Free cookie consent management tool by TermsFeed
C'est pas mon idée !

vendredi 30 juin 2023

Gestion d'abonnements au menu de Mastercard

Mastercard
Alors que les outils de pilotage centralisé des abonnements, proposés depuis plusieurs années par des pionniers tels que Minna Technologies, sont désormais sur la voie de la maturité, Mastercard ajoute celui de Subaio à sa panoplie de fonctions périphériques à son métier historique. Avec un argument original destiné à séduire ses clients bancaires.

Dans son principe, la nouvelle offre, distribuée sous la forme d'une API facile à intégrer par les institutions financières, reprend un mécanisme aujourd'hui classique : à travers une connexion à ses comptes qui permet d'identifier ses paiements récurrents, quel que soit l'instrument associé (carte, prélèvement…), le consommateur se voit présenter un tableau de bord unifié de ses souscriptions en cours depuis lequel il peut centraliser son suivi et, en quelques gestes, résilier celles qu'il souhaite interrompre.

La proposition de valeur à l'intention des usagers finaux ne réserve pas plus de surprises. Dans un contexte de progression constante de l'économie de services – en moyenne, chaque américain a 12 abonnements en cours, le niveau atteignant même 17 parmi les moins de 35 ans –, il devient critique de leur donner plus de visibilité et de transparence sur leurs dépenses, de manière à les aider à (re)prendre le contrôle de leur budget, avec une solution simple à prendre en main, intégrée dans la banque en ligne.

Ce dernier aspect est évidemment important et constitue un pilier de la stratégie de commercialisation « B2B » de Subaio (qui, il faut le noter, est passée en 2020 par le programme d'accompagnement de startups de Mastercard). Non seulement la présence d'une telle option au sein des applications consultées quotidiennement pour toutes les questions d'argent en rend l'accès plus rapide et plus fluide, elle capitalise en outre de la sorte sur la confiance accordée à l'institution financière et démultiplie sa légitimité.

Mastercard x Subaio

Malheureusement, pour autant qu'on en rêverait et en dépit des bénéfices indirects qu'elles en tireraient indubitablement, les banques traditionnelles prêtes à investir uniquement dans le but d'améliorer la santé financière de leurs clients restent rares. Alors, Mastercard joue sur une corde bien plus sensible pour les convaincre, à savoir celle de leurs coûts de support, et plus spécifiquement les moyens d'assistance qu'elles engagent dans la gestion des contestations et autres conflits sur les règlements.

Le raisonnement paraît cohérent, bien qu'aucun chiffre objectif ne soit cité : dans nombre de cas, l'individu qui désire mettre un terme à une souscription se trouve confronté à un parcours de résiliation volontairement décourageant mis en place par son fournisseur et, plutôt que de perdre du temps et de l'énergie dans des démarches sans fin, il préfère bloquer son plan de paiement, entraînant toutefois des interactions lourdes et fondamentalement inopportunes avec le centre d'appel de son teneur de compte.

Naturellement, la convergence d'intérêts entre les établissements et leurs clients que Mastercard met ainsi en exergue est purement fortuite. Mais elle représente une excellente opportunité pour les seconds de voir leurs besoins d'accompagnement personnalisé pris en considération, même si, à ce stade, ce n'est que sur un volet ponctuel de leurs problématiques. En attendant que leur attente devienne enfin la préoccupation majeure qu'elle mériterait d'être pour tous les acteurs du secteur…

jeudi 29 juin 2023

Les contours de la DSP3 dévoilés

Commission Européenne
Attendue depuis l'adoption de la précédente version en 2015, la troisième mouture de la directive européenne des services de paiement commence enfin à prendre corps avec une proposition que vient de présenter la Commission. Elle semble prendre en compte et corriger les reproches formulés à l'encontre de sa prédécesseure.

Indépendamment des faiblesses observées depuis l'entrée en vigueur de la DSP2, l'évolution de la réglementation est aussi rendue impérieuse par les transformations profondes qui affectent le monde. À la faveur de la crise sanitaire, notamment, les paiements électroniques connaissent une croissance fulgurante, suivie d'un mouvement similaire sur la fraude, toujours plus sophistiquée, tandis que le marché s'est enrichi d'une armée d'acteurs supplémentaires profitant des opportunités « digitales ».

Sur le plan strict des paiements, d'abord, outre quelques mesures destinées à affermir l'équité entre les intervenants, l'accent est placé sur la protection des consommateurs. Il est donc question de leur garantir une communication transparente et, surtout, de mettre en place des barrières plus efficaces contre la fraude : le renforcement de l'authentification (hélas sans considération spécifique pour l'expérience utilisateur), l'extension du droit au remboursement, l'autorisation explicite d'échanger des informations entre pairs… et – avancée élémentaire et indispensable ! – l'obligation de contrôler la concordance entre bénéficiaire enregistré et titulaire d'IBAN, sur les virements.

Cependant, la grande nouveauté du futur dispositif réside dans une proposition complémentaire traitant de l'ouverture de l'accès aux données financières, désormais isolée de la DSP3 puisqu'elle concernera l'ensemble du périmètre et non plus seulement les comptes de paiement. Les principes de base restent inchangés, reposant sur la possibilité pour les clients de mettre leurs données à disposition de tiers, dans un format électronique sécurisé, et l'exigence pour les fournisseurs de le leur permettre.

En revanche, les leçons accumulées au cours des quelques années écoulées avec la DSP2 conduisent la Commission à introduire plusieurs prescriptions périphériques, dont la plus critique, selon moi, est une logique de normalisation des données et des interfaces techniques, « dans le cadre de systèmes de partage » auxquels la participation devrait être obligatoire. La cacophonie actuelle des API hétéroclites, qui nuit au respect des promesses de la banque ouverte, pourrait de la sorte devenir un mauvais souvenir.

Il faut encore signaler la définition d'un modèle clair de responsabilités dans les cas de fuites d'information et l'instauration de mécanismes de règlement des litiges, dont l'absence engendrait une inquiétude (légitime mais souvent exagérée) de la part des grandes banques soucieuses de leur image. Ces dernières obtiennent également gain de cause sur le volet pécuniaire, avec une indemnisation « raisonnable » (conflits en vue !) d'exploitation de leurs interfaces. Dans un tout autre registre, les détenteurs de données devront offrir à leurs clients des tableaux de bord de suivi de leurs partages.

Sans apporter aucune révolution, les propositions de la Commission Européenne paraissent orientées dans le bon sens, en répondant à toutes les frustrations créées par la directive précédente. Restons toutefois prudents et patients car les conditions opérationnelles de mises en œuvre, essentielles pour atteindre les objectifs envisagés, devront encore être précisées et on connaît la capacité de certaines organisations à faire durer les discussions et à tenter par tous les moyens de réduire l'ambition initiale.

Annonce de la Commission Européenne

mercredi 28 juin 2023

La banque n'inspire plus confiance

Forrester
Tandis que, imperturbables, les institutions financières sont persuadées qu'elles jouissent de la confiance inébranlable de leurs clients, le cabinet Forrester ose émettre quelques doutes sur cette certitude (comme je le fais moi-même depuis des années), à partir, notamment, d'une étude détaillée des facteurs qui la déclenchent et l'entretiennent, désormais disponible dans une version spécifique à l'Europe.

Naturellement, le sujet est vital pour un secteur qui se présente parfois comme exerçant le métier de la confiance (ou qui « inspire le sentiment d'une forte probabilité de résultat positif dans la relation », pour reprendre la définition des analystes) et il prend un relief particulier dans une période qui voit quelques convictions ébranlées par la chute brutale de la Silicon Valley Bank et de Crédit Suisse et où les tensions peuvent être exacerbées par les conséquences pour les ménages de la crise du pouvoir d'achat.

Malheureusement, l'enquête menée en 2022 par Forrester auprès des consommateurs dans les principaux marchés européens (France, Italie, Allemagne et Royaume-Uni) révèle un niveau de confiance généralement faible ou, au mieux, modéré. Or l'impact de ces scores ne se limite pas à une baisse de l'engagement et une perte potentielle de revenus (par exemple par la tentation accrue d'acquérir de nouveaux produits ailleurs). Il s'exerce aussi sur les tentatives de diversification, dont les démarches de « beyond banking », qui ne séduiront qu'à la mesure de la crédibilité de leurs fournisseurs.

Mais comment expliquer la différence entre cette évaluation peu flatteuse et la perception idyllique habituelle des premiers intéressés ? C'est tout l'objet de l'index dédié mis au point par le cabinet. Au lieu de se satisfaire d'une interrogation directe mais superficielle des clients, il est élaboré à partir d'un travail préalable qui consiste à décortiquer les mécanismes en jeu dans le concept de confiance puis à quantifier chacun des critères ainsi isolés, en prenant soin d'identifier leurs poids relatifs selon le contexte.

Forrester European Financial Services Customer Trust Index

Sept qualités essentielles ressortent de cet examen rigoureux : la compétence, la capacité à assumer ses responsabilités, la cohérence, l'intégrité, la transparence ainsi que les deux plus importants pour les populations consultées, l'empathie (ou la faculté de considérer les émotions de son interlocuteur dans les interactions) et la fiabilité (ou l'assurance de pouvoir compter sur la banque quand son intervention est nécessaire). Et, dans ces deux derniers domaines, l'approbation dépasse difficilement les 50%.

Ce que n'aborde pas le court billet d'Aurélie L'Hostis qui présente le rapport est une erreur majeure que commettent les institutions traditionnelles dans leur appréciation de la confiance des clients, même quand elles appréhendent ses nuances. Je pense à leur focalisation sur leurs conseillers de terrain pour l'établir : l'empathie, réservée à l'humain (?), ne s'exprime alors que dans des occasions de contact de plus en plus rares et la fiabilité n'est garantie que, au mieux, du lundi au vendredi de 9 heures à 17 heures.

Ce qui manque afin de stopper la détérioration irrémédiable du ressenti est la prise de conscience de l'urgence d'introduire les éléments générateurs de confiance dans tous les canaux de la relation. Et même si cela paraît contre-intuitif, voire totalement absurde, il est bien possible de créer de l'empathie dans des outils « digitaux » et, en 2023, pouvoir compter sur sa banque se décline nécessairement 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7. La même approche s'applique également aux 5 autres facteurs mais, bien entendu, faute de pouvoir tout transformer simultanément, chaque entreprise choisira ses priorités.

mardi 27 juin 2023

L'IA générative suscite une confiance excessive

Capgemini
Quelques règles (de bon sens) viennent à peine d'être mises en place (en France) afin de réguler les pseudo-recommandations financières d'« influenceurs » sans scrupules que la prochaine menace pour le porte-monnaie des consommateurs prend corps, dans le sillage de ChatGPT, via les plate-formes d'intelligence artificielle générative.

C'est une vaste enquête du Capgemini Research Institute auprès de 10 000 adultes résidant dans 13 pays (en Amérique, en Asie, en Australie et en Europe) qui justifie l'alerte, bien que ce ne soit pas a priori son but. Entre l'engouement massif pour ces outils aux facultés apparemment magiques, stimulé sans relâche par un battage médiatique incontrôlable, et l'ignorance (ou la minimisation) des risques associés, les internautes semblent en effet prêts à s'exposer, avec leurs données personnelles, comme jamais.

Sur le plan de la notoriété d'abord. Alors que, jusqu'à l'automne dernier, le concept d'IA générative était globalement inconnu du grand public, plus de 85% des individus interrogés sont aujourd'hui au fait de l'existence de ses applications phares et plus de la moitié ont déjà expérimenté ChatGPT ou un de ses équivalents. Plus étonnant, à revers des modèles habituels d'adoption des technologies, toutes les générations sont concernées, les jeunes étant même légèrement moins séduits que leurs aînés.

Certes, leurs usages paraissent, pour l'instant, relativement anodins : interactions avec des agents virtuels (dans les centres de support à la clientèle), jeux, recherche en ligne, résumés de textes, production de vidéos et d'images de synthèse… Mais la satisfaction élevée qu'ils expriment dans ces différents domaines les encourage à accorder une forte confiance aux robots qu'ils rencontrent et aux informations qu'ils leur dispensent, et ce, encore une fois, à l'identique au travers de toutes les catégories de populations.

Capgemini – Why consumers love generative AI

On commence à percevoir le danger lorsqu'on apprend que, par exemple, près de trois répondants sur quatre (parmi ceux qui ont entendu parler du sujet) donnent crédit aux textes rédigés par l'IA générative, deux sur trois estiment qu'ils bénéficieraient des conseils médicaux qu'elle pourrait leur prodiguer et plus d'un sur deux serait prêt à suivre ses recommandations en matière de planification financière… sans se préoccuper des détournements qui peuvent en être faits (création de faux contenus, utilisation pour des cyberattaques…) ni des « hallucinations » parfois observées dans les réponses.

Au-delà de ces aléas directs, il faut également souligner l'impact sur les institutions financières de l'appétence disproportionnée de leurs clients pour l'IA, alors qu'elles-mêmes avancent sur ce terrain avec une prudence extrême (qui ne peut leur être totalement reprochée) : faute d'obtenir un accompagnement personnalisé digne de ce nom, ils vont se précipiter d'autant plus facilement vers les solutions qui leur promettront une assistance opérationnelle de tous les instants (qu'elle soit optimale ou non).

À court terme, les consommateurs, émoustillés, vont donc (re-)découvrir la valeur d'un conseiller (virtuel, en l'occurrence) pour mieux gérer leurs finances personnelles, bien que celui-ci ne soit peut-être pas toujours parfait. À plus long terme, à moins d'un brutal retour de balancier, des plates-formes spécialisées se positionneront sur ce créneau, porteur par nature. Au bout du compte, les acteurs traditionnels qui n'auront toujours pas progressé dans cette direction perdront une partie de leur crédibilité et de leur activité.

lundi 26 juin 2023

Le paiement fractionné flexible selon Floa

Floa
Bien que le soufflé du BNPL soit largement retombé, la crise du pouvoir d'achat continue à mettre le budget des français sous pression et encourage logiquement les acteurs du crédit à la consommation à reprendre l'avantage sur les nouveaux entrants qui les ont éclipsés un temps. Floa fait partie de ceux-là, avec une approche [PDF] différente.

Afin de se distinguer dans l'univers soudain encombré du règlement en 3 ou 4 fois, Oney, parmi les pionniers, optait rapidement pour une plate-forme bancaire (de base) intégrée, tandis que, depuis tout récemment, Franfinance essaye d'établir un continuum de produits de crédit, pour toutes les catégories de dépenses. La filiale de BNP Paribas, quant à elle, choisit désormais d'offrir à ses clients un maximum de flexibilité pour un financement à court terme de leurs emplettes adapté à toutes les circonstances.

Matérialisé par une application mobile, le principe consiste à proposer à son utilisateur de sélectionner le paiement en plusieurs fois avant, pendant ou après l'achat, assortis, dans tous les cas, de quelques données complémentaires destinées à éclairer sa décision. Les plus prévoyants préfèreront par exemple souscrire un prêt (jusqu'à 1 500 euros), remboursable sous 90 jours. Les plus prudents surveilleront l'impact sur leur échéancier du recours au mécanisme classique de crédit déployé dans les points de vente. Enfin, les autres se rabattront sur la solution de secours qui leur permet d'échelonner le coût de transactions déjà enregistrées sur leur compte bancaire (préalablement connecté).

Au-delà de ces variations autour du modèle générique du BNPL, une intéressante particularité de l'implémentation de Floa réside dans son inscription systématique dans une perspective de suivi et de maîtrise du budget. Chaque opération initiée est ainsi présentée, plus ou moins concrètement, dans un contexte de vérification des engagements dans leur ensemble, avec l'objectif sous-jacent d'inciter le consommateur à prendre garde aux risques d'entraînement dans une spirale d'endettement.

La démarche reste malheureusement trop timide pour être réellement convaincante. Plutôt que de laisser la personne se faire son propre avis sur le danger potentiel d'un emprunt supplémentaire (et la pertinence de la dépense correspondante, indirectement) avec les informations qui lui sont fournies, le rôle de l'intermédiaire financier devrait aussi comprendre un accompagnement objectif, reposant sur une connaissance extensive du client et de sa situation et capable de prodiguer une recommandation effective.

Accueil Floa

dimanche 25 juin 2023

Un monde virtuel pour découvrir la FinTech

Coastal Community Bank
Quand une petite banque communautaire de l'état de Washington, aux États-Unis, s'aventure dans les mondes virtuels, elle vise en priorité à offrir des services utiles à ses membres. Sa plate-forme, encore dans un état embryonnaire, propose donc une gamme relativement originale de ressources, dans un format 100% ludique, comme il se doit.

Au premier abord, l'initiative a de quoi surprendre de la part de la Coastal Community Bank, créée en 1997 et gérant environ 1 milliards de dollars d'actifs, alors que son modèle semble principalement focalisé sur des interactions directes, humaines et en face à face avec les entreprises et les individus qu'elle sert. Cependant, son ancrage local ne l'empêche pas de comprendre que les technologies modernes ont un rôle à jouer dans la relation et elle n'hésite pas à explorer les opportunités qu'elle juge prometteuses.

Parmi celles-ci, le Coastal World porte une vision ambitieuse. Il s'agit d'un univers en trois dimensions (sa possible mue vers un métavers sera une des pistes d'évolution envisagées ultérieurement) dans lequel tout un chacun, client ou non, est invité à créer son avatar puis, après avoir précisé sa préoccupation financière du moment – épargne, crédit, budgétisation… – et son engagement de prédilection – environnement, diversité, famille… –, se voit guider dans les multiples attractions d'un archipel paradisiaque.

À ce stade, et en attendant l'introduction future dans son dispositif (si tout se passe comme prévu, notamment en termes d'adoption) de programmes (distrayants) d'éducation financière, d'événements et de rencontres avec des experts de tous horizons, de puissants outils de pilotage du budget personnel…, les visiteurs profitent de quelques mini-jeux, de chasses au trésor…, pas nécessairement en rapport étroit avec les questions d'argent, au cours de leurs pérégrinations sur ses trois îles thématiques.

Coastal World

Le lien avec la banque n'est cependant pas oublié, même s'il prend une tournure non conventionnelle. Précisons au préalable que la Coastal Community Bank fait partie de ces établissements qui ont fait le choix de s'ouvrir à l'approche de « banque en services » (BaaS), via laquelle elle partage ses capacités (opérationnelles, techniques, réglementaires…) avec des jeunes pousses qui les intègrent au cœur de leurs produits. Mais, à la différence de beaucoup de ses consœurs, elle appréhende cette activité aussi dans le sens de la recherche de valeur potentielle pour ses propres clients.

Son objectif en la matière consistant ainsi à mettre les solutions de ses partenaires à la disposition de la plus large population possible, elle fait de celui-ci le premier axe de développement du Coastal World. Selon ses préférences, exprimées lors de son entrée dans le jeu, l'utilisateur va donc découvrir, toujours dans le même contexte ludique, les différents outils susceptibles de l'aider dans son quotidien ou dans ses projets, dans le respect de ses convictions, et obtenir un accompagnement pour leur mise en place.

Voilà une démarche captivante ! Alors que les acteurs tentés par la distribution de leurs services via des tiers n'y voient habituellement qu'un moyen d'élargir leur audience et leur portée, la petite institution pense d'abord aux bénéfices pour ses membres, voire les consommateurs en général. Puis, parfaitement consciente de la barrière que représente l'absence de notoriété des nouveaux entrants, elle leur offre un plateau sur lequel non seulement elles peuvent expliquer leur fonction mais où, en outre, leur solution sera mise en scène et exposée dans le contexte du besoin de chaque personne.

samedi 24 juin 2023

Enfin l'émergence de la banque digitale ?

Javelin
L'édition 2023 de l'analyse en profondeur, par le cabinet Javelin Strategy, des plates-formes web et mobiles des vingt principales banques de détail américaines semble montrer une nette inflexion vers une approche réellement « digitale » de la relation client. Un quart de siècle après la naissance des services en ligne, il était temps !

Au-delà de la première position de Bank of America sur les deux canaux, les analystes observent, à travers l'évaluation de plus de 250 critères sur chacun d'eux, une moindre focalisation de l'ensemble de l'industrie sur les fonctions transactionnelles, qui étaient jusqu'alors systématiquement mises en avant dans les applications (et le restent dans d'autres pays, dont la France), au profit d'informations et de suggestions personnalisées destinées à capter et entretenir l'attention des clients au jour le jour.

Les signes de cette transition sont multiples. Entre l'introduction d'assistants virtuels intelligents (dans 17 des 20 établissements étudiés) et la réinvention des pages d'accueil, assorties d'une exploitation renforcée des données, la priorité est désormais à la recherche de l'engagement des utilisateurs. L'objectif n'est plus (uniquement) de les encourager à réaliser leurs opérations à distance mais surtout de les inciter à revenir souvent afin de surveiller leur situation et suivre les conseils qui leur sont prodigués.

Pour aller encore plus loin dans cette direction, les expérimentations sur les thématiques de bien-être financier, à travers des approches ludiques ou des capacités de coaching, à simple but pédagogique ou émettant des recommandations concrètes, deviennent de plus en plus courantes dans la panoplie des grandes enseignes. Elles aussi concourent à insinuer et ancrer dans l'esprit des consommateurs la notion que leur banque constitue leur premier interlocuteur pour toutes leurs préoccupations financières.

Javelin Digital Banking Scorecard

La proposition paraît évidente a priori mais, en réalité, elle ne l'est plus du tout pour les premiers concernés. La raison de cette perte de confiance tient à deux catégories de facteurs. D'un côté, les dérives des institutions, notamment leur obsession pour leurs produits, au détriment de leur mission d'accompagnement, sont vécues comme un abandon. D'autre part, la concurrence, en particulier celle des nouveaux entrants de la FinTech, est maintenant prête à prendre leur place sur le terrain ainsi laissé vacant.

En synthèse, Javelin confirme donc une prise de conscience, du moins aux États-Unis, de l'importance critique pour les géants de la banque de restaurer une vraie proximité avec leurs clients, y compris et (en 2023) surtout « digitale », pour laquelle je milite depuis si longtemps. Celle-ci est fondée sur une compréhension intime de leurs attentes et sur la fourniture non de produits mais de solutions multidimensionnelles adaptées. Espérons désormais que le message sera entendu par leurs confrères outre Atlantique…

vendredi 23 juin 2023

Monarch met de l'IA dans son PFM

Monarch
Depuis le lancement public de ChatGPT, l'intelligence artificielle générative s'est infiltrée partout. Il paraît donc logique qu'elle entre dans les outils de gestion de finances personnelles. En l'occurrence, l'américaine Monarch est l'une des premières à tenter l'aventure, pour une interaction plus naturelle entre le consommateur et son argent.

Propulsé par le moteur GPT-4 de la société OpenAI à l'origine du phénomène mondial de ces derniers mois et entraîné sur les thématiques spécifiques de son domaine d'activité, l'assistant de Monarch fonctionne selon le mode conversationnel classique des plates-formes de tchat. Son utilisateur pose donc ses questions en langage naturel et il obtient en retour des réponses personnalisées (dont la qualité s'affinera au fil du temps), assorties de recommandations pratiques, le cas échéant, sous la même forme.

Les illustrations dévoilées, alors que la solution n'est déployée que pour un test privé, à ce stade, montrent en effet des capacités à la fois de suivi des comptes – par exemple la surveillance des dépenses par catégories ou leur comparaison avec la moyenne d'une population similaire – mais également de contrôle de respect des objectifs fixés – suis-je toujours aligné sur mon projet d'achat immobilier l'an prochain ? –, d'aide à la décision – comment faire des économies ? quelle prochaine action devrais-je entreprendre ? –, voire de prise en charge de démarches – telles que la résiliation d'abonnement.

Monarch AI Assistant

L'initiative semble prometteuse et laisse entrevoir un changement de génération pour le PFM (qui en a bien besoin)… mais elle souffre encore de quelques limitations gênantes. Parmi celles-ci, je placerais en tête l'approche exclusivement réactive du dispositif : en limitant son rôle à des réponses aux demandes explicites de la personne, il n'apportera de bénéfices qu'à qui saura l'interroger (et prendra le temps de le faire). Pour un accompagnement plus efficace, des suggestions spontanées sont essentielles.

Dans un registre totalement différent, face à la montée des préoccupations vis-à-vis de possibles intrusions dans la vie privée, Monarch prend grand soin d'expliquer que les données de ses clients ne sont jamais transmises à quiconque (entre autres pour la mise au point des modèles algorithmiques). Les précautions prises sont extrêmes puisque même les analyses comparatives reposent sur des informations publiques et non sur une collecte interne anonymisée… qui pourrait pourtant offrir de meilleurs résultats et est généralement considérée comme un usage acceptable par le grand public.

Bien sûr, l'introduction de l'intelligence artificielle dans l'univers financier n'en est qu'aux balbutiements et la jeune pousse a bien d'autres projets en la matière, au-delà des prémices qu'elle soumet aujourd'hui à quelques cobayes. De mon point de vue, il ne fait guère de doute que nous assistons là aux premiers pas d'une nouvelle forme de conseil (authentique), qui veut donner à madame et monsieur tout-le-monde l'équivalent d'un banquier privé… et qui risque d'enterrer définitivement le principe (et l'emploi) du « conseiller » humain dont le travail se cantonne trop souvent à la vente de produits.

jeudi 22 juin 2023

Plaid crée un réseau anti-fraude

Plaid
Déjà fortement engagé dans le domaine de l'identité « digitale », avec une solution de contrôle en constante évolution, le spécialiste américain de l'agrégation de comptes bancaires Plaid tente désormais de fédérer l'industrie financière autour d'un répertoire commun de la fraude, un concept ancien mais décidément bien difficile à concrétiser.

Le principe, fondé sur un mécanisme collaboratif, est pourtant simple : au lieu de laisser chaque entreprise se débattre seule avec les malversations qui les affectent chaque jour un peu plus, un espace centralisé rassemblant tous les cas précédemment identifiés par l'ensemble de l'écosystème – qui partagerait donc ses informations – lui permettrait d'effectuer un premier filtrage rapide et efficace. Avec sa position au cœur des interactions entre acteurs du secteur, Plaid estime être bien placée pour animer un tel système.

Son « Beacon » vise ainsi à collecter et consolider les instances connues d'identité douteuse, qu'elle soit dérobée, synthétique ou appartenant à un escroc, notamment. Les organisations utilisatrices disposent d'une API (en sus d'un tableau de bord en ligne pour un accès dans des procédures manuelles) grâce à laquelle elles interrogent ce catalogue avec les éléments en leur possession et reçoivent en retour une indication sur la qualité de la référence recherchée, incluant, le cas échéant, l'existence, le motif et autres caractéristiques des signalements antérieurs (sans dévoiler qui en est à l'origine).

La réponse au rapport transmis est évidemment laissée à la libre appréciation du soumissionnaire. Selon la sensibilité de la transaction envisagée, l'ancienneté et la gravité des faits consignés, par exemple, l'alerte peut être ignorée, un complément de vérification peut être mis en œuvre ou la demande peut être rejetée sans autre forme de procès.

Plaid Beacon

Naturellement, pour produire toute sa valeur, Beacon doit s'appuyer sur un réseau de partenaires prêts à contribuer à l'alimentation de son registre (également à travers une API, bien entendu). Outre les données issues de ses propres activités, Plaid compte sur ses relations avec plus de 8 000 clients – de la FinTech au grands groupes internationaux – afin de passer à l'échelle industrielle. Pour le lancement, une poignée d'entre eux, représentant des catégories de métiers diversifiées (banque, crédit, investissement…), ont accepté de jouer le jeu. Il s'agit maintenant de convaincre les autres…

Or, s'il est fort possible que les jeunes pousses, particulièrement fragiles face à la fraude, soient plutôt enclines à rejoindre l'initiative, attirer les institutions financières majeures, qui manipulent des millions d'identités chaque année, et détiennent de la sorte les sources les plus riches, risque d'être autrement plus difficile, d'autant que leur participation au réseau semble devoir être facturée. Alors, comme toujours avec ce genre d'approche, il faudra voir dans la durée si la promesse de Plaid parvient à séduire la masse critique d'entreprises – avec ou sans les géants – qui rendra possible sa réalisation.

mercredi 21 juin 2023

Le développement citoyen chez Generali

Generali
Sa reconnaissance par Qorus et Accenture, qui lui ont attribué un prix de l'innovation, nous procure une occasion de découvrir le programme de « développement citoyen » mis en place par Generali Investments depuis quelques mois afin de permettre à ses collaborateurs d'implémenter eux-mêmes leurs idées d'optimisation des processus.

Le principe est loin d'être récent mais le passage à l'acte reste généralement hors limite dans le secteur financier. Pensez donc ! Donner aux collaborateurs dont ce n'est pas le métier ni le rôle la possibilité de concevoir et déployer des applications en (quasi) totale autonomie, c'est la porte ouverte à toutes sortes de catastrophes, plus ou moins graves, et aucun responsable, surtout dans les départements informatiques, ne veut envisager une telle perte de contrôle sur ce qui constitue le moteur de l'entreprise.

Avec une infinie prudence, la division italienne d'investissement de Generali a pourtant décidé de franchir le pas, avec l'espoir de capitaliser de cette façon sur les compétences et l'esprit d'initiative de ses forces vives, au profit de sa performance. Ainsi, après une première phase pilote étroitement surveillée, 50 employés ont suivi une formation en 2022 en vue d'apprendre à créer les capacités destinées à optimiser leurs tâches et l'extension doit se poursuivre au fil du temps, notamment auprès des nouvelles recrues.

Le périmètre concerné par cette ouverture est naturellement contraint, autour d'un plate-forme d'automatisation intelligente (« smart automation »), qui comprend des outils de robotisation de processus (« RPA »), de reconnaissance de texte, de traitement du langage naturel, d'assistant virtuel… dont la combinaison autorise la rationalisation des opérations, en particulier en termes d'expérience client. Sa prise en main, sans programmation ou presque, prend quelques heures, à comparer aux mois de cours intensifs nécessaires à qui désire maîtriser le développement logiciel classique.

Generali Investments Citizen Developers Program

D'emblée, des personnes issues de multiples entités – investissements, pilotage des risques, production, informatique (aussi !)… – ont été embarquées dans l'aventure, vraisemblablement dans l'optique d'évaluer la valeur dégagée dans des contextes différents, à la fois de leurs connaissances préalables (prises en compte pour adapter les enseignements prodigués), de domaines de mise en œuvre et de bénéfices potentiels.

Sans surprise, Generali passe sous silence les aspects moins attrayants de son dispositif. Des mécanismes formels de contrôle et de déploiement, par exemple, paraissent indispensables pour éviter les débordements (surtout involontaires) toujours possibles. Il est probable que ceux-ci limitent l'agilité et la réactivité… mais ils ne devraient avoir aucune conséquence sur le véritable objectif visé : offrir aux individus les exploitant les moyens de réaliser les ajustements nécessaires sur leurs instruments de travail.

Dans ce sens, la démarche représente donc une fascinante composition d'innovation participative – appelant les collaborateurs à imaginer des améliorations, généralement incrémentales, à apporter dans leur environnement quotidien – et de développement citoyen – grâce auquel ils ont désormais l'opportunité de concrétiser directement, sans délais et sans efforts leurs propositions, et en faire profiter l'ensemble de l'organisation.

mardi 20 juin 2023

Un cas d'usage pour les kiosques bancaires

MUFG
Depuis des années, des banques s'évertuent à déployer des kiosques d'accès distant à un conseiller… dont je questionne régulièrement l'intérêt à l'ère des services universels à domicile. Dans son expérimentation [PDF] avec la technologie du spécialiste local V-Cube, la japonaise MUFG explore une piste de réponse (enfin !) convaincante.

Le test, qui se déroule jusqu'à la fin septembre, offre aux clients de l'institution financière de prendre rendez-vous avec un expert de la gestion d'actifs, dans un premier temps exclusivement sur un sujet d'actualité réglementaire, soit dans un des trois kiosques mis en place pour l'opération, soit dans quelques-uns de ceux que le constructeur a installé avec la compagnie ferroviaire JR East dans différentes gares de Tokyo, sous la marque Telecube, pour des utilisations généralistes, professionnelles ou privées.

Ces cabines conçues pour la participation à des visioconférences (mais également de simples appels téléphoniques) et intégrant dans ce but un micro-ordinateur prêt à l'emploi promettent une qualité d'interaction inégalée grâce à une isolation phonique sophistiquée (et sans les effets désagréables des chambres sourdes), une protection absolue de la confidentialité et une sécurité inviolable (si tant est que cela soit possible)… toutes conditions essentielles pour des applications financières, naturellement.

Malgré ces caractéristiques alléchantes, lorsqu'on apprend que, il y a seulement quelques mois, MUFG a mis à la disposition de ses clients une option de consultation avec un conseiller en investissement au sein de sa plate-forme en ligne, se pose immédiatement la question de la pertinence du recours à ce genre d'équipements quand il est possible d'obtenir le même service depuis le confort de son domicile (en étant certain, accessoirement, d'avoir tous les documents nécessaires à la portée de la main).

MUFG x Telecube

La localisation exacte des kiosques – dans des immeubles de bureaux et dans les gares qui desservent les principaux quartiers d'affaire – fournit une explication limpide : la cible visée est celle des employés qui souhaiteraient faire un point sur leur situation à l'occasion d'une pause dans leur journée de travail – par tradition particulièrement longue au Japon et donc peu propice à une communication chez soi – et dans un environnement mieux isolé que les grands espaces ouverts de la plupart des entreprises.

Voilà comment, une quinzaine d'années après les premiers essais (dont aucun n'a jamais été, à ma connaissance, fructueux), une banque attaque l'idée par le seul angle qui vaille, de l'usage, dans le contexte du client, et peut ainsi espérer tirer parti de la technologie à bon escient. Encore faut-il noter que MUFG joue la prudence, avec une approche de type « produit minimum viable » (MVP), qui démontre aussi sa modestie face à une opportunité d'innovation très incertaine et sa capacité à l'aborder de manière agile.

lundi 19 juin 2023

Le bac à sable digital de Lloyds

Lloyds Banking Group
Il y a quelques mois, je signalais dans ces colonnes la collaboration entamée par Lloyds Banking Group avec la jeune pousse NayaOne en vue de la mise en place d'un bac à sable d'innovation industriel. Aujourd'hui, son directeur technique présente les progrès réalisés avec cette initiative, essentiellement dans les interactions avec la FinTech.

Pour mémoire, le socle du dispositif est un environnement « digital » mis à la disposition de la banque par son partenaire et qui héberge, à ce jour, une centaine de solutions tierces, plus de 500 API et 100 jeux de données synthétiques. Tous sont prêts à l'emploi afin d'organiser des preuves de concept (« PoC ») dans les meilleures conditions, à moindre coût (pour toutes les parties prenantes) et dans les délais les plus courts possibles, facilitant une prise de décision sur des critères rationnels et objectifs.

Après un démarrage en douceur, les usages sont désormais passés à la vitesse supérieure. Plusieurs lignes métier de Lloyds ont mené des campagnes d'expérimentation dans le bac à sable, par exemple sur des outils autour du développement durable, et les gains enregistrés sont considérables. À périmètre comparable, les tests ont été exécutés en moyenne cinq fois plus rapidement que ne l'autorisaient les procédures complexes et chronophages en vigueur auparavant (qu'on retrouve dans la plupart des banques).

Cependant, et comme je l'évoquais déjà dans mon précédent article, cette composante n'est qu'une brique dans une stratégie d'innovation, certes importante mais qui ne se suffit pas à elle-même. Or l'institution financière l'a bien compris et elle a donc élaboré un parcours de bout en bout pour l'intégration des offres de la FinTech dans ses systèmes, dont elle considère, incidemment, qu'il s'agit de la voie principale – sinon exclusive – pour adopter des technologies émergentes et développer de nouveaux services.

Lloyds Innovation Sandbox

Précision intéressante, Victor Weigler affirme que le déploiement du bac à sable et la démonstration de l'accélération qu'il permet ont largement contribué à déclencher la réflexion sur l'ensemble de la démarche. Celle-ci continue à être affinée, de manière à réduire ou éliminer les frictions résiduelles. Lloyds participe ainsi notamment à un groupe de travail sectoriel destiné à créer un « passeport », grâce auquel les jeunes pousses, connaissant par avance une série de prérequis universels bien identifiés, pourraient encore gagner du temps dans leurs négociations avec les grands groupes.

Alors que les acteurs de la finance ne jurent que par la transformation et l'innovation, rares sont ceux qui, dans cette perspective, ont mis en place des processus formalisés, pourtant indispensables à une approche efficace et optimisée. Et, une fois cette première étape engagée, il apparaît vite, en général, que l'organisation informatique n'est pas à la hauteur de l'ambition : c'est à ce moment que surgit l'évidence du bac à sable (et qu'il apporte sa véritable valeur). Lloyds a pris le chemin à contresens mais son erreur a maintenant été reconnue et rectifiée. La leçon méritera d'être retenue…

dimanche 18 juin 2023

Dérives de l'IA, avec Amazon MTurk

Amazon
Une équipe de recherche de l'EPFL (en Suisse) a analysé les réponses obtenues après avoir soumis une besogne typique au « turc mécanique » d'Amazon et il s'avère qu'une forte proportion d'entre elles ont été produites par une intelligence artificielle linguistique et non par un raisonnement humain, comme le promet en principe la solution…

Quand le géant du commerce en ligne lançait MTurk en 2005, il visait à combler les lacunes de l'automatisation grâce à une plate-forme industrielle donnant accès à des travailleurs rémunérés pour effectuer des micro-tâches (étiquetage de contenu, reconnaissance d'images, traduction de texte…), faciles pour une personne mais hors de portée des machines de l'époque. Aujourd'hui, au vu des progrès de ChatGPT et de ses équivalents, il semble largement obsolète… mais la réalité n'est pas si simple.

Toujours est-il que pour les recrues d'Amazon, ces outils représentent une aubaine. Ainsi, les chercheurs estiment (par une combinaison de plusieurs méthodes) qu'entre un tiers et la moitié des réponses reçues sur leur campagne de résumés d'articles ont été générées par un « grand modèle de langage » (LLM en anglais). Il n'est rien d'étonnant à ce résultat, soit dit en passant, pour un système qui rémunère la rapidité et la productivité à outrance, dans un contexte où ce genre d'assistance est accessible à moindre coût.

Les auteurs reconnaissent que le test spécifique qu'ils ont choisi est particulièrement adapté aux capacités des IA de dernière génération, ce qui explique le taux élevé de « triche » observé. Cependant, il en est probablement de même sur bon nombre des exercices habituellement confiés à MTurk et la tendance se renforcera inexorablement avec les avancées de la technologie. Il convient également de noter que les contributeurs ont certainement cherché à exploiter des raccourcis depuis toujours.

Le problème est que les utilisateurs du service d'Amazon – qui, sinon, ont tout loisir d'interroger directement ChatGPT – y recourent précisément pour sa faculté de mobiliser des cerveaux humains sur leurs problèmes. Tel est fréquemment le cas, entre autres, des concepteurs désireux d'entraîner leurs modèles d'apprentissage automatique avec des données réelles. Or si ces dernières sont synthétisées par une intelligence artificielle, la performance est médiocre et les risques (de biais, notamment) augmentent.

En conclusion, les scientifiques n'envisagent pas la disparition des besoins de solutions telles que le turc mécanique mais ils prédisent une évolution des usages, avec, par exemple, une demande accrue d'identification des contenus créés par des algorithmes. Les dérives ne pourront toutefois qu'empirer au fur et à mesure de la publication automatisée sur le web : quand la majorité des sources d'information seront touchées, la mise au point de nouveaux modèles sera contaminée et une boucle sans fin s'enclenchera. Là réside peut-être le vrai danger de la généralisation de l'IA.

Le Turc Mécanique

samedi 17 juin 2023

Smartpreuve, l'huissier digital

Smartpreuve
Dans une édition 2023 de VivaTech où il n'était question que d'intelligence artificielle et de responsabilité sociale et environnementale, superficiellement, voire abusivement, dans les deux cas, je préfère m'attarder sur une présentation du service Smartpreuve, destinée à faciliter et accélérer l'enregistrement de preuves juridiques.

Ils sont innombrables ces petits litiges et autres incidents de la vie courante dans lesquels le réflexe naturel consiste désormais à prendre une photo en guise de justificatif, que ce soit dans le but de régler la situation à l'amiable avec la partie adverse ou, au pire, de démontrer sa bonne foi devant un juge. Malheureusement, ces clichés standards n'ont qu'une valeur probante limitée, surtout à l'ère de ChatGPT, et faire intervenir un commissaire de justice (ex-huissier) n'est généralement pas une solution praticable.

Avec Smartpreuve, au contraire, cela devient très simple : il suffit de capturer les images désirées, en temps réel, à travers l'application (web uniquement, mais adaptée aux smartphones, bien sûr), elle sont alors géolocalisées, horodatées et signées numériquement, ce qui atteste déjà de leur véracité. Puis elle sont transmises à un des plus de 70 (à ce jour) commissaires de justice partenaires de la jeune pousse, qui, sauf qualité insuffisante, délivre un certificat de dépôt reconnu par les tribunaux.

Finies les démarches incertaines (qui sait spontanément à qui s'adresser dans ces circonstances ?), voici l'ère de l'huissier « digital », disponible à tout moment, instantanément, réactif (réponse en moins de 24 heures ouvrées, normalement), au coût raisonnable (moins de 10 euros pour un acte comportant jusqu'à 20 photos ou une vidéo de 30 secondes, avec des réductions via des formules par abonnement). Jamais il n'a été aussi facile d'établir une preuve officielle de dommage, de nuisance, d'infraction…

Accueil Smartpreuve

Fort logiquement, la plate-forme attire l'attention de quelques assureurs, pour lesquels des preuves irréfutables sont toujours bienvenues dans les dossiers de sinistres mais s'avèrent souvent lourdes et onéreuses à rassembler lorsque leur collecte doit être prise en charge par un professionnel. Grâce à Smartpreuve, il peuvent désormais envisager d'en faire la démarche par défaut et gagner de la sorte un temps considérable.

Aux côtés de nombreux acteurs de l'immobilier, Solucia, spécialiste de la protection juridique, est ainsi un des premiers clients de la startup, qui vise donc également la cible des entreprises et non exclusivement les particuliers. Quand un assuré engage une procédure, il se voit transmettre un lien personnalisé vers l'application, où un crédit a été préchargé pour lui, et il ne lui reste qu'à prendre les photographies demandées qui, une fois dûment certifiées, seront automatiquement jointes à sa déclaration.

Certains domaines du secteur (l'automobile et son e-constat, par exemple) exploitent depuis longtemps des images capturées en appui des demandes d'indemnisation, mais ces usages pourraient être beaucoup plus répandus, non seulement pour rationaliser leurs traitements, comme je l'ai évoqué jusqu'ici, mais aussi dans le but de garantir une meilleure objectivité dans leur résolution, qui constituerait probablement une source d'optimisation de l'efficacité opérationnelle dans des métiers fréquemment en tension.

jeudi 15 juin 2023

Les banques sont des musées de technologie

10x
À la lecture de cette étude, commanditée par le fournisseur de cœur bancaire de nouvelle génération 10x, on pense immédiatement à une énième déclinaison sur le thème de l'absence de véritable transformation « digitale » dans les grandes institutions financières. Oui mais, cette fois, elle émane directement de leurs responsables…

Ce sont en effet 150 dirigeants et 150 analystes, chefs de produit et de projet, exerçant dans les grandes banques au Royaume-Uni, en Allemagne, en Scandinavie, en Australie, en Nouvelle-Zélande, en Afrique du Sud, en Inde et au Vietnam, qui ont été interrogés afin d'élaborer un état des lieux, portant plus précisément sur l'adoption des nouvelles technologies, la réponse aux changements des marchés, le lancement de nouveaux services… et la priorisation correspondante des allocations de ressources.

Leurs révélations, inédites, sont proprement édifiantes : en moyenne, ces établissements auraient perdu 20% de leur clientèle (sur une durée non précisée) – le taux monterait même à 30 à 40% pour un répondant sur huit – sans conquête significative en compensation. Leur diagnostic objectif face à ces départs massifs, souvent dus à une préférence pour des concurrents mieux armés dans le monde numérique moderne, incrimine généralement leurs déficiences majeures en matière d'expérience client.

Selon Antony Jenkins, fondateur et directeur général de 10x (qui sait de quoi il parle puisqu'il était auparavant à la tête de Barclays), le constat est trivial : bien que la banque soit résolument un métier centré sur le client, sur ce qui lui est utile ou lui simplifie la vie, ces entreprises historiques restent irrémédiablement focalisées sur leurs produits. Et, au lieu d'envisager la vraie transformation culturelle qui les remettrait sur la bonne voie, elles se contentent d'ajustements cosmétiques sur leurs pratiques immuables.

Actualité 10x

Il transpose ensuite son observation sur le patrimoine informatique de la plupart des groupes du secteur, qu'il qualifie de musée de technologie, parce qu'il est constitué d'un empilement hétéroclite de tout ce qui s'est fait depuis 60 ans dans le domaine, dont une partie conséquente est obsolète et ne bénéficie parfois plus d'aucun support. Naturellement, tout en gardant en mémoire qu'il n'est pas seulement question d'outillage, l'hypothèse d'une adaptation « digitale » est incompatible avec un tel héritage.

Comme je l'évoquais en introduction, l'aspect intéressant de cette analyse est qu'elle est globalement partagée par les premiers concernés. Les décideurs du secteur ont parfaitement conscience de leur retard dans l'indispensable transformation, de son impact sur leur clientèle et du handicap que représente le mille-feuille des systèmes d'information. Hélas, dans une sorte de dissonance cognitive, ils reconnaissent le problème au plan intellectuel mais ne parviennent pas à en prendre la mesure concrète.

mercredi 14 juin 2023

PKO industrialise les services extra-bancaires

PKO Bank
La polonaise PKO ajoute son nom à la liste déjà longue des banques qui, dans le monde entier, s'aventurent sur le terrain extra-financier dans leur recherche de relais de croissance… Mais, en faisant désormais le choix d'une approche industrielle, elle franchit une nouvelle étape dans cette tendance décidément très en vogue actuellement.

Il est vrai qu'elle n'est pas tout à fait novice en la matière, puisque, depuis quelques temps, elle met à la disposition de ses 11 millions de clients, sur web et sur mobile, des capacités de recharge de forfait téléphonique, d'achat de titres de transport, de paiement de péage autoroutier, de prise de rendez-vous médicaux… utilisées 3,5 millions de fois par mois en moyenne. Perçue comme stratégique pour son développement, cette évolution vers le « beyond banking » passe donc maintenant à la vitesse supérieure.

Alors que, pour ses précédentes implémentations, la mise en œuvre se faisait au cas par cas et requérait classiquement une implication soutenue de la part des équipes informatiques des deux parties prenantes, PKO a dorénavant déployé un socle en libre-service (dans l'infonuagique), sur lequel ses futurs partenaires pourront intégrer leurs produits en quelques jours ou semaines, grâce à un jeu d'API ad hoc, tout en garantissant cohérence et homogénéité pour leur présentation au sein de ses logiciels.

Reposant sur un principe de place de marché en ligne, le dispositif comprend aussi, naturellement, des fonctions dédiées aux paiements, sous divers formats (unitaires ou récurrents, par exemple), et à la gestion de panier. Trois solutions supplémentaires l'ont étrenné en avant-première : un module de téléconsultation médicale, un utilitaire de cybersécurité et une assurance pour les écrans de smartphone, tous disponibles dès aujourd'hui dans les outils de banque à distance destinés aux clients particuliers.

PKO Beyond Banking API

PKO mentionne que le développement de son système a été confié à sa filiale de services Finat et plus spécifiquement sa division de « transformation infonuagique ». Ce détail me procure l'occasion de découvrir cette étonnante activité (pour une banque) de conseil et d'accompagnement des entreprises dans leurs projets « cloud », des études préalables à l'administration et au suivi opérationnels, en passant par la définition des processus, la configuration des moyens de pilotage, la migration des applications…

Bien que je reste sceptique quant à la pertinence de transformer les plates-formes bancaires en supermarchés généralistes, les chiffres affichés semblent me donner tort (ceci dit, aucun détail ne filtre sur le modèle économique). Toujours est-il que la démarche adoptée par PKO représente un important pas en avant dans le dilemme de la place de marché : la facilité d'intégration offerte aux partenaires (certaines startups éligibles pouvant même bénéficier d'un soutien) devrait les convaincre plus aisément de tenter d'exposer directement leur catalogue à plus d'un quart de la population polonaise.

mardi 13 juin 2023

Pour ou contre l'assurance embarquée ?

Qover
Apparemment, quelques experts du secteur se sont récemment lancés dans un débat sur la valeur réelle de l'assurance enfouie (ou invisible), c'est-à-dire le mode de commercialisation qui consiste à intégrer la couverture dans l'acte d'achat du produit concerné. Aux sceptiques, je dirai simplement : testez le parcours de souscription de Tesla.

L'argument principal de Ian Gutterman, vétéran et fondateur d'une jeune pousse du domaine, pour rejeter le concept est sa conviction que, dans la plupart des cas, le contrat proposé à l'occasion d'une emplette n'est pas véritablement adapté au besoin du client mais que le distributeur joue sur l'émotion du moment pour l'imposer. Il ajoute que, selon lui, il s'agit d'une méthode qu'aurait trouvée les compagnies pour résoudre leur incapacité à séduire avec leurs solutions, avec leurs propres processus de vente.

L'observation est certainement recevable dans bon nombre de circonstances, notamment sur les voyages, les appareils électroniques (téléphones en tête !), les locations de voitures… Cependant, elle n'a guère de rapport avec la manière dont l'assurance est offerte au consommateur. Les mêmes problèmes d'adéquation à la situation considérée émanent aussi souvent de la part de professionnels (agents et courtiers) ou de plates-formes en ligne (et leurs publicités) peu regardants sur leurs moyens de conquête.

A contrario, quand Ian affirme que la souscription serait aussi facile avec une approche traditionnelle, indépendante, que par l'intermédiaire d'un dispositif embarqué, il ne pense qu'à des cas (historiques) triviaux (notamment ceux que je citais précédemment) où, effectivement, le bénéfice de ce dernier n'est pas perceptible. Ce faisant, il oublie totalement tous ceux qui, beaucoup plus complexes à traiter, procurent de vrais avantages et justifient pleinement l'intégration, à un point parfois incroyable.

InsureMyTesla

Il suffit de prendre l'exemple de Tesla pour comprendre. Lorsque vous commandez un véhicule sur le site de la marque, vous êtes encouragé, vers la fin du parcours, à consulter la gamme de polices dédiées concoctée par la jeune pousse belge Qover (avec son porteur de risque Helvetia). Là vous entrez dans une expérience inédite : une demi-douzaine de questions (usage, kilométrage moyen, code postal, date de naissance du conducteur…) et vous avez un devis. Formalités d'identité et, éventuellement, transmission du relevé d'assurance en cours, et vous être couvert.

Non seulement la démarche ne prend qu'une minute là où la concurrence requiert invariablement une litanie d'informations diverses et variées (et, dans mon cas précis, finit par m'informer que ma demande ne peut être satisfaite en ligne) mais, en outre, le prix est compétitif et la garantie est précisément ajustée selon les particularités des automobiles électriques. Il faut également noter que, à l'encontre des craintes de dilution de la notoriété systématiquement soulevées avec les modèles enfouis, l'enseigne de l'assureur reste toujours explicite à tout moment (elle constitue un facteur de confiance !).

Alors, oui, les vendeurs de mauvais conseil existent et seront toujours prêts à profiter des faiblesses de leurs clients, sur tous les produits disponibles. Mais quand les entreprises responsables et qui prennent soin du ressenti de leurs clients s'emparent de l'assurance embarquée, elles signalent clairement leur différence et laissent sur place les compagnies enferrées dans leurs pratiques historiques (qui clameront certainement que ce que Qover a mis en place est impossible ou hors des clous réglementaires).

lundi 12 juin 2023

Quand les chatbots bancaires inquiètent

CFPB
Bien avant les derniers progrès de l'intelligence artificielle, les institutions financières ont commencé à déployer massivement des assistants virtuels chargés de répondre aux questions de leurs clients. L'organisme de protection des consommateurs américains sonne l'alarme sur les risques induits quand la technologie est mal maîtrisée.

Aux États-Unis, les dix premières enseignes du secteur ont toutes recruté un chatbot dans leurs centres de support et plus d'un tiers de la population a eu l'occasion d'interagir avec l'un d'eux au cours de l'année 2022. Et les progrès des technologies, depuis les simples moteurs de règles jusqu'aux IA génératives d'aujourd'hui, enhardissent les entreprises et les encouragent à les mettre en avant de manière de plus en plus insistante pour toutes sortes de demandes autrefois traitées par un téléopérateur.

Malheureusement, l'analyse du marché et les plaintes enregistrées par le CFPB montrent, sans surprise, que les dysfonctionnements augmentent drastiquement en proportion de la complexité des demandes soumises aux automates. Les utilisateurs expriment des frustrations majeures face aux pertes de temps et d'énergie, aux réponses inappropriées, aux impasses rencontrées, aux frais supplémentaires qu'ils encourent… engendrés par l'incapacité chronique des systèmes souvent immatures à satisfaire leurs attentes.

Outre les dommages qui pourraient être causés aux clients et la perte de confiance qui risque de s'ensuivre, le CFPB rappelle aux banques que ces nouveaux médias de communication sont soumis aux mêmes contraintes réglementaires que les autres. Elles doivent donc prendre sérieusement garde à la qualité des conseils formulés par leurs agents intelligents, faute de quoi elles s'exposent à des sanctions légales. Et l'avertissement vaut également pour la sécurité et la protection des données sensibles.

CFPB – Chatbot in Consumer Finance

Tout au long de l'histoire du commerce, et généralement en contradiction flagrante avec leurs promesses de proximité, les dirigeants recherchent les moyens de réduire les coûts du service à la clientèle. Les centres d'appel ont ainsi accaparé une grande partie du rôle des personnels en agence avant que les outils en ligne ne prennent à leur tour leur place. Aujourd'hui, les chatbots, armés de leur prétendue intelligence, sont perçus comme la solution économique ultime pour maintenir une relation personnalisée.

Il faut pourtant savoir reconnaître et accepter leurs évidentes limites, autant dans leur faculté d'appréhender toutes les situations que dans leur acceptabilité sociale, surtout dans le cas de sollicitations délicates et lorsque leurs défaillances sont les plus apparentes. Un des principaux reproches qui leur sont adressés concerne notamment l'impossibilité de joindre une personne en chair et en os (dans un délai raisonnable) quand la machine se révèle incapable de prendre en charge le problème qui lui est présenté.

La seule recommandation envisageable dans ce contexte est de considérer le chatbot uniquement comme un complément aux dispositifs d'assistance existants et de mettre tout le soin nécessaire à orienter rapidement chaque client vers l'option la mieux adaptée à sa question, l'objectif prioritaire étant d'apporter la réponse parfaite dans les plus brefs délais. Et la montée en puissance des clients robots, prêts à en découdre avec des interlocuteurs bancaires, humains ou logiciels, fournit une incitation supplémentaire…

dimanche 11 juin 2023

BBVA croise IA et économie comportementale

BBVA
L'attribution de son prix du projet innovant de l'année 2023 par l'association (espagnole) DEC pour le développement de l'expérience client nous procure une occasion de découvrir en détail le dispositif BELA – pour « Behavioral Economics Learning Algorithm » (soit algorithme d'apprentissage d'économie comportementale) – de BBVA.

Son principe consiste à nourrir un modèle d'apprentissage automatique de milliers de textes commerciaux, accompagnés des réactions qu'ils suscitent de la part de leurs lecteurs, de manière à « comprendre » comment les clients élaborent leurs préférences et prennent leurs décisions. L'outil devient alors capable de suggérer aux spécialistes du marketing (« digital ») des contenus, générés par un moteur de langage naturel, plus percutants et, au besoin, mieux adaptés à telle ou telle population spécifique.

À mon grand regret, BELA est d'abord employé dans la conception de campagnes publicitaires, où ses résultats semblent probants. Leur efficacité est ainsi démultipliée, avec, notamment, une baisse significative des coûts et des temps de production. L'approche possède tout de même une vertu notable, puisque l'optimisation de l'adéquation des messages aux cibles visées les rend implicitement moins « invasifs » (ou irritants ?). Ils enregistrent d'ailleurs un taux d'engagement en progression de 200%.

BBVA – Premios DEC 2023

Heureusement, BBVA met sa plate-forme à contribution pour d'autres ambitions, dont je considère qu'une des plus prometteuses concerne le bien-être financier. Concrètement, à partir d'une étude de terrain sur les habitudes budgétaires et environnementales des consommateurs (pour l'entraînement des algorithmes), elle émet des recommandations pratiques destinées à les aider à améliorer leurs comportements, en recourant aux formulations à impact maximal et ayant donc le plus de chances d'être suivies d'effet.

Le cas d'usage est extrêmement pertinent, tant la communication sur le sujet sensible de l'argent est délicate et susceptible aux moindres nuances de langage. Il ne s'agit pas uniquement d'adopter un vocabulaire simple, dénué de jargon et à la portée de madame ou monsieur tout-le-monde, mais également d'emprunter un ton bienveillant, évitant toute stigmatisation, même involontaire ou contextuelle. Au vu des difficultés que rencontrent fréquemment les professionnels dans ce genre d'exercice empathique, il ne fait guère de doute que l'intelligence artificielle est en mesure de tirer son épingle du jeu.

samedi 10 juin 2023

Franfipay, du paiement fractionné au crédit

Société Générale
Dans un contexte de lente évolution des comportements des français en matière d'achat en ligne, la filiale de crédit à la consommation du groupe Société Générale lance Franfipay afin de permettre aux professionnels de proposer à leurs clients une gamme élargie de financements, couvrant tous leurs achats, pour des montants de 100 à 30 000 euros.

Alors que le boom du paiement fractionné ou différé (BNPL) observé à l'occasion de la crise sanitaire est désormais retombé, les habitudes acquises durant cette période conduisent les consommateurs à se tourner plus fréquemment vers le web pour leurs emplettes, y compris pour des biens de valeur importante. Ainsi, le nombre de transactions d'e-commerce augmente, tout comme le niveau du panier moyen. Cependant, en parallèle, les difficultés qu'ils rencontrent avec la baisse de leur pouvoir d'achat leur imposent de plus en plus de recourir à des facilités de règlement.

Voilà précisément l'opportunité que Franfinance veut saisir en mettant à la disposition des marchands un produit unique adaptable de manière transparente à différentes situations. Jusqu'à 4 000 euros, ils peuvent offrir une solution de paiement en 3 ou 4 mensualités, sans frais, avec un parcours de souscription simplifié. À partir de 1 000 euros (et donc en recouvrement avec la précédente, pour plus de flexibilité), ils peuvent mettre en avant une option de crédit traditionnelle, avec intérêts, sur une durée pouvant atteindre 5 ans.

Franfinance lance Franfipay

De toute évidence, l'ambition de l'établissement serait de déployer une expérience utilisateur identique, autant que possible, dans les deux cas, répliquant sur les prêts de format classique la fluidité et l'instantanéité qui ont engendré le succès fulgurant des trublions du « BNPL » dans le monde entier. Naturellement, sa concrétisation s'avère plutôt complexe, sinon utopique, en raison, notamment, des exigences réglementaires de connaissance du client (KYC) et des risques accrus de fraude et de défaut.

En l'état, le compte n'y sera pas pour les internautes, qui, aujourd'hui, requièrent l'immédiateté dans toutes leurs interactions en ligne, puisque l'acceptation ferme et définitive des dossiers de crédit long de Franfipay est promise sous un délai maximal de 48 heures ouvrées (la moyenne se situant à 24 heures). Le dispositif constitue donc une étape utile pour les commerçants qui souhaitent maximiser leurs taux de transformation avec des modalités de paiement souples, mais il lui reste des progrès à accomplir pour se mettre réellement à la hauteur des attentes des consommateurs contemporains.