Plus d'un quart de siècle après la naissance du e-commerce, les standards de paiement web ne se sont toujours pas imposés sur le marché, laissant place à des mécanismes qui certes fonctionnent mais ne sont pas optimaux. Les ténors de l'intelligence artificielle veulent éviter la même erreur, quitte à tomber dans la précipitation : Google dévoile donc un protocole de paiement pour agents intelligents.
Le géant du web revendique la paternité de la spécification, publiée sous licence libre, mais il n'a pas travaillé seul. Une soixantaine de partenaires ont contribué au chantier, parmi lesquels figurent naturellement, outre quelques-uns des acteurs mondiaux du commerce en ligne et diverses entreprises technologiques, tous les grands noms des paiements – American Express, Ant International, Checkout.com, Mastercard, PayPal, Union Pay, Worldline… – à l'exception notable de Visa, toutefois.
C'est que celle-ci n'est pas la première initiative dans ce domaine. Quelques pionniers ont notamment exploré la possibilité d'exploiter les travaux du W3C que j'évoquais en introduction. La nouvelle venue choisit cependant une approche différente. Ainsi, il n'est pas question d'adapter un modèle imaginé pour un contexte historique de transactions via internet mais d'inventer un système nativement conçu pour un futur monde piloté par l'IA, même s'il s'appuie sur les normes de fait existant dans cet univers.
Il est vrai que les scénarios dans lesquels une personne confie à son compagnon virtuel des tâches impliquant un règlement – composer un voyage complet pour un budget prédéterminé, acheter un ticket de concert dès l'ouverture des guichets… – créent des contraintes spécifiques. En conséquence, le protocole AP2 (Agent Payments Protocol) inclut des capacités de délégation d'autorisation, de contrôle d'authenticité, de responsabilité, assortis de fonctions de gestion de preuve à tous les niveaux.
L'objectif recherché consiste à instiller la confiance chez toutes les parties prenantes : le fournisseur de l'agent intelligent, le marchand, l'intermédiaire de paiement et le client. Par exemple, la demande formulée par ce dernier constitue une intention dûment consignée, assortie de conditions dans le cas d'un mandat sans validation humaine, tandis que le vendeur fait signer une confirmation de commande, à l'utilisateur s'il est sollicité ou à l'agent s'il en a l'autorisation, dont il fournit alors tous les détails.
L'engouement universel autour de l'IA agentique et ses promesses de simplification des interactions avec toutes sortes de services rend inévitable la mise en place rapide de fonctions de paiement. On peut toutefois s'inquiéter d'une telle réactivité de l'industrie, alors que les risques de fraude s'avèrent extrêmement élevés avec les solutions disponibles aujourd'hui, ceux-ci n'étant (logiquement) pas pris en considération par le protocole proposé par Google, autrement qu'à travers l'assurance de savoir assigner sans ambiguïté la responsabilité des incidents à un des participants.