À l'occasion de cette fin d'année, Daniel Baal, président du Crédit Mutuel et (pour une année) de la Fédération Bancaire Française, se prête à l'exercice de la grande interview avec la Revue Banque. Officiellement titrée sur une logique de « quatre vérités », j'y perçois plutôt une invraisemblable et consternante opération de mystification.
Je ne m'attarderai que sur deux des thématiques abordées dans l'entretien, particulièrement riche (et où, heureusement, tout ne relève pas de contre-vérités) : les monnaies « digitales » de banque centrale et la réglementation européenne dite FIDA, en préparation, sur l'ouverture des données financières au-delà de la vague initiale de la DSP2. Elles révèlent les grandes inquiétudes de l'industrie… sans que ses représentants veuillent admettre ce qui les contrarie vraiment dans ces évolutions.
Sur le premier sujet, je m'émerveille – tout en espérant qu'il s'agisse d'une tentative réthorique incohérente et non d'une conviction sincère qui trahirait son incompréhension – de la capacité du dirigeant à manipuler la réalité pour opposer l'euro numérique, qu'il décrie, aux « stablecoins » qu'il semble défendre. Selon son appréciation, le premier serait un instrument centralisé et basé sur la confiance, incomparable avec le support décentralisé (la « blockchain ») et les actifs garantissant la valeur des seconds.
Comme si la technologie employée – qui est désormais tellement éloignée de ses origines, entre autres dans le bitcoin, qu'elle a perdu toutes ses caractéristiques – suffisait à faire oublier que les instruments virtuels dont il parle sont sous le pilotage centralisé d'une entité émettrice, qui, comme il le souligne, doit en outre gérer une réserve dûment enregistrée. Et comme si la valeur de ces dépôts ne reposait pas elle-même sur la confiance… surtout quand elle est constituée de devises fiduciaires !
Que masquent en fait ces arguments fallacieux ? Les banques voient d'un mauvais œil le projet de la Banque Centrale Européenne parce que, bien que ses contours définitifs ne soient pas encore finalisés, elles craignent le choix d'une gestion directe de la monnaie « digitale », en dehors de leur périmètre, qui leur ferait perdre l'accès à une masse conséquente d'épargne conservée par l'institution. Naturellement, elles préfèrent une option somme toute équivalente… mais sous contrôle privé (le leur).
Quant à FIDA, dont j'ai déjà traité ici des réactions virulentes qu'elle suscitait, notamment de la part du Crédit Mutuel, la caricature est tout aussi pittoresque et absurde. Le seul prétexte que trouve M. Baal en appui de son rejet épidermique du texte consiste à brandir la menace d'emprise sur les données des consommateurs européens par les géants américains et chinois. Et tant pis pour la FinTech, notamment française, qui promeut une avancée décisive pour son pouvoir d'innovation et de transformation.
Et tant pis, au passage, pour les clients des banques qui, après tout, devraient être libres de décider s'ils veulent confier leur vie financière à des entreprises qui, quelle que soit leur origine, leur proposent des services qu'ils ne trouvent pas dans leur établissement traditionnel ! Et voilà finalement tout l'enjeu du discours du président de la FBF : ne changez rien à notre monopole et laissez-nous continuer à opérer comme il y a cinquante ans, sans concurrence… nos clients sont contents ainsi. Quel mépris !









































