À partir d'une enquête informelle, mais portant tout de même sur un vaste échantillon d'entreprises, Gartner dégage quelques tendances sur la manière dont ces dernières s'organisent afin de tirer le meilleur parti de l'intelligence artificielle. Un excellent prétexte pour suggérer quelques orientations propres à éviter de grossières erreurs.
Pour une discipline encore jeune, aux perspectives et au potentiel mal cernés, la diversité des approches observées ne surprendra guère. Malgré tout, l'importance qui lui est accordée a déjà conduit plus de la moitié des firmes interrogées à en nommer un responsable, chargé de l'orchestration globale des activités. Dans l'immense majorité des cas (88%), il ne fait cependant pas partie du comité exécutif (dont l'extension à des membres supplémentaires rencontre de plus en plus de réticences).
En parallèle, elles sont à peu près autant à avoir mis en place un comité de l'IA, indispensable pour la cohérence des initiatives, notamment dans les structures décentralisées ou silotées. Il devrait donc logiquement être composé de représentants des différents départements et posséder des compétences multiples. Son rôle primaire est toutefois variable puisqu'il peut couvrir, entre autres, la définition de la stratégie, la mise en place d'une gouvernance ou la maîtrise des risques, selon les sensibilités.
Quant à l'exécution des projets, la responsabilité en est encore plus dispersée, pour autant qu'elle puisse être assignée clairement (les décisions tactiques sont probablement répandues), et peut s'étaler du directeur informatique (chez plus d'un quart des répondants) au leader de l'intelligence artificielle (qui déborde alors au-delà de sa mission d'animation d'origine) en passant par les patrons des lignes métier ou le chef « digital », pour ne citer que des options parmi les plus fréquemment rencontrées.
Ces quelques constats révèlent immédiatement une immense confusion sur la thématique en général, à commencer par sa nature. En effet, la distribution des positions fait ressortir une inquiétante absence de discernement entre, d'une part, les applications de l'IA et leur valeur, et, d'autre part, ce qui relève de la technologie et des outils. Visiblement, les deux volets se confondent allègrement et sont appréhendés dans leur ensemble soit par un service informatique qui désire garder le contrôle absolu sur un domaine qu'il estime de son seul ressort, soit par des dirigeants obnubilés par les usages qui leur sont vantés… sans s'inquiéter des détails de leur implémentation.
Avec un demi-siècle de recul sur le fonctionnement des DSI, la répartition des tâches dans un contexte largement similaire devrait s'imposer d'elle-même. La fourniture des infrastructures et des solutions mises en œuvre est du ressort des spécialistes techniques tandis que tout ce qui concerne les applications appartient exclusivement aux métiers (et à leurs clients). Entre les deux, bien sûr, doit s'instaurer un dialogue permanent et constructif, auquel peut contribuer une instance transverse, en complément de son rôle (essentiel) d'arbitrage sur la sécurité et le pilotage des risques.