Les plus fidèles de mes lecteurs le savent, je considérais depuis des années l'espagnole BBVA comme un phare de l'innovation dans l'industrie bancaire européenne. Hélas la mécanique est maintenant enrayée et sa récente série d'annonces de résultats records, loin d'être rassurante, reflète un triste et dangereux changement de stratégie.
La position enviable, de mon point de vue, atteinte par l'établissement, notamment dans sa mutation « digitale », une des plus abouties de la planète, n'a jamais rien dû au hasard. Elle était le résultat d'une vision unique des évolutions du monde et de la banque soutenue sans relâche pendant plus de 20 ans par son dirigeant, Francisco González Rodríguez. Ce sont les fruits de cette formidable transformation structurelle, technologique et culturelle que récoltent aujourd'hui ses successeurs.
Ces derniers n'ont hélas pas compris que le mouvement ascendant ne pouvait se poursuivre à long terme qu'à la condition de maintenir continuellement les efforts. Ils donnent, à l'inverse, l'impression de considérer qu'ils ont atteint le but et ont désormais engagé une politique tellement banale, centrée sur la rétribution des actionnaires, entre recherche d'efficacité opérationnelle (y compris à travers les projets innovants qui persistent à éclore) et distribution de dividendes ou autres rachats de titres.
Pourtant, la principale caractéristique de l'environnement contemporain n'est pas sa « digitalisation » mais bien sa métamorphose permanente, à un rythme accéléré. Je pense, naturellement, à la technologie (il suffit de constater les bouleversements induits par ChatGPT en quelques mois) mais aussi, et peut-être surtout, aux comportements des clients et des collaborateurs, aux attentes changeantes, toujours plus précises et pressantes, que la plupart des institutions financières restent incapables de satisfaire totalement, ainsi qu'aux grands défis émergents du climat, de la cybercriminalité…
Forte de son indéniable avance, acquise grâce à deux décennies d'acharnement, BBVA n'a évidemment aucune difficulté à générer des profits. Mais la direction actuelle devrait prendre garde à l'illusion d'une victoire définitive et se souvenir que, quand leur aîné a défini la nouvelle orientation de la banque au tout début de ce siècle, rien ne paraissait pouvoir ébranler les modèles alors en vigueur. La situation présente sera pareillement transitoire et il faut impérativement continuer à investir pour survivre durablement.