, dont parfois les plus critiques, n'a pas été adaptée à cette nouvelle réalité.

Comment ces entreprises peuvent-elles se prétendre « digitales » avec de telles limitations ? Comment osent-elles se comparer aux géants du web ? A-t-on déjà vu Google, Facebook ou Amazon fermer un site pendant plusieurs heures sous prétexte de déployer une nouvelle version ? Ces acteurs sont justement ceux qui créent les exigences des consommateurs contemporains. Si l'ambition est de s'aligner sur les standards qu'ils définissent, il faudrait commencer par en appliquer les principes fondamentaux…

vendredi 18 août 2017

SALT prépare le prêt sur crypto-gages

SALT
Vous avez besoin de liquidités mais vous ne souhaitez pas vider votre portefeuille de bitcoins ou d'ethers, surtout pendant la période de hausse des cours actuelle ? La plate-forme de SALT est faite pour vous : en quelques clics, vous pourrez y obtenir un prêt en euros, dollars, livres sterling, yens…, garanti par un dépôt en crypto-devises.

Le principe de cette nouvelle solution de crédit – utilisable pour tout type de besoin et sur des durées d'1 heure à plusieurs années – est très simple. Après inscription, l'utilisateur est invité à placer en séquestre un montant donné dans l'une des monnaies virtuelles supportées, en contrepartie duquel une somme proportionnelle est transférée sur son compte bancaire, dans la devise de son choix. Grâce à l'automatisation et à la réduction des risques de défaut, les taux proposés sont extrêmement compétitifs.

Son mécanisme de prise de gage permet à SALT de s'affranchir d'une analyse du score de crédit de ses clients tout en éliminant presque entièrement l'impact des défaillances. En effet, en cas de non remboursement, il lui suffit de vendre les actifs conservés en garantie pour combler ses pertes. Afin de compenser d'éventuelles baisses de cours des crypto-devises menaçant cette couverture, elle peut en outre émettre des appels de marge, sous forme de dépôt complémentaire ou de remboursement anticipé.

Tous les événements survenant dans la vie des prêts consentis (souscription et mise en gage, remboursement, paiement des intérêts, appels de marge, gestion des défauts…) sont gérés automatiquement grâce à des « smart contracts » déployés sur la blockchain Ethereum, ce qui procure une efficacité incomparable au système et permet d'offrir aux emprunteurs des conditions financières particulièrement avantageuses.

Accueil SALT

En dépit des apparences, SALT n'est pas un établissement de crédit puisqu'elle se contente de jouer le rôle d'intermédiaire pour des partenaires, qui pourront être des institutions traditionnelles ou des acteurs disruptifs. Si elle peut ainsi contourner les exigences réglementaires les plus lourdes, la startup n'en est pas moins consciente de ses obligations résiduelles, notamment en termes de connaissance du client et de lutte contre le blanchiment, pour lesquelles elle met en place les processus ad hoc.

L'offre s'adresse principalement aux inconditionnels de Bitcoin, d'Ethereum, voire de Ripple (dont le token – XRP – est aussi accepté), et avant tout à ceux qui utilisent ces supports à des fins d'investissement (et non pour des échanges commerciaux). Ils pourront de la sorte faire face à des besoins momentanés de trésorerie sans affecter leur portefeuille et, comme le souligne avec insistance la communication officielle, en évitant les taxes et impôts normalement dus sur les ventes de crypto-devises.

Il y a 2 ans, SALT aurait vu le jour comme un projet entrepreneurial classique, soutenu par un financement d'amorçage de quelques dizaines ou centaines de milliers de dollars. En 2017, c'est inévitablement une ICO (« initial coin offering ») qui préside au lancement, les pièces (« coins ») émises étant destinées à payer l'abonnement annuel à la plate-forme. J'avoue ne pas comprendre comment les fondateurs justifient qu'ils aient besoin de lever 35 millions de dollars pour démarrer, alors que leur défi majeur (et non financier) sera de convaincre des établissements de crédit de rejoindre la plate-forme.

Hormis cette réserve (face à ce qui, je le maintiens, a toutes les caractéristiques d'une bulle), la solution de SALT représente une excellente démonstration des immenses opportunités que procurent les crypto-devises (et pas uniquement la technologie de blockchain) dans une approche de rationalisation des instruments financiers. La leçon serait cependant plus complète si elle allait jusqu'à intégrer la production de crédits (ce qui, pour le coup, pourrait motiver la constitution d'un capital élevé).

jeudi 17 août 2017

L'intelligence artificielle appartient-elle à la DSI ?

Orange Bank
Il est de notoriété publique que la future Orange Bank a la ferme intention d'introduire une dose d'intelligence artificielle dans sa relation client, sous la forme d'un assistant virtuel propulsé par la technologie Watson d'IBM. Une offre d'emploi de l'opérateur nous donne l'occasion d'analyser les enjeux stratégiques d'une telle approche.

L'intitulé du poste – Intelligence Artificielle Solution Owner – est pour le moins ambigu, puisqu'il associe un concept technique à une référence au rôle de « product owner » des méthodes agiles et évoque de la sorte une fusion a priori incongrue entre informatique et métier dans une seule tête. La description qui en est faite confirme cette impression : rattaché à la DSI, le profil recherché aura (entre autres) pour mission de représenter la voix du client dans la définition des cas d'usage de l'intelligence artificielle.

L'objectif sous-jacent est explicite : il s'agit de mettre en œuvre une technologie, en collaboration avec son fournisseur, dans le cadre des activités de la banque. Or, comme j'aime à le rappeler régulièrement, cette perspective est extrêmement dangereuse, en particulier dans une structure qui est en train de bâtir son offre, car elle tend à placer l'outil devant le produit à créer, avec le risque de perdre de vue le besoin du client (le syndrome du propriétaire d'un marteau, pour qui tout problème ressemble à un clou).

À moins qu'il ne soit magicien, le « solution owner », intégré dans une entité principalement chargée de la mise en œuvre, ne pourra corriger ce défaut. Certes, il collaborera avec le marketing et le centre d'appel pour concevoir et implémenter les applications, mais la vision informatique aura toutes les chances de prendre le dessus sur le métier, en raison de son positionnement hiérarchique et parce que l'objet technologique est celui qui est inscrit dans sa mission, et aucunement un produit bancaire.

L'erreur d'Orange est, classiquement dans une organisation trop obnubilée par les outils, de vouloir rassembler sous une casquette unique deux rôles radicalement différents. D'un côté, elle recherche un architecte de la solution d'intelligence artificielle, capable d'accompagner son développement et ses utilisations en garantissant une forte cohérence à l'échelle de l'entreprise. De l'autre, il lui faut de vrais « product owners » (un par cas d'usage, en toute logique), qui pilotent les projets par les attentes des clients.

Enfin, profitons de ce billet pour remarquer que l'annonce publiée par Orange Bank (très attractive, en principe, quels que soient ses défauts) n'a toujours pas abouti à un recrutement après 7 mois, ce qui semble confirmer la pénurie de talents dans le domaine de l'intelligence artificielle (et augure mal d'un déploiement à court terme de l'assistant virtuel promis). Cette situation de crise ne justifie cependant pas de courir après un hypothétique mouton à 5 pattes susceptible de satisfaire tous les besoins…

P.S. Responsables d'Orange Bank, je serais ravi de développer ces réflexions et rechercher une solution avec vous. N'hésitez pas à me contacter !

Le Fil Orange

mercredi 16 août 2017

Gartner : 3 tendances pour la prochaine décennie

Gartner
Avec la nouvelle livraison estivale par les analystes Gartner de leur traditionnel « hype cycle » des technologies émergentes, destiné à identifier les tendances majeures pour la décennie à venir, une (demie) surprise nous attend : presque rien n'a changé depuis l'année dernière, bien que quelques effets de mode se soient largement amplifiés.

Le domaine le plus prometteur et, logiquement, le plus victime de battage médiatique écervelé est sans conteste celui de l'intelligence artificielle, profitant de la croissance exponentielle simultanée des capacités de calcul et des volumes de données exploitables. Pourtant, les progrès de l'informatique cognitive, de l'apprentissage automatique (machine learning, deep learning…), des interfaces conversationnelles… sur le terrain restent modestes et les mises en œuvre dans de « vraies » solutions sont encore rares.

Deuxième grand axe de la vision de Gartner, le concept d'expérience immersive transparente bénéficie de la (lente) arrivée à maturité de la réalité virtuelle et de la réalité augmentée, même si leurs applications concrètes ne concernent actuellement, pour l'essentiel, que quelques niches expérimentales (en dehors du secteur des loisirs). Derrière ces technologies locomotives, les interfaces cérébrales, les approches d'humain augmenté, les dispositifs d'affichage volumétrique… demeurent fort lointains.

Dans le secteur financier, la perspective est cependant sensiblement différente. En effet, l'idée d'une expérience transparente n'y a pas la même résonance : elle prendra plutôt la forme d'une intégration invisible des services dans des moments de vie. Les enjeux technologiques qu'elle porte ne sont donc pas les mêmes, mettant par exemple l'accent sur la généralisation des API et de l'ouverture aux acteurs externes. Balbutiante aujourd'hui, cette tendance aura certainement un impact considérable à moyen terme.

Gartner – Hype Cycle Emerging Technologies 2017

Dernière orientation à suivre pour Gartner, le phénomène des plates-formes, dans une acception qui s'écarte du socle technique conventionnel pour promouvoir une logique d'écosystème, en mettant des outils tels que l'informatique quantique, l'internet des objets, la blockchain, les jumeaux numériques… au service de la définition de nouveaux modèles d'activité. Dans l'immédiat, ces briques sont toutefois confinées à des usages sur des périmètres restreints, portant des promesses beaucoup moins ambitieuses.

Là aussi, le monde de la finance montrera sa spécificité. Moins focalisé sur les aspects purement technologiques, il subit des pressions multiples – émanant des clients, de la concurrence des géants du web et des startups de la FinTech, des régulateurs… – qui l'obligent à adopter une approche d'agrégation de services, pour une meilleure réponse aux besoins et une plus grande efficacité opérationnelle. Dans ce contexte, la plate-forme fournit notamment les fondations de la gestion de l'information et des données, du risque et de la sécurité, des contraintes réglementaires, du conseil…

Pour compliquer la tâche des innovateurs, les 3 tendances sont indissociables les unes des autres et doivent impérativement être abordées comme un ensemble cohérent : la plate-forme deviendra dans quelques années le point d'accès universel aux services financiers, prêts à délivrer aux clients lors d'événements clés, l'intelligence artificielle assurant, en toute transparence et avec une loyauté à toute épreuve, l'adéquation au besoin et à l'environnement individuels, l'administration et le suivi quotidiens…

mardi 15 août 2017

Il doit exister une autre méthode…

TSB
Depuis longtemps, je défends la conviction que les banques qui ne l'ont pas encore fait doivent impérativement moderniser leur cœur de système informatique avant de rêver à une quelconque transformation « digitale ». Le récit de la démarche entreprise dans ce sens par TSB montre cependant que le passage à la pratique reste problématique.

Bien que leurs infrastructures historiques exposent régulièrement leurs faiblesses, l'immense majorité des institutions financières dans le monde résistent à l'idée d'une refonte de ce qui constitue le moteur de leur activité, effrayées par les risques et les coûts d'un tel projet. Dans le cas de la britannique TSB, une opportunité particulière a permis de vaincre ces craintes : sa séparation du groupe Lloyds (en 2013) et son acquisition par Sabadell (en 2015) ont créé les conditions de la nécessaire révolution.

L'utilisation du vieux socle technique de Lloyds, représentant une facture de 100 millions de livres en 2016, et la disponibilité d'une alternative plus moderne chez sa nouvelle parente ont en effet décidé les responsables de TSB à lancer un vaste programme de remplacement, basé sur une adaptation au contexte britannique de la plate-forme Proteo du groupe espagnol. Hélas, lorsque, dans une interview, le DSI évoque simultanément cette initiative et la création d'une nouvelle application, la cohérence s'effondre…

D'un côté, il est ainsi question de changement de culture, d'agilité et de collaboration étroite, concrétisées dans la réalisation d'une solution de banque mobile entièrement nouvelle, conçue et développée dans une logique d'amélioration continue, avec les conseillers et les clients, prenant rapidement en compte leurs commentaires et leurs demandes, à la recherche permanente d'une expérience utilisateur optimale. Toutes les caractéristiques d'une banque « digitale » sont là, n'est-ce-pas ?

Mais, sur l'autre versant, moins visible du commun des mortels, de quoi est-il question ? D'un chantier de migration impliquant, depuis plus d'un an, 200 conseillers (au moins, la collaboration avec le métier est assurée) et plus de 800 ingénieurs logiciels, dont la stratégie de validation comprend 70 000 scénarios de tests, qui nécessiteront deux millions d'heures de travail (1 200 années x hommes !). Où sont donc passés l'agilité, la modularité, les équipes resserrées, le fonctionnement en cycles fréquents… ?

C'est comme si la banque était découpée en deux entités distinctes, l'une se satisfaisant des anciennes pratiques favorisant un modèle monolithique, sous prétexte de robustesse et de stabilité (certes indispensables), tandis que seule l'autre serait soumise au besoin de réactivité accrue face à l'accélération des évolutions du monde et des clients. Le danger est élevé de reproduire de la sorte les défauts du passé, en ayant tout au plus gagné quelques années avant d'en subir à nouveau les effets néfastes.

À l'inverse, pourquoi ne serait-il pas possible d'adopter les mêmes méthodes pour tous les composants de l'entreprise ? Le cœur de système ne pourrait-il donc pas être découpé en services élémentaires, à taille « humaine » ? Leur intégration avec une multitude d'applications ne devrait-elle pas inciter à généraliser la modularité au lieu d'être considérée comme un obstacle ? Plus profondément, peut-on encore croire sérieusement qu'une partie de la banque demeurera isolée des grandes transformations à venir ?

Accueil TSB

lundi 14 août 2017

Un concierge mobile qui assure

App Ready to Travel
Quand SATS, fournisseur singapourien de services aux compagnies aériennes, lance [PDF] un assistant mobile intelligent à destination des voyageurs, il y intègre naturellement la souscription d'assurance, en partenariat avec AXA. Si elle paraît marginale aujourd'hui, cette approche deviendra un jour la norme pour l'ensemble du secteur.

L'application « Ready To Travel » se présente comme un véritable concierge, toujours prêt à aider son utilisateur avant et pendant son voyage, en toute transparence. Il prend l'initiative de rappeler les informations importantes pour chaque déplacement, telles que le temps de trajet pour se rendre à l'aéroport, les heures d'embarquement… mais également les formalités requises – renouvellement de passeport, visa à solliciter… – ainsi que, en option, les alertes émises par le ministère des affaires étrangères.

L'outil propose en outre une palette de services pratiques, tels que la navigation au sein des terminaux (à Singapour, Hong Kong, Tokyo et Bangkok), l'accès aux salons des aéroports, une connexion WiFi partout dans le monde… et la souscription d'assurance. Cette dernière offre est, comme toutes les autres, entièrement contextualisée : elle procure une couverture complète (prenant en charge les risques habituels de ce type de produit), ajustée précisément à la durée du voyage et à la destination choisie.

Ready to Travel

Bien que l'initiative soit loin d'être la plus aboutie qui soit (en particulier, l'introduction d'un nouveau voyage dans le système ne semble pas très conviviale), elle esquisse une tendance inéluctable, qui affectera tous les services d'assurance ou bancaires, à terme. En effet, ceux-ci n'ont de valeur qu'en relation avec un besoin externe (généré par un événement, une envie…). En conséquence, ils deviennent immédiatement beaucoup plus pertinents s'ils sont proposés dans le cadre du moment de vie qu'ils accompagnent.

Dans cette vision, tous ces produits seront donc, demain, distribués par une multitude d'acteurs différents, de tous secteurs, qui sont les plus proches des contextes dans lesquels ils deviennent utiles ou nécessaires. Dans certains cas, les institutions financières tenteront de prendre elles-mêmes position sur ces marchés mais, la plupart du temps, elles seront des fournisseurs de services pour des entreprises tierces. Voilà pourquoi il est indispensable d'embrasser une démarche d'ouverture à grande échelle, dont les API constituent le socle technique (essentiel mais non suffisant, au demeurant).

dimanche 13 août 2017

Demain, tous les services seront personnalisés

Palette de couleur
L'ultra-personnalisation des services, avec l'exigence de recentrage sur les besoins des clients qu'elle implique, est un thème récurrent de ces colonnes et probablement l'un des plus importants pour l'avenir du secteur financier. Pour en comprendre les raisons profondes, je vous propose de prendre un peu de recul sur la transformation « digitale ».

Selon quelques penseurs de notre temps, tels que Jeremy Rifkin, nous vivons aujourd'hui la troisième révolution industrielle. La première, à partir du XVIIIème siècle a consacré la mécanisation de l'outillage, à la faveur de l'émergence de la machine à vapeur, propulsée par le charbon. La deuxième, à la charnière du XIXème et du XXème siècle a adopté le pétrole et l'électricité pour développer la production de masse. La nouvelle devrait s'appuyer sur les énergies renouvelables et les technologies de l'information.

Or, derrière ces grandes mutations, des changements majeurs sont également intervenus sur le versant de la consommation. La première révolution industrielle a ainsi accompagné la croissance et la prise de pouvoir de la classe bourgeoise, en lui procurant les moyens de satisfaire ses appétits de confort. La deuxième est indissociable du phénomène d'offre universelle, accessible à toutes les catégories de population, dont l'apogée intervient, dans les régions développées, au cours des années 60 et 70.

Dans cette situation de marché désormais plus ou moins saturé, quelle sera la prochaine étape, celle de la troisième révolution industrielle ? Grâce aux imprimantes 3D, à l'intelligence artificielle, à l'internet des objets et aux autres innovations à venir, elle consistera à passer d'une génération de produits et services uniformes, fabriqués en grandes séries pour le « consommateur moyen », à la création à la demande de solutions ajustées au plus près des exigences et conditions spécifiques de chaque individu.

Ce mouvement de « personnalisation industrielle » est encore balbutiant mais ses manifestations abondent. Le succès initial d'Amazon face aux librairies traditionnelles, par exemple, peut être attribué, en grande partie, à sa capacité à disposer d'un catalogue 100 fois plus étendu, jamais pris en défaut quoi que recherche le client. Dans un registre différent, Uber et AirBnB ne sont que des intermédiaires permettant d'obtenir le service désiré au bon moment, au bon endroit, au bon tarif, au moindre effort.

Dans le secteur financier aussi, les exemples sont faciles à trouver, notamment parmi les innombrables startups de la FinTech qui visent des marchés de niche. Il ne s'agit cependant que d'une première vague relativement maladroite. L'avenir appartiendra à des plates-formes capables de comprendre (voire prédire) les attentes précises des consommateurs et de leur fournir le service le mieux adapté, en toute circonstance. À l'inverse, les catalogues restreints de produits standards que proposent les banques depuis des dizaines d'années auront de moins en moins leur place dans ce paysage…

Usine abandonnée

samedi 12 août 2017

Des monnaies virtuelles chez Fidelity

Fidelity Labs
La popularité croissante des monnaies virtuelles – bitcoin et autres – laissant aujourd'hui entrevoir la possibilité qu'elles arrivent dans le porte-monnaie de l'américain moyen, Fidelity estime que l'heure est venue de les prendre en compte dans sa stratégie. Elle expérimente donc leur intégration dans sa solution de gestion de finances personnelles.

Au fil des années, quelques institutions financières à travers le monde ont commencé à tester l'intérêt de leurs clients à pouvoir gérer leurs avoirs en crypto-devises au sein de leur espace personnel en ligne, depuis Standard Bank jusqu'à USAA, en passant par Barclays (sur un dispositif radicalement différent, toutefois), entre autres. La démarche de Fidelity prolonge les efforts de ces pionniers, à la fois en franchissant une étape majeure et en esquissant une vision d'un avenir « éclaté » pour le secteur financier.

Sans grande surprise, au vu du statut de leader incontesté et de l'architecture ouverte de la startup, c'est avec Coinbase que Fidelity lance son initiative. Au sein de sa plate-forme de gestion de portefeuille, tous ses clients (et non plus uniquement quelques cobayes) peuvent donc maintenant contrôler et piloter, avec un même outil, leurs investissements, leurs comptes bancaires, leurs cartes de crédit… mais également leurs bitcoins, ethers et autre litecoins, et suivre en permanence leur valorisation globale (en dollars).

Intégration Coinbase par Fidelity

Après les expériences discrètes et limitées (souvent de courte durée, d'ailleurs), l'ouverture large aux monnaies virtuelles que propose Fidelity démontre la progression de la maturité des acteurs historiques face au phénomène. En effet, il n'est plus seulement question d'appréhender le concept et de s'approprier les technologies sous-jacentes. Même si l'opération avec Coinbase reste, pour l'instant, qualifiée de pilote, elle n'en révèle pas moins une prise de conscience que le bitcoin et ses compagnons représenteront bientôt un élément de patrimoine comme un autre, incontournable.

Mais pourquoi la réflexion devrait-elle être circonscrite aux crypto-devises ? Après tout, de nos jours, les consommateurs répartissent leurs actifs financiers dans une multitude de supports différents. Il leur serait certainement utile de disposer d'un tableau de bord universel (extension des outils de PFM actuels), capable d'agréger, outre leurs comptes classiques, leurs porte-monnaie virtuels (en bitcoin et en monnaie fiduciaire), leurs avoirs (ou dettes) dans la finance participative et auprès des « robo-advisors »…

La banque qui continue à opérer en supposant que ses clients n'ont affaire qu'à elle va devoir apprendre à composer avec une nouvelle réalité. L'avantage concurrentiel qu'elle possédait de la sorte s'efface inéluctablement et, surtout, elle perdra l'accès à la connaissance étendue que lui procurait une relation exclusive. L'entité – banque ou startup (au autre entreprise) – qui saura demain fédérer l'ensemble du patrimoine du consommateur sera en bien meilleure position pour répondre à ses besoins.

vendredi 11 août 2017

DBS ouvre une place de marché automobile

DBS Bank
Il n'aura fallu que quelques semaines après l'autorisation accordée aux banques singapouriennes de s'engager dans des activités non financières pour que DBS lance une plate-forme de vente de véhicules d'occasion entre particuliers. Son empressement ne doit rien au hasard et reflète au contraire une vision éclairée de l'avenir d'un secteur.

Le service, conçu et développé en partenariat avec deux entreprises spécialisées, est avant tout une place de marché classique, sur laquelle les vendeurs publient leurs annonces (3 500 étaient en ligne dès l'ouverture) et où les acheteurs peuvent rechercher une automobile selon leurs préférences. À ce stade, l'objectif de la banque avec cette initiative est très simple : elle espère conquérir de nouveaux clients en introduisant ses produits financiers directement au cœur d'un site de commerce en ligne.

En effet, les acheteurs potentiels bénéficient, directement sur la plate-forme, de quelques outils pratiques pour le financement de leur future voiture. Naturellement, des offres de crédit restent en permanence à leur portée durant leur parcours (avec des conditions promotionnelles durant les premières semaines). Mais ils peuvent aussi recourir à un simulateur afin de connaître leur capacité d'emprunt. Celle-ci est ensuite automatiquement appliquée lors de leurs recherches pour filtrer les annonces selon le prix de vente.

Place de marché de véhicules d'occasion par DBS

Cependant, il est difficile de croire qu'une institution financière s'aventure dans un domaine étranger pour seulement capter une clientèle additionnelle (une intégration au sein d'un site existant serait tout aussi efficace). La logique veut donc que ce ne soit qu'une première étape vers un projet plus ambitieux. Pourquoi, par exemple, ne pas imaginer une véritable « fusion » avec les services bancaires ? La proposition de valeur de la place de marché serait démultipliée si elle s'adressait à des clients de la banque…

Plus précisément, la connaissance préalable de la situation financière du visiteur et l'identification en arrière-plan de la meilleure solution de crédit pour lui permettraient de personnaliser l'expérience utilisateur et de rendre le processus d'achat infiniment plus fluide et plus transparent. Au bout du raisonnement, la banque devient totalement invisible et le client peut se préoccuper exclusivement du véhicule qu'il convoite.

La tendance profonde – inéluctable – que suggère cette hypothèse peut susciter des réponses différentes de la part des banques. Le positionnement sur des segments de commerce où la valeur apportée au client et l'existence d'un modèle de forte rentabilité convergent – à l'instar de l'achat-vente de véhicules d'occasion – est l'une des plus séduisantes. Mais, comme toutes les autres, elle induit un sérieux renversement de perspective sur les métiers historiques, qui doivent s'effacer derrière d'autres priorités.

jeudi 10 août 2017

Intesa Sanpaolo goûte l'économie de partage

Associazione Lavoratori Intesa Sanpaolo
Dans un marché de l'emploi qui devient de moins en moins favorable aux grands groupes traditionnels, comment une entreprise peut-elle simultanément offrir un service pratique à ses salariés et renforcer la cohésion de ses effectifs ? Intesa Sanpaolo a trouvé une réponse originale à ce défi, en ligne avec les tendances du moment.

La banque italienne s'est en effet embarquée dans une expérimentation avec la jeune pousse TimeRepublik. À l'origine, celle-ci a mis en place une sorte de bourse en ligne permettant à ses 100 000 utilisateurs particuliers (dans 110 pays différents) d'échanger leurs talents. La plate-forme met en relation des personnes proposant leurs compétences (professionnelles ou de loisirs) à celles qui ont besoin d'un service, moyennant une rétribution en monnaie virtuelle représentant le temps passé. En donnant une heure de cours d'anglais, je peux, par exemple, acquérir une heure de baby-sitting.

Pour sa démarche interne, Intesa Sanpaolo a profité, à la fin de l'année dernière, de la création d'une déclinaison B2B de la solution de TimeRepublik, dont elle est devenue la première cliente. Cette variante revient à créer une communauté privée, au sein de laquelle seuls les collaborateurs et les retraités de la banque, ainsi que leur famille, ont la possibilité de participer aux échanges. Ce cadre restreint devrait constituer un facteur de réassurance important pour ceux qui hésitent à s'investir dans l'économie de partage.

Intesa Sanpaolo by TimeRepublik

Derrière le service lui-même, ouvert à 120 000 utilisateurs potentiels (dont 60 000 employés directement concernés), Intesa Sanpaolo espère surtout que le modèle collaboratif qu'il promeut aura des effets sur la culture d'entreprise. L'idée sous-jacente est que la mise en contact de personnes qui ne se connaissent pas au travers de la plate-forme devrait engendrer plus d'échange et de dialogue, plus de confiance, plus de curiosité envers les autres et, idéalement, une attitude plus propice au travail collectif.

En prolongeant le raisonnement, pourquoi ne pas imaginer que TimeRepublik sorte du périmètre de la vie privée et inspire également de nouvelles approches d'organisation dans l'entreprise ? Le principe n'est probablement pas applicable tel quel ni pour tous les métiers, mais ne pourrait-il offrir un début de réponse à la recherche de flexibilité dans la gestion des compétences ? La formation et le coaching ne serait-ils pas des disciplines susceptibles de bénéficier d'un modèle basé sur le partage entre pairs ?