Même pour les vétérans forcenés de l'argent électronique, la dématérialisation doit parfois reconnaître ses limites. Voilà, par exemple, comment Venmo entame une collaboration avec l'éditeur mondialement célèbre de cartes de vœux Hallmark afin de redonner un côté tactile bienvenu aux cadeaux tristement devenus trop virtuels.
Alors que sa mission principale de gestion des paiements entre individus en faisait déjà naturellement un support idéal pour une déclinaison moderne des présents en numéraire, la filiale de PayPal propose depuis le début de 2022 (avec un retard de plusieurs années sur ses homologues chinoises, toutefois) d'associer au transfert une illustration personnalisée aux réminiscences des cartes imprimées traditionnellement envoyées dans les grandes occasions, telles que Noël, jour de l'an, anniversaire…
Mais, sans être excessivement nostalgique et les plus jeunes peuvent tout autant y être sensibles, ces images affichées sur un écran de téléphone n'ont pas le charme d'une enveloppe déposée au pied d'un sapin ou trouvée au fond d'une boîte aux lettres, dont on savoure par avance l'ouverture et la découverte de son contenu, puis qu'on garde précieusement, pour l'éternité, dans un carton à chaussures. C'et toute une expérience que Hallmark défend envers et contre tout et que Venmo veut donc maintenant capter.
En pratique, le principe consiste à, d'abord, acheter, pour environ 5 dollars, une carte spéciale auprès d'une des enseignes habituelles pour ce genre d'articles ou en ligne. L'expéditeur va ensuite lui associer une cagnotte nominative – composée d'un montant et de l'identifiant du bénéficiaire (qui peut être un numéro de téléphone ou une adresse de courriel) – grâce à un QR code qui le redirige dans l'espace dédiée de l'application Venmo. Il ne lui reste plus qu'à rédiger un message, s'il le souhaite, et à l'expédier.
À réception, le destinataire capture à son tour le QR code et collecte de la sorte le montant de son cadeau dans son propre porte-monnaie Venmo (dont le propriétaire doit évidemment correspondre à celui qui était enregistré à la création), tout en conservant un souvenir physique de l'attention qui lui a été portée. À ce moment-là seulement le compte de l'émetteur est débité. En cas de vol, de perte ou d'oubli, la somme associée, qui était simplement bloquée, est restituée automatiquement après 180 jours.
La dématérialisation des interactions a certainement du bon quand elle touche à des démarches imposées, souvent pleines de frictions, mais elle est beaucoup plus critiquable quand elle déshumanise les relations. Les échanges de cadeaux constituent bien l'archétype de ces transactions où la convivialité humaine prime, surtout quand leur vecteur se réduit à une poignée de dollars (par manque d'imagination ?). Dès lors, la coopération entre des acteurs représentatifs l'un de l'univers virtuel et l'autre du monde physique dans le but de combiner le meilleur des deux est une magnifique leçon.