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C'est pas mon idée !

jeudi 29 mai 2025

Griffin lance la banque « agentique »

Griffin
Alors que l'industrie dans son ensemble peine encore à appréhender et, surtout, mettre en œuvre le concept et la valeur de la « finance en services », la jeune pousse britannique spécialisée Griffin travaille d'ores et déjà à sa prochaine génération, qui consistera à mettre les fonctions bancaires à la disposition d'agents virtuels pilotés par l'IA.

L'« IA agentique ». C'est le sujet dont tout le monde parle mais qui n'est encore qu'à l'état de théorie ou, au mieux, de démonstrations sans réelles perspectives de déploiement à court, voire moyen, terme. Et comment pourrait-il en être autrement quand la majorité des institutions financières continuent à s'interroger sur l'intérêt d'exposer leurs services sous forme d'API (au-delà de leurs obligations réglementaires, en tous cas) et désespèrent d'exploiter le potentiel de l'intelligence artificielle générative, faute d'accès facile aux données dont elle aurait besoin pour l'exprimer ?

En revanche, pour un acteur tel que Griffin, dont l'essence de sa mission consiste justement à fournir des solutions bancaires à travers des interfaces aisées à intégrer dans toutes sortes d'applications (y compris extra-financières), la projection sur ces scénarios futurs dans lesquels des assistants logiciels sont capables de non seulement répondre aux questions de leurs utilisateurs mais également de réaliser des opérations pour leur compte constitue une évidence… et une évolution techniquement triviale.

En effet, ce que dévoile aujourd'hui la FinTech est « simplement » un serveur MCP enveloppant son offre existante. Concrètement, il s'agit de publier les différentes capacités de son moteur bancaire (par exemple l'ouverture d'un compte, l'exécution d'un paiement, l'analyse des transactions…) sous un format standardisé : le « Model Context Protocol » développé et partagé librement par Anthropic à l'automne dernier, qui devient la référence implicite en la matière au sein de l'écosystème mondial de l'IA.

Griffin – The Agentic Bank

Grâce à ces mécanismes, les plates-formes d'IA compatibles sont en mesure de se connecter aux comptes d'un individu ou d'une entreprise, laissant l'imagination suggérer la création d'un conseiller en patrimoine assumant de manière autonome le pilotage d'un portefeuille d'investissement, d'un concierge prenant en charge les tâches administratives de règlement des factures… ou bien d'un robot programmable gérant l'argent de son « maître » selon les préférences et les habitudes de ce dernier.

En pratique, la solution n'est cependant pas en production, à ce jour. Griffin invite pour l'instant ses clients à expérimenter ce qu'elle qualifie de version beta, dans un environnement de test, et indique qu'elle considèrera un déploiement en conditions réelles sur demande. En résumé, la technologie est disponible, mais elle est toujours en attente de partenaires audacieux susceptibles de prendre le risque de déployer, a minima, un cas d'usage auprès de leurs utilisateurs. En tous cas, la startup se tient prête à la déferlante promise par les analystes, au contraire des banques traditionnelles.

mercredi 28 mai 2025

Les Émirats créent une licence de finfluenceur

SCA
En réaction aux inquiétudes croissantes que suscitent les excès et dérives des « finfluenceurs » ou influenceurs de la finance, et dans ce que je crois être une première mondiale, l'autorité des marchés des Émirats Arabes Unis instaure un mécanisme de licence dédié afin de renforcer la protection des investisseurs dans l'univers « digital ».

L'initiative s'inscrit dans une démarche plus globale qui vise à adapter les approches réglementaires traditionnelles aux comportements contemporains. Parmi ceux-ci, la progression fulgurante du recours aux réseaux sociaux pour être guidé, surtout chez les jeunes, représente un marqueur fort de notre époque. Il semble logique que les garde-fous mis en place pour les métiers historiques du conseil financier prennent en compte ce phénomène… dont Dubaï est rapidement devenue une source majeure.

Le texte adopté a toutefois une portée particulièrement large, puisqu'il concerne tout individu qui offre, depuis le territoire des EAU, des recommandations d'investissement ou, plus généralement, d'ordre financier (tout ce qui a trait à des services et actifs de toutes sortes) à travers des médias électroniques ou classiques (comprenant donc, outre les plates-formes sociales, la publication d'articles, le partage d'opinions et d'analyses, la participation à des événements ou à des forums, les apparitions publiques…).

L'institution se félicite de sa réactivité face aux changements du paysage de l'investissement et de son positionnement comme terre d'accueil des nouveaux acteurs de la finance, qu'elle matérialise par la gratuité des procédures d'enregistrement (pendant trois ans). Son ambition est bien sûr, comme dans d'autres domaines, de prendre une place de premier plan au niveau régional, voire global, en maintenant l'équilibre entre un cadre légal accommodant et la protection du consommateur.

Une telle perspective devrait logiquement attirer l'attention de tous les régulateurs de la planète, confrontés aux mêmes risques, que, à ce jour, ils ne traitent, au mieux, que par l'intermédiaire de codes de conduite volontaires ou autres dispositifs équivalents. Pourtant l'exemple émirien expose au grand jour la difficulté à aller plus loin : entre le périmètre considéré, qui est tellement vague qu'il pourrait s'étendre bien au-delà de la cible (potentiellement) problématique, et l'absence de détails sur les exigences imposées aux intéressés, qui laisse entrevoir une autre zone de flou, la rapidité de déploiement a peut-être sacrifié l'efficacité et la viabilité de la réglementation proposée.

Siège SCA

lundi 26 mai 2025

Google ouvre un canal prioritaire contre la fraude

Google
Bien que, par rapport aux autres géants du web (Meta en tête), Google semble plutôt vertueux en matière de lutte contre la fraude financière, ses équipes renforcent encore leurs efforts, en mettant désormais en place un canal de signalement prioritaire pour les membres de FS-ISAC, l'association sectorielle pour la cybersécurité et la résilience.

L'initiative s'inscrit dans un dispositif plus global instauré par Google – le « Priority Flagger Program » – destiné à optimiser ses procédures d'identification, de dénonciation et de résolution des menaces affectant ses plates-formes, dont, plus spécifiquement, ses outils de bureautique (« Workspace ») et ses programmes publicitaires, qui constituent les cibles les plus fréquentes de malveillance au sein de son écosystème.

Pour sa branche dédiée au secteur financier, FS-ISAC se chargera de déployer et opérer un espace permettant à ses adhérents de transmettre les informations sur les fraudes et autres activités suspectes dont ils ont connaissance, de manière à engager une réponse appropriée aussi rapidement que possible, avant que les dégâts causés ne prennent de l'ampleur, pour une meilleure protection des institutions et de leurs clients.

Le service a d'abord été expérimenté dans le cadre d'un pilote, auquel participait un petit groupe d'établissements. Selon la communication officielle, durant les 10 premiers jours du test, 21 comptes ont été signalés par son intermédiaire, à partir desquels Google a pu repérer et désactiver presque 300 comptes aux comportements abusifs. Ces résultats concluants ont bien sûr contribué à la décision de le généraliser.

FS-ISAC + Google

Il ne faut évidemment pas être dupe de la manœuvre du leader de la recherche en ligne, qui est tout à fait conscient de son intérêt à coopérer avec l'industrie pour éviter de se retrouver en position d'être tenu responsable des dommages encourus par ses utilisateurs victimes de fraude émanant de ses applications, comme le réclament avec véhémence les plus grandes enseignes face aux réseaux sociaux. En faisant peser une partie de la charge (déclarative) sur les demandeurs, il espère s'en tirer à bon compte.

Toujours est-il que la méthode retenue démontre toute sa pertinence, entre le bénéfice du partage fluide d'informations entre différents acteurs de la chaîne de valeur et l'impact concret d'une réactivité maximale sur le fléau de la fraude. Car, aujourd'hui, une des principales faiblesses de la bataille menée contre la cybercriminalité réside justement dans la capacité de ses auteurs à opérer sur des périodes longues sans être inquiétés.

dimanche 25 mai 2025

Quand la banque ne connaît plus ses clients

Lloyds Bank
À la recherche de différenciation concurrentielle, la britannique Lloyds Bank lance une nouvelle offre réservée à ses clients relativement aisés – au moins 100 000 livres de revenus annuels ou de patrimoine. Or les avantages inclus montrent un manque cruel d'imagination assorti de ce qui ressemble à de l'indifférence aux attentes de sa cible.

Pour un coût de 15 livres par mois, remboursés tant que les critères d'éligibilité sont respectés, le souscripteur du compte « Lloyds premier » se voit octroyer une belle liste de promotions, représentant potentiellement plus de 100 livres d'économies mensuelles : un programme de « cashback » sur les transactions par carte, une réduction de taux sur les emprunts hypothécaires, des conditions privilégiées sur les cartes de crédit, l'investissement sans frais de gestion (pendant un an)…

D'emblée, rien ne ressort de cet inventaire qui paraisse concerner spécifiquement les personnes disposant de revenus confortables. Une autre composante, plus originale et mise en avant par la communication, prend la forme d'une souscription à un service de santé et de bien-être, donnant accès à des consultations de généraliste ainsi qu'à quelques traitements péri-médicaux. N'est-ce pas redondant ? Les individus considérés ne sont-ils pas, selon toute probabilité, déjà couverts par une assurance dédiée ?

Il reste donc encore deux fonctions, apparaissant en dernière position (ce qui n'est guère rassurant quant à leur valeur réelle), qui semblent plus précisément conçues pour l'audience visée : l'accès à des rendez-vous avec des coachs financiers, afin d'aider les clients à prendre de meilleures décisions (sic !) et un espace privé dans l'application mobile de la banque offrant quelques outils de calcul et de suivi du patrimoine, pour une vision holistique de la situation de l'intéressé (sans plus d'information).

Lloyds Premier

Voilà une proposition consternante. Les logiciels de gestion de finances personnelles n'ont aucune raison de s'adresser uniquement aux plus aisés… et (heureusement !) il existe sur le marché de nombreuses solutions gratuites remplissant ce rôle. Quant à la première option, elle illustre une tendance inquiétante, qui voit les banques estimer que le conseil et l'accompagnement de leurs clients sont l'apanage d'une élite… alors qu'ils devraient être la base de leur métier. Ce raisonnement est suicidaire, en ce sens qu'il renvoie l'institution à ses seules activités transactionnelles, non distinctives.

En résumé, Lloyds Bank crée un nouveau produit (prétendument) pour une catégorie de clientèle, qu'elle veut, en réalité, capter et fidéliser pour d'évidentes raisons de profitabilité… mais elle ne sait pas vraiment comment les séduire… et je soupçonne qu'elle n'a même pas fait l'effort d'analyser ce que pourraient être leurs besoins. Alors elle intègre des promotions et des réductions, la solution de facilité qui opère toujours… jusqu'à ce qu'un concurrent arrive avec des primes plus alléchantes. Où diable a été pris en compte l'intérêt profond du consommateur dans cette initiative caricaturale ?

samedi 24 mai 2025

La résilience du monde digital en question

DNB
Dans le sillage des appels aux français à conserver en permanence un kit de survie et de la gigantesque panne électrique de la péninsule ibérique le mois dernier, les autorités néerlandaises invitent les citoyens à se tenir prêts à l'éventualité d'une perturbation des services de paiement pendant plusieurs jours, conseils pratiques à l'appui.

Bien que les systèmes électroniques et informatiques qui régissent les échanges financiers soient extrêmement fiables au quotidien, les tensions géopolitiques actuelles, la croissance sans fin des cyber-malveillances ou, plus sournoisement, la dépendance excessive de notre monde moderne à des technologies toujours plus complexes à maîtriser laissent entrevoir la possibilité de défaillances majeures dont la probabilité qu'elles surviennent impose désormais qu'elles soient anticipées.

Dans le registre des paiements, aux Pays-Bas, le forum composé de la banque centrale, des banques commerciales, des associations de consommateurs, du ministère des finances et de quelques autres institutions a donc établi et diffuse une série de recommandations destinées à permettre aux résidents de surmonter divers scénarios de crise, depuis un dysfonctionnement de réseau de télécommunication jusqu'à la perte d'alimentation électrique en passant par l'indisponibilité des fonctions bancaires.

Concrètement, les consommateurs sont encouragés à s'équiper systématiquement de plusieurs instruments de paiement, y compris une carte de débit (en plastique) en complément d'un porte-monnaie mobile, une application bancaire pour effectuer des virements et une somme en espèces pour les cas critiques – en suggérant un minimum de 70 euros par adulte et 30 euros par enfant, considéré suffisant pour subsister trois jours en termes de besoins essentiels (eau, nourriture, transport, médicaments).

De leur côté, les commerçants, en particulier dans les mêmes secteurs de première nécessité, sont également incités à prendre des mesures en faveur de la résilience. Outre leur capacité à accepter les règlements en espèces, pour lesquels il doivent alors prévoir des réserves de monnaie, il peut s'agir de s'équiper de connexions internet auprès de deux fournisseurs distincts ou de garder sous la main un QR code via lequel leurs clients pourront payer leurs achats depuis leur compte bancaire.

Nous sommes tellement habitués aujourd'hui à une disponibilité sans faille des infrastructures électroniques que la plupart d'entre nous, notamment parmi les plus jeunes qui n'ont jamais connu une autre réalité, seraient totalement désemparés si elles cessaient de fonctionner brutalement. Il semble donc crucial de rappeler quelques précautions minimales alors que l'hypothèse à laquelle personne ne se prépare prend de l'épaisseur chaque jour qui passe. Il serait d'ailleurs intéressant de savoir comment les victimes de l'incident ibérique d'avril 2025 ont vécu ce moment : j'espère que des chercheurs se penchent sur le sujet et partageront bientôt leurs observations.

Espèces en Euro

vendredi 23 mai 2025

Sumeria innove sur le suivi des dépenses

Sumeria
Si j'ai tendance à dévaloriser les fonctions de gestion de finances personnelles (PFM) qui se contentent de présenter les événements du passé, alors que j'encourage les acteurs concernés à passer à une approche de conseil proactif, la nouvelle approche de Sumeria sur le suivi des dépenses a le mérite de lui procurer un surcroît de valeur.

D'un côté, la situation des français est toujours aussi inquiétante. Par exemple, selon différentes enquêtes récentes, un sur cinq avoue se trouver à découvert (presque) chaque mois, en moyenne aux alentours du 16 et la proportion est encore plus élevée chez les jeunes. Or beaucoup sont très conscients de la problématique à laquelle ils sont confrontés puisqu'ils sont 60% à se déclarer intéressés par des dispositifs pédagogiques autour de l'argent et/ou des outils capables de les aider à gérer leur budget.

D'un autre côté, sur ce second registre, les solutions qui leur sont proposées – qu'elles soient intégrées (de plus en plus rarement) dans leur application bancaire ou qu'elles soient fournies par des spécialistes (dont les « ancêtres » Linxo et Bankin') – peinent pourtant à les séduire dans la durée, ce qui laisse penser qu'elles ne remplissent pas parfaitement leur mission ou qu'elles ne répondent pas précisément à leurs besoins.

J'impute généralement cette désaffection au modèle fréquemment retenu, qui consiste à éclairer l'historique d'opérations afin d'en faire ressortir, explicitement ou non, les excès susceptibles d'être corrigés à l'avenir : je considère que, sans accompagnement de proximité, cette seule approche ne suffit pas à transformer les comportements et que, au contraire, la restitution d'une dégradation stable est déprimante et finit par s'avérer contre-productive, conduisant à l'abandon de toute surveillance et de tout effort.

Sumeria – Calendrier PFM

Les équipes de Sumeria ont visiblement une autre hypothèse, qui vaut certainement d'être testée. En effet, un des obstacles à la bonne utilisation des services de PFM traditionnels tient à leur forme : entre listes de chiffres et représentations statistiques, les informations affichées ne sont pas intuitives et peuvent même être rébarbatives pour une bonne partie de la population (entre autres parmi les allergiques aux mathématiques).

La jeune pousse adopte donc un point de vue radicalement différent, exclusivement visuel et quasiment sans notion de quantification. D'abord, le support de l'interface est le calendrier, ce qui ancre immédiatement le sujet dans le quotidien de l'utilisateur. Là, ce dernier repère d'un coup d'œil les jours où il a été particulièrement dépensier, marqué par une couleur plus foncée, et, pour chaque jour, le logo de l'enseigne où il a enregistré la note la plus salée. Si nécessaire, des détails sont accessibles d'un geste.

Concrètement, il n'est plus question d'analyser les dépenses mais de susciter une réaction émotionnelle vis-à-vis des événements de la vie courante, l'idée sous-jacente étant de déclencher ainsi une prise de conscience des « accidents » qui perturbent la sérénité financière. Je reste persuadé que, au moment de transformer ces phases de compréhension en actes, une assistance complémentaire restera indispensable mais ce point de départ se révélera peut-être plus convaincant pour prendre des mesures.

jeudi 22 mai 2025

La plate-forme RH, arme secrète des startups ?

Revolut
Quand Revolut a commencé à commercialiser sa solution propriétaire de gestion des ressources humaines (sur un marché encombré), j'y voyais une simple excentricité. Or j'ai appris hier, à l'occasion d'une session de FinTech R:evolution 2025, que Checkout.com a aussi créé sa propre plate-forme. Serait-ce une tendance ? Est-elle justifiée ?

Historiquement, il s'agit probablement d'un des premiers domaines de l'entreprise dans lesquels l'externalisation informatique s'est imposée, sans être fondamentalement remise en cause pendant plusieurs décennies. Le raisonnement, apparemment logique, consiste à considérer que la gestion des effectifs est la même dans toutes les organisations et qu'un même logiciel est parfaitement à même de couvrir tous les besoins qu'elles ont en commun, en profitant ainsi d'économies d'échelle.

Mais pourquoi alors, deux FinTech (au moins) consacrent-elles une partie de leurs efforts à construire un système sur mesure ? Leurs fondateurs et directeurs généraux ont la même réponse, bien que formulée un peu différemment : pour Nik Storonsky, les produits du marché ne correspondent pas aux modes de fonctionnement de Revolut, tandis que, pour Guillaume Pousaz, l'objectif est d'aligner l'outil sur les valeurs de Checkout. Leur préoccupation est de prolonger le succès dans l'hyper-croissance.

Ces visions révèlent deux clés essentielles de la réussite, susceptibles d'inspirer toutes sortes de structure (d'une certaine taille). D'une part, les employés constituent le capital le plus précieux de l'entreprise, qui doit donc être appréhendé comme un actif stratégique (ce qui vaut d'être rappelé dans un moment où l'IA pourrait prendre leur place). D'autre part, la plate-forme RH peut devenir un facteur d'ancrage de la culture, critique partout mais encore plus dans une transition de 10 à 1 000 salariés.

Revolut People

Dans une large mesure, cette approche revient à renverser l'a priori classique qui définit la gestion du personnel comme une fonction de support, sans caractère distinctif, perçue exclusivement comme un centre de coût. Au contraire, si on considère que les individus qui viennent travailler chaque matin sont une composante majeure de la performance, ils doivent évidemment bénéficier d'un modèle de suivi qui reconnaît celle-ci et, à l'extrême, par ricochet, se transforme lui-même en avantage concurrentiel.

Selon toute vraisemblance, l'appétence technologique des jeunes pousses en question influence leur choix de méthode. Il n'en reste pas moins que le déploiement d'un outil qui, en quelque sorte, fixe – sans obligatoirement les figer – les principes et les règles peut contribuer à éviter les écarts ponctuels puis les dérives à long terme par rapport aux valeurs internes. En revanche, la démarche est plus facile à mettre en œuvre dans un contexte de croissance, où ces orientations se diffusent d'abord par immersion dans une petite équipe, que dans un grand groupe partant d'une situation hétérogène.

mercredi 21 mai 2025

BBVA réinvente son app mobile

BBVA
Avec un nom tel que « Futura », le projet ne laisse aucun doute sur ses intentions : BBVA remet entièrement à plat son application mobile pour une nouvelle ère de banque « digitale ». Plus de réactivité, plus de personnalisation, un (inévitable) soupçon d'intelligence artificielle, un coach financier… Tout y est… mais avec des priorités… discutables.

Parmi ces différents sujets, évacuons immédiatement ce qui concerne l’IA puisque, en dépit de sa place proéminente dans la communication, elle se trouve en réalité réduite à la portion congrue, entre son utilisation pour, d’une part, une organisation personnalisée automatiquement des rubriques en fonction des usages de chaque client – idée louable et que j’ai longtemps défendue… mais qui n’a jamais réussi à séduire les consommateurs – et, d’autre part, une fonction caricaturalement anecdotique de configuration de l’apparence des cartes virtuelles grâce à Apple Intelligence.

Concentrons-nous donc sur une autre dimension, plus intéressante et plus innovante : un compagnon financier, qui vient compléter l’assistant existant, Blue. Alors que ce dernier est désormais capable de répondre à toutes sortes de questions en langage naturel, le nouveau venu est plutôt conçu pour analyser et suivre les comportements financiers de l’utilisateur – sur ses rentrées d’argent et ses dépenses ainsi que sur son épargne et ses dettes – et d’en déduire un programme d’amélioration opérationnel.

Ce dernier reste malgré tout circonscrit à deux objectifs spécifiques (pour l’instant ?), habituels dans ce genre d’initiative : la maîtrise du budget et l’épargne. Le coach, dont le client est évidemment libre d’accepter ou non les recommandations, peut donc classiquement préconiser des actions concrètes afin de limiter certains postes de dépenses, identifiés comme dépassant des niveaux considérés « normaux », ou suggérer la mise en place d’une stratégie de constitution de réserve. Petit plus destinés à stimuler l’adoption, ces conseils sont assortis de quelques avantages attractifs.

BBVA Futura

Autre grand changement dans l’application rénovée, les paiements sont mis au premier plan, dès son ouverture. La raison invoquée est de fournir un accès le plus rapide possible aux fonctions les plus sollicitées : les échanges entre amis et autres règlements via la plate-forme interbancaire Bizum et le suivi des achats réalisés par carte. Ce choix apparemment imposé semble en contradiction avec la promesse de personnalisation de l’interface évoquée plus haut : celle-ci ne viendrait-elle qu’en second rang ?

Plus ennuyeux, cette priorité donnée aux capacités transactionnelles ressemble à une double régression dans les ambitions de la banque. Non seulement se fait-elle aux dépens de l’accompagnement dans la gestion de finances personnelles, qui mériterait au contraire d’être centrale, elle implique en outre un abandon des velléités historiques de capitaliser sur la récurrence des interactions « digitales » à fort potentiel de rebond commercial ou de conseil, la focalisation sur les opérations de paiement, rapides, constituant le meilleur moyen de sacrifier ce genre d'opportunités.

Je suis conscient de faire preuve d’une certaine incohérence dans ces derniers commentaires, par rapport à mon obsession permanente de prendre en compte les attentes des clients, qui, ici, seraient représentées par leurs actions les plus fréquentes. Mais il y a là un jeu de dupes, car l’accent mis sur Bizum est aussi une mesure défensive de l’établissement face aux porte-monnaie mobiles Google Pay ou Apple Pay. La concordance avec des besoins des utilisateurs relève surtout de la coïncidence.

Pour conclure, cette initiative de BBVA tend à définir un marqueur de la nouvelle ère ouverte depuis le départ de son emblématique président visionnaire, Francisco González Rodríguez, plus préoccupée d’efficacité opérationnelle que des clients.

mardi 20 mai 2025

La Banque Postale met les critères ESG en avant

La Banque Postale
Alors que les reculades sur l'environnement s'accumulent dans l'industrie financière mondiale, La Banque Postale fait un grand pas en avant [PDF] sur son offre afin de mieux éclairer les choix d'épargne de ses clients en matière – plus généralement – d'ESG (qui comprend donc aussi les enjeux sociaux et de gouvernance des entreprises).

Contrairement aux labels qui émaillent en général quelques produits au sein des catalogues habituels, la filiale de La Poste attribue désormais une note à l'ensemble des solutions d'épargne qu'elle commercialise auprès de ses clients, sans exception, quels qu'en soient le fournisseur et l'audience visée (grand public ou banque privée). Le classement s'étage sur 3 niveaux, le premier correspondant à un engagement minimal, répondant aux exigences propres à l'établissement et le dernier réservé aux supports contribuant activement à la protection de l'environnement, l'insertion sociale…

La nouveauté peut sembler anodine mais, en réalité, elle est susceptible d'exercer une influence majeure sur les pratiques de clients. Au lieu d'une marque distinctive qui n'intéresse a priori que les personnes préalablement convaincues et quelques curieux s'attardant sur un logo qui détonne parmi une multitude d'options, la présence d'un score de qualité ESG attire nécessairement l'attention de tous les souscripteurs et peut de la sorte sensibiliser en contexte ceux qu'on qualifie d'éco-responsables passifs.

La Banque Postale – Offre Segmentée ESG

Le principe s'inscrit en outre dans une tendance qui se développe dans de nombreux domaines, depuis le nutri-score sur les aliments jusqu'au diagnostic énergétique de l'immobilier en passant, entre autres, par l'indice de réparabilité des appareils électroniques : tous ces mécanismes rendent plus ou moins naturelle la vérification de certaines caractéristiques désirables sur les petites et grandes transactions de la vie courante et pèsent insensiblement sur les décisions des consommateurs.

Il reste à voir si la formalisation des trois grades retenus par La Banque Postale pousse le bouchon jusqu'à adopter les codes, notamment de couleur, qui aident justement à orienter inconsciemment vers les produits les plus vertueux. Au premier abord, on pourrait également s'interroger sur l'utilité du niveau intermédiaire, dédié aux critères traditionnels (couvrant les entreprises respectueuses de principes de RSE), mais je soupçonne qu'il est justifié par la rareté des solutions atteignant le score maximal.

En synthèse, l'initiative de La Banque Postale est exemplaire par sa mise en œuvre d'un outil destiné à inciter ses clients, de manière concrète et opérationnelle, à, a minima, se positionner par rapport aux enjeux de responsabilité sociétale et environnementale dans leur épargne et leurs investissements. Petit plus notable, elle profite de l'occasion pour établir une distinction bienvenue – parce que trop souvent négligée, voire totalement ignorée – entre acteurs passifs et proactifs dans ce registre.

lundi 19 mai 2025

Generali investit dans l'assurance ouverte

Generali
Concept popularisé depuis (au moins) une dizaine d'années, l'assurance ouverte n'a jamais réellement percé dans l'industrie avec ses seules promesses d'amélioration de l'expérience client. Elle revient aujourd'hui en force pour répondre à de nouveaux objectifs, plus à la mode. Illustration avec une initiative présentée par Generali.

Certes, la vision d'origine n'a pas totalement disparu des ambitions et la compagnie mentionne explicitement, parmi les trois piliers stratégiques de sa démarche, le déploiement d'une offre d'API destinée à ses partenaires, permettant à ces derniers d'intégrer facilement et rapidement dans leurs propres processus des solutions d'assurance, devenues, nous promet-on, plus simples à concevoir et à assembler, dans une perspective plus vaste de fusion au sein d'un écosystème « digital » étendu.

Fait particulièrement notable, le périmètre retenu semble d'emblée déborder largement ce cadre restreint puisque, outre les parcours de souscription et de gestion des sinistres, il embarque également les fonctions administratives (de « back-office »), le raisonnement consistant dans ce cas à garantir l'interopérabilité des différents composants – hétérogènes et fréquemment isolés – du système d'information.

Un autre aspect de l'approche mérite d'être souligné, tant il illustre – du moins s'il est effectivement mis en pratique – une progression sensible de la maturité vis-à-vis des API et de l'assurance ouverte : qualifié de « design first », il s'agit de définir des services alignés sur des capacités « métier » et non, comme je l'observe encore trop souvent (aussi dans l'univers bancaire), sur les spécificités historiques des logiciels existants.

Cependant, derrière la prise de conscience que reflètent ces réflexions, surgit rapidement la principale motivation de Generali, poussée par son partenaire technique, MuleSoft, qui en fait lui-même maintenant l'argument de vente numéro 1 de ses produits d'intégration : l'intelligence artificielle et, notamment, la capacité pour des agents IA de communiquer directement avec les applications en place afin de remplir son rôle.

Ballon Generali

La mise en œuvre du programme d'« APIsation » – qui n'est donc pas toute récente – afficherait d'ores et déjà d'excellents résultats, dont se félicite l'assureur. Il cite ainsi des gains de 27% sur les temps de développement et de 15% sur le « time-to-market » (c'est-à-dire les délais de passage en production). À travers ces chiffres, il faut comprendre que la disponibilité de fonctions prêtes à l'emploi sous forme d'API exacerbe leur réutilisation et accroît de la sorte la flexibilité du patrimoine informatique.

L'initiative vaut pourtant d'être rapprochée des avertissements émis par McKinsey que j'évoquais la semaine dernnière. D'un côté, on voit bien qu'elle s'inscrit précisément dans les nouveaux besoins – entre autres d'adoption de l'IA – exerçant une pression sur la transformation des systèmes d'information. Mais, de l'autre, elle reste exposée à un risque latent en l'absence de modernisation du cœur du réacteur : bien qu'il soit possible d'exposer une couche de services à l'état de l'art sur ce socle, elle est fragile.

En effet, le plaquage artificiel d'API urbanisées et rationalisées, exploitables dans les parcours client « digitaux » du XXIème siècle, sur des logiciels historiques, imaginés à l'origine pour automatiser les tâches de processus essentiellement manuels, implique d'inévitables compromis et autres faiblesses nuisant à leur optimisation. Une telle stratégie n'a en réalité de sens que si elle est appréhendée comme étape préparatoire à une rénovation en profondeur dont elle facilitera la phase de transition.