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C'est pas mon idée !

vendredi 31 décembre 2021

2021, petite année pour l'innovation

Innovation ?
Le 31 décembre est ici traditionnellement réservé à un bilan de l'innovation dans les services financiers au cours de l'année écoulée et un petit retour en arrière sur les 363 articles que j'ai rédigés révèle rapidement une certaine indigence de l'actualité en la matière, en dépit même des records d'investissement et de valorisation de la FinTech.

Le seul nouveau sujet qui ait fortement percé en 2021 est le paiement fractionné (BNPL), entraînant une croissance colossale de ses pionniers (Klarna, notamment) et une multiplication des incursions par les établissements traditionnels, mais aussi par quelques néo-banques. S'il représente un espoir de source de revenus alternative alors que les taux d'intérêt persistent à affaiblir les modèles économiques traditionnels, il est maintenant aussi sur la sellette en raison de sa toxicité potentielle pour les consommateurs.

Pour le reste, il a été fréquemment question d'environnement et de responsabilité sociétale dans les mois passés, surtout avec la tenue à Glasgow de la COP26, présentée comme la conférence de la dernière chance avant l'apocalypse. Mais les discours et les paroles ont beaucoup de mal à se traduire en actions concrètes significatives. Le constat est identique sur le thème (directement lié) du bien-être financier : de bon ton dans la communication officielle mais les initiatives opérationnelles sont extrêmement rares.

Cette ambiance se traduit dans vos lectures. Ainsi, le billet que vous avez le plus consulté sur le blog depuis janvier – et de très loin – est celui que j'ai consacré aux résultats d'Orange et à la dérive stratégique de sa filiale bancaire. À mi-chemin entre startup et projet de grand groupe, elle constitue l'archétype des désillusions de la révolution promise du secteur financier, dans laquelle ont été englouties des fortunes mais qui n'aboutit souvent qu'à des solutions sans grande originalité ni différenciation majeure.

Il est d'ailleurs bien possible qu'Orange Bank prolonge son rôle d'éclaireuse en 2022. En effet, après la démission de Stéphane Richard, le PDG qui en était le pilier, je prédis un désengagement de la part de l'opérateur de télécommunication, qui marquera la fin de la coûteuse aventure, probablement via une cession. On pourra alors considérer que, en 15 ans, la première vague de la FinTech aura atteint son apogée et que son déclin deviendra le tremplin de la prochaine génération et de la véritable transformation.

Orange Bank – Bonne Année 2022

jeudi 30 décembre 2021

Voici le plus triste des cadeaux de Noël

Tinkoff
Voilà certainement un cadeau qui, sauf exception, risque de ne pas susciter l'enthousiasme immédiat de son destinataire… mais qui n'en sera peut-être pas moins utile à long terme : juste à temps pour les fêtes, la banque russe Tinkoff propose à ses clients d'offrir des actions, obligations et autres parts de fonds indiciels à leurs proches.

Le mode opératoire mis en œuvre pour l'occasion, entièrement à distance, représente à lui seul une petite prouesse de simplicité. Depuis son application mobile consacrée à l'investissement, l'utilisateur choisit la nouvelle option « cadeau », puis sélectionne les titres qu'il souhaite distribuer (seuls ceux qui, légalement, ne requièrent pas de qualification spéciale sont éligibles) et, enfin, désigne le bénéficiaire, soit par sélection dans son carnet d'adresses soit en indiquant son numéro de téléphone.

À réception, ce dernier est directement notifié de l'ajout dans son compte existant ou, s'il n'en possède pas au préalable, il obtient par SMS un lien grâce auquel il va pouvoir créer un compte de courtage Tinkoff Investments en quelques gestes, sans complications administratives, afin de collecter son présent. Il a alors, bien sûr, toute liberté de conserver les actifs acquis ou les revendre sur le champ. Le cas est également prévu où le récipiendaire refuserait l'opération, l'émetteur étant alors remboursé du montant engagé.

Tinkoff Investments

S'il ne fait guère rêver, le principe du cadeau sous forme de parts de sociétés représente une alternative intéressante au chèque ou au billet de banque tellement populaire chez ceux qui manquent d'imagination au moment de faire plaisir. A minima, ce pourrait constituer un encouragement à épargner et à préparer de grands projets d'avenir, par exemple de la part de parents ou de grands-parents à l'adresse des jeunes générations. Il s'agirait ainsi d'une voie originale de développement de l'éducation financière !

Naturellement, du point de vue de Tinkoff, l'objectif visé est de conquérir de nouveaux adeptes pour ses services d'investissement. Rien de plus efficace dans cette perspective que d'essayer de capitaliser sur l'effet de réseau, notamment familial, qui peut se révéler particulièrement dynamique pendant les festivités de fin d'année. Le coût en est évidemment bien inférieur aux classiques promotions de parrainage et la singularité du dispositif peut en faire une option attractive, ne serait-ce que dans un premier temps.

mercredi 29 décembre 2021

Le juriste et l'innovation

Innovation
Ce matin (29 décembre 2021), l'AGEFI consacrait un article aux nouvelles attentes des entreprises vis-à-vis de leurs juristes, entre extension de leur domaine de compétence et nécessité de mieux s'impliquer dans les opérations. Mais les professionnels ne sont pas les seuls à devoir évoluer, notamment lorsqu'il est question d'innovation.

Quand, du haut de leur tour d'ivoire, ils décrètent ce qui est interdit et ce qui est autorisé, leurs collègues qui, dans les grandes structures, tentent de bousculer un tant soit peu les habitudes à travers des projets touchant à des contextes inédits les perçoivent fréquemment comme des empêcheurs de tourner en rond. Et jalousent leurs alter egos œuvrant dans des startups, où la proximité des équipes permet de contourner les obstacles tout en respectant les lois (dans les seuls cas qui nous intéressent).

Dans un monde où l'agilité et la flexibilité deviennent indispensables pour accroître la réactivité et accélérer le déploiement des réponses aux demandes des clients, ce mode de fonctionnement n'est plus acceptable. Alors, oui, les juristes doivent impérativement sortir de leur bulle, arrêter d'édicter des avis conçus avant tout pour éviter la moindre prise de risque (pour eux comme pour l'organisation) et, au contraire, prendre le temps de considérer les données du problème qui leur est posé afin de lui trouver une solution.

S'assurer que les équipes de la direction juridique appréhendent correctement les défis à relever, comprennent l'environnement dans lequel doit s'inscrire leur décision et exploitent leur expertise au service d'un résultat positif ne suffira pourtant pas à lever les barrières du quotidien. Car ce sont aussi souvent des non spécialistes qui – par effet d'accoutumance ou par crainte des changements – se mettent eux-mêmes des freins sous prétexte de réglementation contraignante interprétée de manière approximative.

Comme avec la gestion des risques et la cybersécurité, comme il faudra aussi certainement l'envisager autour des enjeux d'éthique et environnementaux, il devient impératif de développer la culture juridique de l'ensemble des collaborateurs, de sorte que, dans tous les projets, les limitations les plus courantes soient parfaitement maîtrisées et que les modalités applicables dans ces cas soient applicables rapidement, puis que les barrières plus sérieuses soient anticipées et soumises aux professionnels au plus tôt.

L'objectif n'est évidemment pas de transformer tout le monde dans l'entreprise en juriste mais que chacun possède le vernis minimal essentiel pour éviter que des choix mal éclairés, trop hâtifs, ne viennent compromettre les opportunités d'innovation. En arrière-plan, il s'agit également de faciliter le dialogue avec ceux dont la loi est le métier, et qui ne peuvent être les seuls à faire des efforts dans le rapprochement requis, en particulier en ce qui concerne les circonstances dans lesquelles leur talent est invoqué.

Juriste

mardi 28 décembre 2021

Lloyds s'inquiète de son informatique

Lloyds Bank
Quand les plus hauts responsables d'institutions financières restent muets ou se veulent rassurants sur l'état (généralement) vieillissant de leur informatique, je me demande toujours s'ils ont véritablement conscience de la poudrière qu'elle représente. Grâce à une indiscrétion, nous avons maintenant une réponse pour le cas de Lloyds Bank.

Naturellement, le renouvellement récent de l'état-major de l'établissement, incluant l'arrivée d'un nouveau directeur général en août dernier, est propice à la mise à nu des difficultés identifiées, en préparation d'un virage stratégique. Ce n'est donc peut-être pas tout à fait un hasard si, au hasard d'une fuite, émerge quelques mois plus tard cette vidéo interne dans laquelle son directeur de la transformation, Nick Williams, lui-même promu au printemps, déclare que son informatique est inadéquate et préoccupante.

À travers les retranscriptions du discours, il est facile de percevoir l'ampleur du problème tel qu'il est appréhendé. Certes, il est d'abord question de l'anachronisme que constitue le fait pour un grand groupe, qui sert 17 millions de clients au Royaume-Uni, d'héberger 99% de ses applications dans ses propres centres de données. Mais cette anomalie n'est que la partie émergée de l'iceberg, surtout quand il s'avère qu'une transition vers l'infonuagique est matériellement impossible, pour l'essentiel du patrimoine.

Le défi à relever, pour maintenir le niveau de compétitivité mais également résister aux cyberattaques et autres risques de défaillances, ne consiste pas seulement à changer d'infrastructure. Il se situe dans toutes les composantes technologiques qui motorisent les métiers de l'entreprise, leur défaut principal étant leur ancienneté (pour ne pas dire leur obsolescence). L'indispensable modernisation imposera une remise à niveau de l'ensemble de l'architecture du système d'information, probablement douloureuse.

C'est justement là que devrait intervenir le changement de cap attendu avec la présentation de la nouvelle stratégie prévue au début de 2022. Alors que la génération précédente avait plutôt concentré son attention sur la réduction des coûts (comme tant d'autres…), l'équipe dirigeante actuelle pourrait (devrait ?) adopter une politique d'investissement agressive, permettant de repartir sur des bases, notamment informatiques, saines. Il se suffira cependant pas d'injecter des milliards de livres.

Le plus difficile sera de mettre sur pied un projet cohérent, à la hauteur des enjeux, c'est-à-dire capable de propulser les fondations et les applications à l'état de l'art. Une telle ambition devra nécessairement passer par l'élimination et le remplacement pur et simple de nombreux éléments existants, donc beaucoup paraissent pourtant parfaitement remplir leur rôle. En conséquence, il faudra une extraordinaire clairvoyance aux décideurs chargés d'en dessiner les contours, suivie d'une impeccable rigueur dans l'exécution.

Il est rassurant de constater qu'un personnage haut placé de la hiérarchie d'une banque (sans expérience technologique directe, d'ailleurs) ne se laisse pas abuser par les apparences d'un fonctionnement sans incident. Il est rafraîchissant de voir le même partager son inquiétude avec les employés, qui sont concernés au premier chef, même s'ils ne le réalisent pas immédiatement. D'ici à quelques années, il restera à voir si, avec tant de transparence, Lloyds Bank réussit une transformation exemplaire

Lloyds Bank – By Your Side

lundi 27 décembre 2021

Swift veut sa place dans les actifs digitaux

Swift
En 2022, ce sera donc au tour de Swift, la coopérative en charge de la messagerie universelle de l'industrie bancaire, d'essayer de trouver une place dans l'univers des actifs « digitaux », dont le concept, né avec le bitcoin et son principe de monnaie libertaire décentralisée, se trouve décidément sur la voie d'une normalisation à grande échelle.

L'appétit croissant des établissements historiques pour cette classe émergente de supports ne peut surprendre. Bien qu'ils ne représentent aujourd'hui qu'une fraction infime de la capitalisation des cryptomonnaies, certains experts prédisent un brillant avenir aux actifs « tokenisés » – avec des estimations de volumes en circulation atteignant jusqu'à 24 000 milliards de dollars dans les 5 ans – prometteur de revenus considérables à tous les intermédiaires qui parviendront à s'immiscer dans la chaîne de valeur.

À côté des banques, qui commencent (timidement) à se positionner avec leurs métiers habituels, distribution, conservation, voire émission, Swift (comme Visa avec les échanges de devises) perçoit une opportunité dans l'interopérabilité entre les participants aux transactions. Dans cette optique, elle prépare une série d'expérimentations, pour les prochains mois, autour des processus de livraison contre règlement, via les modes de paiement traditionnels ou au moyen de monnaies digitales de banque centrale (MDBC).

Swift Strategy

Oubliez donc vos rêves de révolution : la finance de demain est bien partie pour devenir exactement la même que celle d'hier, avec ses médiateurs conventionnels et quelques nouveaux venus, tous grassement rémunérés, indispensables pour lisser les défauts que la technologie n'aura pas réussi à éliminer. Seule différence, les instruments échangés sont de moins en moins adossés à des actifs réels, et de plus en plus à des chimères virtuelles. Mais quelle importance quand il s'agit de gagner de l'argent ?

Derrière cette emprise grandissante des institutionnels, il faut aussi reconnaître l'échec patent du modèle numérique sous-jacent. Son seul véritable intérêt consistait à fluidifier les interactions entre intervenants, en exploitant des mécanismes de communication directs, sécurisés, en temps réel… De ce point de vue, la réalité est extrêmement décevante, avec ses développements anarchiques et incohérents, introduisant toujours plus d'opacité et engendrant plus que jamais des besoins d'intermédiation complexe.

dimanche 26 décembre 2021

Les enceintes connectées ont-elles un avenir ?

Amazon
Lors du lancement par Amazon de ses premières enceintes connectées, en 2014, beaucoup d'observateurs y voyaient une nouvelle génération d'interfaces intelligentes destinées à un brillant avenir, et tous les géants technologiques (Google, Apple…) lui ont rapidement emboîté le pas. Sept ans plus tard, la révolution promise semble s'essouffler.

Pour le numéro 1 du e-commerce, qui n'est jamais parvenu à développer une gamme convaincante de smartphones ou de tablettes, ces appareils équipés de son assistant vocal Alexa constituent le meilleur moyen d'imposer sa présence physique dans les foyers du monde entier, au service, bien entendu, de son activité de distribution en ligne. À tel point que le département correspondant dans l'entreprise emploierait plus de 10 000 personnes et engloutirait (en 2021) un budget de 4,2 milliards de dollars.

Certes, les statistiques de vente sont flatteuses. Selon des évaluations internes, un quart des ménages américains possèderaient au moins un dispositif de la marque et la croissance est, jusqu'à maintenant, ininterrompue. Cependant, une analyse détaillée, et quelques documents confidentiels que Bloomberg s'est procurés, laissent entrevoir quelques failles dans cette présentation optimiste, à commencer par un tassement prévisible de la progression au cours des prochaines années. Il est vrai que l'ajout régulier de nouvelles capacités techniques constitue un facteur de renouvellement artificiel.

En revanche, du côté des usages, le tableau est réellement sombre. Au fil des époques, entre 15 et 25% des nouveaux acquéreurs abandonnent leur gadget avant la deuxième semaine. Puis, parmi ceux qui ne le rangent pas au placard, il s'avère qu'une majorité ne dépasse jamais le stade des fonctions basiques, découvertes dans les premières heures de mise en route, telles que le lancement d'un morceau de musique, la consultation de la météo, l'allumage et l'extinction de l'éclairage, la configuration d'un minuteur…

Amazon Echo Show 15

Un frein majeur à une adoption massive est directement liée aux inquiétudes quant aux intrusions dans la vie privée, particulièrement sensibles avec un outil naturellement indiscret, conçu pour écouter en permanence les conversations et les bruits ambiants. Surtout, plus généralement, les consommateurs n'estiment pas que leur Echo soit d'une utilité extraordinaire. Et les tentatives d'Amazon d'inciter à explorer des possibilités supplémentaires, par l'intermédiaire de messages non sollicités, sont potentiellement aussi irritantes que des publicités et ne sont donc guère productives.

Le problème de fond ne paraît pourtant pas si difficile à identifier. Tout comme on le constate sur mobile, les utilisateurs concentrent très rapidement leurs habitudes sur une poignée de titres, dont ils sont familiers du fonctionnement et qui représentent l'essentiel de leurs interactions. Mais, contrairement à un écran de téléphone, où des icônes, voire des notifications plus ou moins envahissantes viennent rappeler régulièrement l'existence d'autres options, les « skills » disponibles sur une enceinte restent invisibles.

En conclusion, la leçon à retenir pour les acteurs – institutions financières (encore timides sur le sujet) ou autres – qui souhaitent profiter des opportunités de cette technologie devront d'abord s'interroger sur la manière dont ils peuvent maintenir la conscience de leur présence de proximité. Il pourrait s'agir d'offrir un service d'accès fréquent (idéalement, plusieurs fois par jour) ou, dans une vision relevant aujourd'hui de la science-fiction, d'instaurer une confiance suffisante pour autoriser l'enceinte à prendre l'initiative d'engager le dialogue, par exemple afin d'émettre des conseils…

samedi 25 décembre 2021

Du conseiller bancaire au coach financier

ABN AMRO
Partout dans le monde, à une échelle variable, les banques ferment leurs agences, laissant planer une menace sur l'accès aux conseillers qui y œuvrent au quotidien. Aux Pays-Bas, où le phénomène prend une ampleur considérable, ABN AMRO reconnaît tout de même le besoin d'accompagnement humain persistant d'une partie de sa clientèle.

Pour une majorité de consommateurs, les applications web et mobiles suffisent largement à satisfaire leurs exigences en matière de services financiers, ce qui a automatiquement conduit, au fil des années, à une baisse conséquente de la fréquentation des implantations physiques, jusqu'à mettre en question leur existence même, notamment dans les régions les plus avancées sur cette tendance. Il subsiste cependant toujours une fraction de la population qui rencontre des difficultés à suivre cette évolution.

Apparemment, ABN AMRO considère que la situation a désormais atteint un point de bascule, dans lequel le nombre de clients demandeurs d'une relation face à face ne permet définitivement plus de justifier une présence permanente locale, le meilleur moyen de répondre à leurs attentes spécifiques consistant à mettre en place une équipe de coachs dédiés, disponibles à distance ou prêts à se déplacer à domicile. Ses effectifs viennent ainsi de doubler, passant de 30 à plus de 60 personnes formées et certifiées.

ABN AMRO – Financial Coaches

Le rôle de ces experts, dont l'intervention est gratuite, va de l'assistance à l'utilisation des outils accessibles en libre service (par exemple les rendez-vous en visioconférence) jusqu'aux opérations (relativement) exceptionnelles (l'ajout d'une procuration, la souscription d'un contrat d'assurance…), en passant par les transactions du quotidien (l'exécution d'un virement, la demande d'une carte de débit…). Cible (généralement) fragile oblige, un accent particulier est en outre mis sur la protection contre la fraude.

L'objectif visé par ABN AMRO à travers cette initiative est clairement d'imposer la banque en ligne comme seul et unique modèle de relation, sans possibilité de retour en arrière. Mais, afin de ne pas laisser les exclus numériques – seniors en tête – sur le bord du chemin, elle propose à ceux-ci de se faire aider dans leur navigation sur ses plates-formes, dans des conditions de confort incomparables. Naturellement, ces interactions de proximité seront aussi propices à des démarches de conseil personnalisées.

Si le coaching déployé par l'institution néerlandaise s'adresse prioritairement à des individus plutôt vulnérables, rien n'interdit d'imaginer son extension – explicite ou non – à l'ensemble de la clientèle. Certes, il ne s'agirait pas dans ce cas de prêter main-forte sur des gestes simples mais de concentrer les efforts sur les moments de vie importants, dans lesquels un véritable accompagnement, par un professionnel, représente encore un facteur de réassurance important, qu'on ne peut laisser disparaître avec les agences.

vendredi 24 décembre 2021

BBVA débarque sur TikTok

BBVA
À chaque fois qu'un nouveau réseau social commence à prendre de l'ampleur, les institutions financières s'interrogent sur les opportunités qu'il leur offre et, plus ou moins rapidement, les plus téméraires cherchent à s'y installer. Cinq ans après sa naissance, TikTok reste un terrain vierge que BBVA est une des premières à tenter de conquérir.

Après Facebook, Twitter, Snapchat, Instagram… il s'agit donc de la toute dernière plate-forme à la mode, dédiée au partage de vidéos courtes. Elle compterait désormais plus d'un milliard d'utilisateurs actifs, dont, comme toujours, une forte proportion initiale de jeunes, progressivement rejoints par les générations plus âgées. Outre l'intérêt générique de cette démographie, la passion, l'authenticité et l'engagement dont font preuve en moyenne ses utilisateurs la rend particulièrement attractive pour les entreprises.

Naturellement, cette caractéristique représente également un défi, qui explique probablement la timidité (relative) du secteur financier : comment développer un positionnement cohérent avec ces principes, susceptible de capter l'attention des habitués ? En parfait alignement avec les codes du réseau social, BBVA a choisi un de ses formats parmi les plus prisés, le tutoriel, et le décline sur une des thématiques les plus populaires, le développement durable. Puis saupoudre le résultat d'un zeste d'originalité.

BBVA en TikTok

Afin d'appuyer ses propres efforts environnementaux, le canal TikTok de l'établissement, qui enregistre déjà (à l'heure où j'écris ces lignes) plus de 600 abonnés, présente ainsi une poignée de films expliquant en moins de trois minutes, en musique (et en langue espagnole, bien entendu), comment assembler une sorte de sapin de Noël écologique, comment optimiser son environnement de télétravail d'un point de vue énergétique, comment limiter l'impact des courses effectuées pour les fêtes de fin d'année…

La cerise sur le gâteau, destinée à illustrer la sincérité de la démarche, consiste pour BBVA à garantir que l'ensemble de la production de ses contenus sera elle-même inscrite dans le respect strict de quelques exigences de durabilité : utilisation des smartphones des personnes impliquées, à l'exclusion de tout équipement professionnel, recours à la lumière naturelle ou préexistante, choix de matériaux recyclable pour tous les accessoires… et publication systématique d'un « making of » à titre de confirmation.

L'initiative est plutôt audacieuse, car la banque prend le risque de se faire rapidement taxer de « greenwashing » et voir sa présence et ses messages mis sur la sellette. D'un autre côté, si elle est bien orchestrée – et les premières réalisations, raisonnablement ludiques et divertissantes, qui paraissent bien acceptées par leur public, incitent à l'optimisme –, elle peut donner un coup d'accélérateur à l'image « verte » de BBVA.

jeudi 23 décembre 2021

Dérives dans la lutte contre la fraude

Forbes
La tendance monte aux États-Unis, nul doute qu'elle touchera bientôt le reste du monde, même si les conditions sont différentes : face à une fraude devenant incontrôlable, de plus en plus de fournisseurs de services financiers bannissent les transferts en provenance d'un certain nombre d'établissements considérés comme dangereux.

Le cas est extrêmement intéressant à analyser car il expose au grand jour les graves problèmes qui surgissent lorsque s'entrechoquent l'innovation et les processus historiques. En l'occurrence, nous avons donc d'un côté (essentiellement) des nouveaux entrants, dont la préoccupation principale est d'offrir à leurs utilisateurs un parcours rapide et sans frictions, et, de l'autre, un système de virements interbancaire antédiluvien, avec lequel chaque opération n'est débouclée qu'après plusieurs jours, en totale opacité.

Au milieu, quelques individus malveillants ont facilement identifié la faille, qui consiste à envoyer des fonds inexistants vers une plate-forme en ligne et de les retirer ou même, simplement, les exploiter (par exemple les investir) avant que le rejet pour insuffisance de provision n'ait été notifié. Naturellement, la raison voudrait que l'entreprise destinatrice impose un délai afin de s'assurer de la validité définitive des opérations mais, dans ce cas, c'est une part importante de sa valeur ajoutée (de réactivité) qui s'évapore…

En conséquence, des acteurs tels que le robot-conseiller Betterment, la néo-banque One ou, dernièrement (selon Forbes), le spécialiste du trading Robinhood adoptent des mesures radicales, en refusant platement toute alimentation de leurs comptes depuis les enseignes dans lesquels les taux d'anomalie observés sont jugés insupportables. Seraient ainsi visés une série de trublions de la FinTech (Lending Club, Square, PayPal, Green Dot…), mais également une poignée d'institutions traditionnelles (dont PNC Bank).

Fraude

Première source de conflit derrière ces actions, la stigmatisation des startups, qui peut induire (ou prolonger) un phénomène d'exclusion pour des consommateurs se trouvant à l'écart des circuits financiers classiques. Pour les plus conservateurs, qui estiment que la lutte contre la fraude n'est pas au niveau dans ces structures à la croissance effrénée, il ne s'agit que d'un juste retour de bâton. D'autres font tout de même remarquer que les taux d'incident sont automatiquement plus élevés quand la proportion de nouveaux clients (donc peu connus) est 10 ou 100 fois supérieure à celle des banques historiques.

Vient ensuite la question de la portée des sanctions prises, qui laisse entrevoir un choix de facilité de la part des plates-formes réceptrices. Plutôt que de mettre en place des mécanismes pointus de détection des indésirables, elles semblent compter sur leurs teneurs de compte pour effectuer le filtrage, quitte à ne pas traiter avec ceux qui ont des faiblesses en la matière, quelles qu'en soient les raisons. Il existe probablement là un réel déséquilibre dans la gestion des risques et la lutte contre la fraude.

Enfin, bien sûr, reste le cœur du sujet, à savoir l'incompatibilité patente des vieux modèles asynchrones de la banque d'antan avec les exigences modernes d'instantanéité et de temps réel. Ou, pour l'énoncer encore plus crûment, l'impossibilité d'asseoir les services « digitaux » du XXIème siècle sur les infrastructures d'une autre époque. L'exemple des transferts américains (en 5 jours) est particulièrement criant mais d'autres domaines sont concernés et soulèvent des interrogations avec la même acuité.

mercredi 22 décembre 2021

L'agence du futur fait fausse route

CaixaBank
Depuis plus d'une décennie, les grandes banques historiques du monde entier conçoivent et implémentent des « agences du futur » censées répondre aux évolutions des besoins de leurs clients. Alors que CaixaBank poursuit la modernisation de son réseau (aux Baléares, dernièrement), la stratégie soulève quelques questions essentielles.

Au-delà de mes réserves générales quant à l'avenir du point de vente bancaire physique, un simple constat me pousse à cette mise en cause : au fil des ans, les principes directeurs de ces vastes programmes de réaménagement n'ont quasiment pas changé, en dépit d'une transformation profonde des comportements et des attentes des utilisateurs (particuliers et professionnels) et d'une certaine discrétion sur les résultats obtenus avec les initiatives précédentes, qui laisse augurer de bilans au mieux mitigés.

En l'occurrence, la vision partagée par CaixaBank repose sur trois piliers relativement classiques : proximité, technologie et, seule concession (un peu superficielle) à l'air du temps, responsabilité environnementale. En arrière-plan, les objectifs visés ne surprendront pas plus, puisqu'il est question d'améliorer l'expérience du visiteur, de renforcer la relation humaine et d'offrir plus que des services financiers, par exemple à travers l'animation de conférences, de sessions de formation et autres événements.

Malheureusement, les moyens mis en œuvre ne paraissent pas parfaitement adaptés à l'ambition affichée. D'emblée, le gigantisme des lieux – 1 500 m2 consacrés à l'accueil de 23 000 détenteurs de comptes dans le cas d'Ibiza – anéantit toute notion d'intimité et entame de la sorte sensiblement les velléités de proximité. D'autre part, et surtout, le déballage d'écrans immersifs, de bornes sans contact (pour annoncer son arrivée), d'automates de dernière génération… contribue à créer un sentiment d'incohérence.

CaixaBank – Agence d'Ibiza

Il y a une dizaine d'années, il pouvait sembler normal pour une banque de faire montre de sa compétence en exposant son expertise technologique et ses clients étaient encore nombreux à se déplacer dans les officines afin de se familiariser avec les outils innovants mis à leur disposition. Aujourd'hui, ces préoccupations n'ont peut-être pas disparu mais elles se sont massivement déplacées, notamment vers les applications en ligne et mobiles, devenues les nouvelles vitrines de l'excellence informatique.

À contrario, les personnes qui se rendent dorénavant dans leur agence le font exclusivement pour une interaction humaine (d'autant plus dans le sillage de la crise sanitaire) et une bonne partie d'entre elles sont en outre réfractaires (par exclusion ou par conviction) aux gadgets électroniques omniprésents. Elles préféreraient certainement être accueillies par un individu en chair et en os plutôt que par une borne aux fonctions difficiles à appréhender et donnant fréquemment l'impression de perdre son temps.

En conclusion, il ne me reste qu'à souligner une difficulté supplémentaire dans l'élaboration de stratégies pertinentes pour les réseaux des établissements traditionnels : s'il est indispensable d'accorder les installations à la demande des clients, il ne faut pas perdre de vue que cette dernière évolue constamment. Mais est-il possible et raisonnable de suivre le rythme de ces tendances ? Une organisation suffisamment flexible des implantations est-elle envisageable ? Où est donc cette agence de 2022 ?

mardi 21 décembre 2021

Voici l'agence de recouvrement digitale

The Digital DRA
Les méthodes traditionnelles, parfois agressives, du recouvrement de dettes sont loin d'avoir disparu mais, heureusement, une nouvelle génération d'acteurs développe désormais des approches bienveillantes, qui prennent en compte la situation réelle des personnes concernées. The Digital DRA s'appuiera pour ce faire sur les API bancaires.

L'idée gagne progressivement du terrain selon laquelle la recherche forcenée d'une régularisation immédiate et complète du moindre défaut de paiement peut souvent s'avérer contre-productive tandis que, au contraire, la mise en place de solutions adaptées au contexte de chaque individu permet de démêler la plupart des conflits dans les meilleures conditions pour toutes les parties prenantes. Bien entendu, ce sont les outils numériques disponibles aujourd'hui qui rendent une telle option possible et viable.

Prenez l'exemple de The Digital DRA : il n'est plus question de recouvrement mais de résolution, non plus avec des débiteurs mais avec des clients. Sans stigmatisation, ces derniers sont invités à transmettre quelques informations donnant un aperçu des difficultés auxquelles ils sont confrontés, notamment dans le cas d'un accident de la vie, puis le portail mis à leur disposition leur propose diverses pistes concrètes de remise à flot, assorties de conseils pratiques et d'une plate-forme de pilotage budgétaire.

The Digital DRA – Join the Resolution

Grâce à une collaboration avec Yolt, qui sera opérationnelle à partir du début de 2022, la jeune pousse veut maintenant renforcer son efficacité et sa pertinence. En encourageant ses utilisateurs à connecter directement leurs comptes bancaires à ses services, via les interfaces de la filiale « open banking » d'ING, elle obtiendra l'assurance de collecter des données fiables, dégagées de tout risque de biais cognitifs ou de dissimulation, autorisant un accompagnement toujours plus performant. Et elle profitera par la même occasion d'un point d'entrée vers un moyen de paiement simple et économique.

Le principe d'ouverture promu par la réglementation européenne (et britannique, en l'occurrence) démontre ici, une fois encore, son extraordinaire potentiel, en particulier en faveur du bien-être financier. Au-delà de la seule rationalisation des parcours et des expériences, les opportunités d'enrichir la connaissance des clients (avec leur accord) et, par voie de conséquence, de mieux personnaliser les interactions, les produits, les offres… sont innombrables et une majorité d'entre elles restent inexplorées à ce jour.

lundi 20 décembre 2021

Qonto pense à l'épargne des entreprises

Qonto
Les néo-banques se voient souvent reprocher de ne pas offrir une palette complète de produits à leurs clients. Voilà pourquoi, après avoir introduit une première option de financement (avec October), Qonto se penche désormais sur l'épargne et crée [PDF] une gamme de comptes à terme en partenariat avec Cashbee et My Money Bank.

Rarement considéré comme une priorité, au point que les établissements traditionnels n'en font pas toujours la promotion, le placement des liquidités représente pourtant un besoin important pour une partie des petites entreprises, ne serait-ce que, par exemple, afin d'anticiper le renouvellement d'un équipement lourd lorsqu'il arrive en fin de vie. Or, jusqu'à maintenant, la seule réponse apportée aux professionnels par les nouveaux entrants de la FinTech consiste à laisser les fonds dormir sur le compte courant.

Mais Qonto a donc décidé de combler cette lacune et a choisi pour ce faire de déployer un outil particulièrement adapté aux conditions d'épargne les plus fréquentes dans les PME (dont le cas que je citais), à savoir le compte à terme, sur lequel les sommes déposées sont normalement bloquées pour une durée prédéterminée moyennant le versement d'un taux d'intérêt convenu à l'avance. Notons toutefois que, en l'occurrence, le concept supporte une certaine flexibilité, puisque les retraits prématurés sont autorisés.

Qonto - Compte à Terme

Naturellement, à l'ère « digitale », la souscription se déroule entièrement à distance et, en dépit du recours à une solution tierce, la procédure est simplifiée au maximum, évitant notamment de demander au client des informations ou des justificatifs qu'il aurait déjà transmis antérieurement. Dans la collaboration mise en place, c'est sur ce volet essentiel de définition du parcours utilisateur qu'intervient l'expertise de Cashbee, My Money Bank jouant pour sa part le rôle de fournisseur du produit bancaire sous-jacent.

Par ailleurs, toutes les opérations, depuis l'ouverture de compte jusqu'aux demandes de clôture exceptionnelle, en passant par le suivi au jour le jour, sont intégrées au cœur de l'application de la jeune pousse, en toute transparence et sans la moindre friction.

Les taux servis (aujourd'hui affichés à 0,45% au maximum), qui pâtissent probablement de la double intermédiation, ne transformeront pas l'existence des entreprises qui en bénéficieront. En revanche, l'ajout à son catalogue de cette capacité supplémentaire, en accroissant sa légitimité en tant que banque (qu'elle n'est pas !), renforce l'assise de Qonto auprès de sa cible, qui, après avoir conquis une génération de startups, glisse très rapidement vers des PME « traditionnelles » attachées à ce genre de « détails ».

dimanche 19 décembre 2021

Le paiement différé croît, les risques aussi

OpenMoney
Enquête après enquête, les dérives et travers du paiement différé deviennent toujours plus préoccupants. À l'approche des fêtes de fin d'année, la dernière en date, produite par le spécialiste de l'accompagnement financier OpenMoney, donne un bon aperçu des principaux risques qui mériteraient d'être mieux surveillés et contrôlés.

Si les statistiques présentées concernent les consommateurs britanniques, il est fort probable que la tendance, internationale, affecte les autres marchés de manière similaire. Parmi les chiffres les plus marquants : 57% des adultes ont déjà utilisé une solution de BNPL, 22% prévoient d'y recourir pour leurs achats de Noël (contre une proportion identique puisant dans son épargne), pour, notamment, des appareils technologiques (micro-ordinateurs, smartphones…), des vêtements, des voyages, des meubles…

Sur le volet des inducteurs et des impacts psychologiques des offres, les résultats sont particulièrement éclairants : 43% des personnes interrogées se débattent avec leurs dettes, 89% se sentent encouragés à vivre au-dessus de leurs moyens, 41% choisissent le fractionnement parce qu'elles n'ont pas la somme nécessaire à un règlement comptant. Puis, après avoir plongé, 43% admettent se trouver en difficulté face à leurs échéances, causant directement anxiétés (41%), troubles du sommeil (37%) et dépressions (28%).

Pour ces derniers, la réponse aux impératifs de remboursement passe par la carte de crédit ou le prêt à la consommation. Les principales promesses du BNPL – coût réduit ou nul (généralement pris en charge par les commerçants) et absence de conséquences sur le score de crédit – deviennent alors caduques (sans aucune incidence pour les fournisseurs, qui s'en lavent les mains), ce qui entraîne presque automatiquement une entrée dans la spirale du surendettement pour une forte proportion d'utilisateurs.

OpenMoney – BNPL Problem

Au vu de la taille du marché, des investissements colossaux qui s'y engouffrent, de la concurrence féroce qui l'agite (conduisant dernièrement Klarna à s'infiltrer dans les navigateurs web), il faut désormais se rendre à la triste évidence : la plupart de ses acteurs ne feront rien qui pourrait nuire au développement de leur volume d'affaire. Il ne faut donc guère compter sur eux pour tenter d'accompagner les individus dans une réflexion rationnelle sur les dangers de l'accumulation de charges sur leur budget.

Certes, les régulateurs du monde entier commencent à s'emparer du sujet. La CFPB, organisme fédéral américain de protection financière des consommateurs, vient ainsi de lancer une investigation auprès des 5 plus grands pourvoyeurs de paiement différé aux États-Unis (Affirm, AfterPay, Klarna, PayPal et Zip), afin d'évaluer précisément leurs pratiques en matière d'augmentation de l'endettement, de conformité aux exigences d'information… et de collecte et d'exploitation de données personnelles.

Toutefois, une autre manière d'aborder la question consisterait pour les entreprises sensibles aux enjeux du bien-être financier – banque traditionnelle ou jeune pousse de la FinTech – à la transformer en opportunité. Pour ce faire, il « suffirait » en effet de prendre en compte cette nouvelle menace sur l'équilibre des comptes des citoyens, d'en identifier les signaux, entre autres à travers l'analyse des transactions, et de leur apporter une solution concrète, préventive dans la mesure du possible, palliative s'il est trop tard.

samedi 18 décembre 2021

NatWest développe son offre éducative

NatWest
Depuis longtemps, le groupe britannique NatWest propose des contenus éducatifs variés à l'attention de multiples catégories de population. Dans un effort de rationalisation de sa stratégie de responsabilité sociale, il rassemble désormais plus de 80 ressources, appelées à s'enrichir régulièrement, sous une ombrelle commune.

La crise sanitaire nous avait déjà procuré l'occasion de découvrir une série d'initiatives (des cours sur Facebook, un jeu vidéo) inscrite dans le cadre de son programme MoneySense, focalisé sur l'apprentissage des bases de l'argent et de la banque pour les enfants et les adolescents. L'institution partage également des cursus dédiés à l'employabilité des jeunes (CareerSense), à la création d'entreprise (Business Builder) et à l'encouragement des ambitions, en particulier chez les femmes (Dream Bigger).

En complément de ces dispositifs dispersés, NatWest introduit donc aujourd'hui, sous ses deux marques (la seconde étant Royal Bank, en Écosse), un espace en ligne – ouvert à tous (clients ou non) et entièrement gratuit – exclusivement consacré à la formation des personnes. À ce stade, il est structuré autour de quatre thématiques, considérées comme prioritaires dans le contexte actuel et auxquelles se raccrochent naturellement les services existants : la vie professionnelle, l'argent, l'entrepreneuriat et le climat.

Sans oublier totalement son cœur de métier, qui est abordé sur des sujets tels que les méthodes d'épargne, la préparation de la retraite, la vigilance face à la fraude…, la finance n'est clairement pas la seule préoccupation. Il est aussi question d'aide aux entretiens de recrutement, de gestion du réseau de relations, de recherche de financement et de clientèle pour une startup, de comprendre les défis environnementaux, d'appréhender quelques gestes écologiques, de profiter des énergies renouvelables…

NatWest – Learn the skills you need to thrive

Parce que nos contemporains ont une durée d'attention limitée et que les problématiques traitées ne figurent pas nécessairement parmi leurs priorités, NatWest prend soin d'adopter des formats extrêmement diversifiés. Ainsi, outre des vidéos de sensibilisation, articles de synthèse et autres recueils de recommandations, en général très courts (2 à 5 minutes), sont également disponibles de véritables cours permettant d'approfondir les connaissances sur des séances d'une demi-heure à une heure.

La banque ne produit (évidemment) pas l'ensemble de ces contenus. Elle collabore avec différents partenaires spécialisés, notamment Google (via son Digital Garage), Future Learn, OpenLearn et le Forum Économique Mondial. Or c'est bien cet assemblage de matériel pédagogique, soigneusement trié et sélectionné, qui fait la valeur de sa démarche et qui, tout en l'éloignant des enjeux financiers qui la concernent directement, maintiennent sa légitimité. Il restera toutefois à voir si les utilisateurs adhèrent.

vendredi 17 décembre 2021

BBVA progresse sur la banque enfouie

BBVA
À l'approche de la fin de l'année, avec ses traditionnels bilans et autres projections d'avenir, une interview du responsable des solutions client de BBVA nous fournit un prétexte pour faire un point sur les initiatives du groupe espagnol en matière de banque enfouie, 18 mois après les débuts de sa collaboration révolutionnaire avec Uber, au Mexique.

Un constat s'impose d'emblée : dans sa démarche de « digitalisation » tous azimuts, la stratégie d'intégration des services financiers au cœur des expériences des individus contribue désormais de manière significative (du moins à la hauteur de sa portée potentielle, notamment auprès des travailleurs indépendants) à la forte progression du nombre de clients enregistrée depuis maintenant plusieurs années (plus de 8 millions supplémentaires en 2021, pour une hausse cumulée de 35% en 5 ans).

Forte de ces résultats prometteurs, BBVA réaffirme sa volonté de prolonger le développement du modèle inauguré avec Uber, vers l'ensemble des pays où elle est présente et en capitalisant sur la popularité croissante, partout dans le monde, de l'économie de plate-forme, dans toutes sortes de domaines d'activité. Voilà justement l'occasion de revenir sur une deuxième implémentation, toujours au Mexique, qui démontre qu'il ne s'agit pas d'une simple opération de communication sans lendemain.

Présenté il y a un an, le partenariat mis en place avec Zolvers, une solution de maintenance et de ménage à domicile, reprend exactement les mêmes principes que le précédent. Ainsi, lors de leur inscription sur son site, les professionnels offrant leurs compétences (sous statut d'entrepreneur individuel) ont la possibilité d'ouvrir, en quelques minutes et entièrement en ligne, un compte bancaire gratuit en marque blanche, assorti d'une carte de paiement, sur lequel seront automatiquement versés leurs revenus.

BBVA México & Zolvers

Les objectifs poursuivis restent également les mêmes. L'enjeu prioritaire touche à l'inclusion financière des personnes concernées. En effet, 80% des quelques 25 000 inscrit(e)s de Zolvers (à la fin de 2020) ne possèdent pas de compte, ce qui, incidemment, complexifie la gestion des flux d'argent pour l'entreprise. En outre, au-delà des seuls dépôts et paiements, accompagnés d'un encouragement à l'épargne, des facilités complémentaires sont progressivement déployées afin de renforcer cet aspect du dispositif. Une option de micro-crédit est, par exemple, déjà incluse.

Les volumes d'acquisition à travers ces nouveaux canaux sont certes encore modestes, mais BBVA a engagé d'importants efforts dans le but de rendre ses capacités sous-jacentes de banque ouverte évolutives à une échelle industrielle (« scalable »). Et si elle est, peut-être, en avance sur son époque, elle est prête à équiper les innombrables plates-formes collaboratives de la planète, avec leurs utilisateurs souvent mal servis, dès qu'elles identifieront les opportunités extraordinaires qui leur tendent les bras.

jeudi 16 décembre 2021

Les calculateurs de CO2 envahissent la banque

Visa
Après une première vague de néo-banques cherchant à attirer l'attention des consommateurs sur les enjeux environnementaux, les institutions financières historiques – Mastercard, Visa, TSB, pour ne citer que celles-là – s'emparent progressivement de l'idée d'intégrer un calculateur d'émission de gaz à effet de serre dans les applications bancaires.

Partant de l'axiome (incontestable) qui veut qu'on ne peut agir que sur ce qu'on mesure, toutes ces initiatives sont essentiellement basées sur des outils d'analyse capables d'estimer, pour chaque transaction enregistrée sur un compte, l'équivalent de CO2 libéré dans l'atmosphère. Ainsi averti, le citoyen est alors censé prendre conscience des conséquences de ses comportements de dépenses et infléchir ses habitudes pour les réduire, et contribuer de la sorte à la lutte contre le réchauffement climatique.

Malheureusement, dans la réalité, ce principe théorique ne fonctionne pas, comme l'a largement démontrée sa tentative d'application à la gestion de finances personnelles : le seul affichage de la situation et des événements passés ne suffit pas à induire un changement viable, même lorsqu'il s'accompagne de commentaires et d'explications sur les erreurs commises. Ce n'est qu'en ajoutant des recommandations pratiques, faciles à suivre, appuyées par des modèles prédictifs, qu'on peut espérer influencer les attitudes.

Cependant, dans le contexte de la mesure d'impact, une difficulté supplémentaire surgit : l'absence de référentiel (relativement) objectif. Autant il est possible de définir une sorte de norme universellement acceptée pour une bonne gestion de l'argent (équilibre du budget, épargne minimale, attention à l'endettement…), autant l'individu moyen n'a pas la moindre notion de ce que devrait être son empreinte carbone « idéale » et aura alors naturellement tendance à rejeter des injonctions qui lui paraissent arbitraires.

Ecolytiq – Every transaction as an impact

En résumé, les évaluations d'émission présentées par les différents calculateurs disponibles sur le marché, quelle que soit leur précision, sont totalement abstraites pour l'immense majorité de la population, tout comme les effets véritables des gestes qui pourraient leur être suggérés en la matière. La première amélioration à introduire pour leur redonner un peu de sens et d'utilité devra donc consister en une approche pédagogique, donnant à comprendre à quoi correspondent les chiffres affichés et, surtout, comment ils s'articulent avec le problème global, ce qui est autrement complexe.

Peut-être faudrait-il, par exemple, fixer une cible théorique, alignée avec les objectifs gouvernementaux, de manière à ancrer les achats du quotidien vis-à-vis des grandes annonces qui font l'actualité ? Encore s'agirait-il d'éviter une perspective anxiogène, qui risquerait de tuer les bonnes volontés… Dans ce dernier registre, il serait d'ailleurs utile d'éviter de faire porter toute la responsabilité sur le consommateur, alors que les banques ont aussi un rôle majeur à jouer. Pourquoi, entre autres, leurs outils ne prennent-ils en compte que les transactions et non les impacts des produits d'épargne ?

Comme avec le PFM, les démarches initiées par les institutions financières afin d'aider les consommateurs à assumer leur part dans le défi environnemental auquel nous sommes tous confrontés constituent un pas dans la bonne direction. Toutefois, s'ils ne sont pas suivis d'efforts additionnels, susceptibles de stimuler un engagement concret, ils resteront lettre morte. Leurs prochaines évolutions permettront de distinguer les enseignes n'ayant qu'une conception superficielle du sujet de celles qui l'abordent sérieusement.

mercredi 15 décembre 2021

Requiem pour la ludification

LemonadeLXP
Le spécialiste de l'éducation ludique à l'intention des institutions financières LemonadeLXP rappelle dans un court article pourquoi l'ajout de quelques gadgets au-dessus de modules de formation classiques ne suffit pas et comment, concrètement, l'introduction de mécanismes de jeu doit être abordée afin de renforcer l'engagement des utilisateurs.

Dans une large mesure, les constats dressés par la jeune pousse paraissent évidents et triviaux. Au vu des pratiques largement répandues dans les entreprises (de tous secteurs, soit dit en passant), il semble pourtant utile de les rappeler. En effet, comme il arrive fréquemment avec les innovations les plus prometteuses, quelques années (décennies ?) après l'émergence du concept de ludification, il n'en reste bien souvent que les accessoires techniques. Et les bénéfices espérés s'évanouissent.

En l'occurrence, est spécifiquement visée l'introduction de récompenses virtuelles au fil de l'avancée dans les programmes pédagogiques, qu'il s'agisse de « badges » reconnaissant l'atteinte d'un certain niveau, l'accumulation de points procurant un prestige symbolique à leur récipiendaire ou la constitution d'un classement des participants, pour les approches plus focalisées sur un esprit de compétition. Si vous en avez l'occasion, vérifiez le ressenti des utilisateurs : ils continuent à juger ces formations ennuyeuses.

Certes, un pic de séduction est généralement observé dans les premiers temps, tant qu'agissent la curiosité et la découverte. Mais, très rapidement, l'effet de nouveauté s'estompe pour la plupart des individus : à quoi bon accumuler des scores sans réelle importance et pourquoi s'escrimer à prendre la première place d'un palmarès un peu ridicule ? Une fois le superflu écarté, les fondations restent avec leurs mauvaises performances, dont une rétention extrêmement faible des connaissances transmises.

LemonadeLXP – Gamification vs Game-Based Learning

La réponse que dessine LemonadeLXP consiste à revenir aux principes d'origine, dans ce qu'elle nomme maintenant l'apprentissage basé sur le jeu. Laissant de côté les fonctions anecdotiques et superficielles, certes peu coûteuses à mettre en place mais stériles, l'objectif est d'introduire en priorité une démarche ludique au cœur du contenu proposé. Pour améliorer les résultats, la seule option viable consiste à changer radicalement les modèles pédagogiques et à les rendre intrinsèquement divertissants.

La ludification efficace, authentique, impose une réflexion et une transformation en profondeur sur les modules déployés. Les recommandations touchent ainsi à de multiples aspects : le découpage en petites doses facilement consommables par des personnes à l'attention sur-sollicitée (le micro-apprentissage), la mise en scène de la matière dans une structure de jeu, mais éventuellement aussi sous d'autres formats (s'ils ont du sens), la combinaison de dispositifs variés (du simulateur au jeu de rôle)…

En synthèse, les organisations qui croient pouvoir faire l'économie d'une remise en question de leurs habitudes d'enseignement en se contentant de retenir de la ludification quelques artefacts simples à répliquer et espèrent, de la sorte, stimuler l'éducation de leurs collaborateurs font résolument fausse route. Il faut développer beaucoup plus d'efforts afin qu'ils reviennent spontanément compléter leurs cursus, qu'ils achèvent les programmes en temps record, avec la certitude d'une assimilation quasiment parfaite.

mardi 14 décembre 2021

Quelles priorités pour le bien-être financier ?

Banque de France
Le bien-être financier est un sujet tellement vaste qu'il est parfois délicat d'identifier les priorités de mise en œuvre. Heureusement, une nouvelle enquête de la Banque de France sur la culture financière de nos concitoyens fournit un précieux aperçu de leurs principales lacunes et inspire, par rebond, des pistes de solutions susceptibles de les aider.

Le premier angle d'attaque à explorer concerne, sans surprise, les situations de fragilité. Bien que les indicateurs signalent une nette amélioration depuis la précédente édition de l'étude (en 2018), les difficultés restent le lot courant d'une partie significative de la population. Près de 4 personnes interrogées sur 10 affirment notamment avoir du mal à « joindre les deux bouts » et une proportion similaire a eu un compte à découvert au cours des 12 derniers mois, tandis que 18% considèrent avoir trop de dettes.

Or, quand on apprend en parallèle qu'une majorité des sondés déclarent surveiller attentivement l'état de leur porte-monnaie (71%), il devient évident que, pour bon nombre d'entre eux, de simples outils de suivi (de type PFM) ne suffiront pas à les sortir de l'ornière. L'établissement (ou la startup) qui envisage d'apporter une réponse à ce défi majeur aura donc plutôt intérêt à développer les moyens d'analyser les dérives en temps réel (autant que possible), puis d'influencer les comportements afin de les éliminer.

Le deuxième sujet à considérer, qui prend de plus en plus d'ampleur au fil des années, touche aux arnaques. Le niveau de préoccupation croît avec la quantité de victimes, parmi lesquelles on compte, par exemple, 9% d'individus ayant transmis accidentellement des informations sensibles à des interlocuteurs suspects et 6% ayant suivi des conseils d'investissement relevant de l'escroquerie. Ajoutons que ces taux explosent parmi les jeunes générations. De solides programmes de prévention seraient bienvenus.

Banque de France – Enquête Éducation Financière

Dernier domaine à explorer, les projets d'avenir et l'épargne recèlent également des opportunités. Là encore, examinons les statistiques : trois quarts des français ont mis de l'argent de côté au cours de l'année écoulée, la moitié se fixent des objectifs à moyen terme (achat immobilier pour les jeunes, constitution d'une réserve pour les autres) et les incertitudes sur la retraite prennent de l'ampleur, surtout chez les moins de 55 ans.

Or, hormis sur cette dernière thématique où les multiples initiatives actuelles sont, hélas, plus vraisemblablement dues à l'effet d'aubaine des produits fiscalement avantageux qu'à une obsession du client, il reste fort à faire en matière d'accompagnement, à commencer par des capacités pratiques et concrètes d'assistance, de proximité, très en amont, sur l'orientation de l'épargne vers les solutions adaptées aux projets les plus populaires.

La Banque de France exploite elle-même les conclusions de son enquête dans le but d'affiner la stratégie qu'elle décline sur sa mission d'éducation financière. Cependant, quels que soient ses efforts, une prise en charge par les banques commerciales des pistes d'amélioration imaginées, immergées dans le contexte de la gestion des comptes, sera toujours plus percutante. Et les dispositifs ainsi déployés pourront aussi intégrer quelques modules d'apprentissage permettant de résorber l'inculture persistante.

lundi 13 décembre 2021

28 banques s'engagent pour la santé financière

UNEP Finance Initiative
Parce que le développement durable n'englobe pas uniquement les enjeux climatiques et environnementaux, en particulier dans la définition qu'en donnent les Nations Unies, 28 banques de la planète se sont regroupées afin d'affirmer et de concrétiser ensemble leur volonté de promouvoir les valeurs essentielles d'inclusion et de santé financières.

Alors que le secteur financier concentre aujourd'hui ses efforts sur la lutte contre le réchauffement et la maîtrise de ses impacts, sujets éminemment médiatiques, il tend à oublier l'important rôle qu'il peut jouer, très directement, vis-à-vis d'autres objectifs parmi les 17 fixés dans le programme onusien adopté en 2015. Au menu, l'éradication de la pauvreté (1), évidemment, mais aussi l'égalité entre les sexes (5), la croissance économique et le travail décent (8) ou encore la réduction des inégalités (10).

En effet, les quelques 1,7 milliards de personnes qui ne possèdent pas de compte bancaire ou d'un équivalent sont de la sorte dépourvues de tout moyen sûr et efficace d'épargner et n'ont aucun accès à un crédit (raisonnable), même pour faire face à une urgence. Au-delà de l'exclusion du système financier en tant que telle, qui, incidemment, affecte en priorité les femmes et les minorités (souvent discriminées), les conséquences touchent tous les aspects de la vie quotidienne et aggravent les injustices.

Une petite fraction des 265 signataires des principes pour une banque responsable, comprenant des établissements aussi divers que le Mouvement Desjardins (Canada), BBVA (Espagne), ING (Pays-Bas), BNP Paribas, La Banque Postale et Crédit Mutuel (France), ont donc décidé de s'attaquer de front à ce problème spécifique de sous-équipement des individus, des ménages et des entreprises (des très petites aux PME). Leur engagement se présente comme une initiative accélératrice d'un nouveau genre.

UNEP Finance Initiative – Quote

Dans les faits, les participants promettent de travailler sur des produits et services, financiers ou non, créées en interne ou à travers des partenariats, facilitant l'accès universel à des fonctions essentielles. Il est question, par exemple, de comptes de dépôt abordables, de capacités de paiement performantes, d'offres de crédit adaptées…, mais également d'outils pédagogiques et de mécanismes d'assistance et d'accompagnement, notamment en matière de contrôle des risques de surendettement…

Seule ombre à ce tableau presque idyllique, le calendrier. Avec une première échéance dans 18 mois, pour la formalisation, par chaque institution impliquée, de ses cibles opérationnelles, suivie d'un rapport de progrès annuel, les espoirs de changer le monde restent fort lointains… Heureusement, des indicateurs communs seront également mis en place et les partages de bonnes pratiques seront encouragés de manière à stimuler leur optimisation collaborative et accélérer leur adoption à grande échelle.

dimanche 12 décembre 2021

Société Générale tourne le dos à l'innovation

Société Générale
En annonçant sa dernière réorganisation (dont la frénésie ne ralentit décidément jamais), Société Générale affiche son ambition de « mieux répondre aux enjeux du digital ». Pourtant, la nouvelle structure de direction donne furieusement l'impression de reléguer informatique, transformation et innovation au second plan des préoccupations…

En réalité, à l'opposé de la communication superficielle, le changement a pour principal objectif de remettre la priorité sur la maîtrise des risques et la conformité réglementaire. Pour cette raison, Frédéric Oudéa, le directeur général, assumera désormais la supervision directe de ces fonctions, précédemment prise en charge en délégation par Diony Lebot, en sus de l'inspection et l'audit, la finance, le secrétariat général, les ressources humaines et la communication. Et qu'abandonne-t-il, en contrepartie ?

Les « ressources » du Groupe. Chapeautant donc l'informatique, la transformation « digitale » et l'innovation, celles-ci seront désormais pilotées par une nouvelle directrice générale adjointe (un rang légèrement inférieur à celui de délégué), Gaëlle Olivier. Outre leur rétrogradation explicite au sein de la pyramide décisionnelle, leur inscription sous un titre complémentaire de responsable des opérations (COO) restaure pleinement leur positionnement en rôle de support, qu'on espérait définitivement oublié.

Autant l'impact d'un changement de gouvernance est-il généralement limité, autant les messages transmis à travers une telle action ont-ils une portée considérable. En l'occurrence, la banque signale à l'ensemble de ses collaborateurs (et au monde) que ses efforts de « digitalisation » ne sont plus prioritaires (sans avoir, heureusement, l'outrecuidance de prétendre qu'ils ont abouti). Non seulement ceux qui y consacrent leur quotidien seront-ils découragés mais, en outre, toutes les énergies vont s'en détourner.

SG - Organisation

Le revirement de Société Générale est incompréhensible, alors que la plupart de ses concurrentes commencent (enfin !) à admettre que leur avenir repose sur leurs capacités technologiques (ce qui a récemment conduit BNP Paribas à accueillir son DSI Groupe à son comité exécutif) et sur leur faculté à innover à une échelle industrielle. Ce sont là des enjeux stratégiques, encombrés des obstacles les plus nombreux et les plus difficiles à franchir, dont devrait impérativement s'emparer un directeur général.

Certes, les travaux de transformation ne s'interrompront pas et il est même possible que le flambeau soit en partie repris dans les différentes filiales et entités (par exemple avec le dangereux chantier de fusion des réseaux). Cependant, la dynamique transverse instaurée il y a une dizaine d'années, qui inspirait un mouvement de modernisation indispensable, assorti d'une volonté de cohérence globale et d'efficacité, subit aujourd'hui un sérieux coup d'arrêt, qui pourrait se révéler fatal pour l'avenir de l'institution.