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C'est pas mon idée !

lundi 17 novembre 2025

4 scénarios pour l'IA selon Gartner

Gartner
La traditionnelle saison des symposiums IT du cabinet Gartner, dont l'édition européenne vient de s'achever à Barcelone, semble avoir été consacrée essentiellement – sinon exclusivement – à l'intelligence artificielle. Un exercice prospectif mené dans ce domaine propose ainsi quatre scénarios pour la future collaboration entre IA et employés.

En guise d'introduction, faisant fi (ou s'accommodant ?) de ceux qui dénoncent une bulle prête à éclater, les analystes estiment que rien ne laisse entrevoir une apocalypse pour le monde du travail… mais prédit tout de même le chaos, à partir de 2028-2029, dans un contexte où 32 millions de postes seront bouleversés chaque année. Les entreprises devront apprendre à adapter leurs métiers à de nouvelles conditions et, dans de nombreux cas, profondément reconfigurer leurs approches existantes.

À l'instar de tous les Cassandre de la révolution à venir, Gartner insiste sur l'impératif de penser non pas à un modèle dans lequel l'intelligence artificielle prend l'ascendant sur l'humain mais plutôt de viser une démarche d'abord centrée sur les personnes, intégrant leur relation avec la machine. En perspective, la performance de l'organisation serait alors mesurée par la qualité de la coopération entre les deux. Mais on va le voir, ces messages rassurants n'interdisent pas des options extrêmement radicales.

La réflexion aboutit à quatre cibles possibles, distribuées sur deux axes, selon, d'une part, que le travail reste inchangé (mais est effectué différemment) ou qu'il doit changer et, d'autre part, que les individus restent aux commandes, avec une assistance, ou qu'ils laissent l'IA prendre les choses en main. Et de souligner que, quel que soit le choix ou la préférence de chaque entreprise pour sa trajectoire, elle sera probablement contrainte de se préparer à naviguer parmi les quatre hypothèses, toutes réalistes.

Gartner – AI Ripple Effect

Au bas de l'échelle (dans mon interprétation), figure la formule la plus répandue aujourd'hui : les agents intelligents sont conçus pour aider les salariés – qui continuent à opérer comme auparavant – à accomplir leurs tâches mieux et plus rapidement.

La situation évolue ensuite dans deux directions. L'une, évidente et naissante dans les centres d'appel, voit l'IA réaliser la plus grosse part de l'activité, laissant à quelques humains le soin de traiter ce qu'elle ne sait pas prendre en charge. L'autre, plus futuriste, propose une véritable synergie débouchant sur une réinvention complète du travail.

Enfin, et le fait s'avère incontournable, le paysage inclut également le principe de la firme, ou, a minima, du département, autonome, sans humain ou presque.

Quand les analystes de Gartner jouent sur les mots entre apocalypse et chaos, en laissant croire que la transition sera suffisamment progressive pour que le personnel puisse s'adapter et ne reste pas sur le carreau, ils n'évoquent que le volet de l'emploi. Car les ruptures envisagées seront aussi éprouvantes pour les entreprises elles-mêmes, qui devront à la fois prendre garde à l'équilibre de leurs effectifs (humains ou non) et au contrôle dont elles disposent sur leurs outils d'intelligence artificielle…

dimanche 16 novembre 2025

Petite leçon d'innovation par Monzo

Monzo
Dans une de ces publications régulières à travers lesquelles elle lève un bout de voile sur son fonctionnement interne, Monzo nous livre aujourd'hui la petite histoire d'une option d'épargne originale et ludique, mise en place au début de l'année. Voilà une excellente source d'inspiration pour les équipes d'innovation du secteur financier !

Le principe du défi « 1 penny » dont il est question est élémentaire : il consiste à mettre de côté chaque jour un centime de plus que la veille. Adopté dans un contexte de résolutions de début d'année, vous placez 1 centime sur un compte d'épargne le premier janvier, 2 centimes le 2, 3 centimes le 3… et ainsi de suite jusqu'au 31 décembre, jour où le montant à bloquer atteint donc 3,65 euros (ou livres sterling, outre-Manche), tandis que le total de la cagnotte s'élève à 667,95 euros (hors intérêts éventuels).

Cette méthode est destinée à encourager les consommateurs à constituer une réserve… mais, afin qu'elle remplisse son objectif, elle doit évidemment pouvoir être mise en œuvre simplement, automatiquement et en totale transparence : il n'est pas question d'effectuer un virement manuel chaque matin ! Il se trouve qu'un client de la néo-banque a rapidement profité de la faculté qu'elle offre depuis 2018 de programmer son argent via IFTTT pour implémenter une telle mécanique et la partager avec la communauté.

Les équipes de Monzo, qui savent aussi bien exercer leur créativité que capitaliser sur celle de leur audience, n'ont pas manqué de repérer cette initiative et le succès qu'elle rencontrait auprès d'un petit groupe d'utilisateurs et sur les médias sociaux. Elles ont donc commencé à explorer l'opportunité, en commençant par valider ses prémices, à travers une étude de marché : les gens désirent épargner mais sont freinés par le temps ou l'effort requis… ou, bêtement, parce qu'ils ne savent pas comment démarrer.

Monzo – Building the 1p Savings Challenge

Une fois le besoin latent confirmé et le projet lancé, celui-ci s'appuie sur les forces traditionnelles de la jeune pousse. Le design, notamment, fait comme toujours l'objet d'une attention scrupuleuse. Autour de la fonction elle-même, elle prend soin de créer une expérience optimale, rassurante – avec des possibilités de mise en pause ou d'interruption afin de ne pas générer un sentiment d'engagement irréversible – et assortie d'une touche amusante, par exemple par l'intermédiaire d'animations.

Au niveau de la réalisation, un aspect particulier mérite d'être souligné. Dans une logique de « design thinking », la première incarnation du service se concentre sur l'essentiel, reportant tout ce qui n'est pas jugé critique pour une version ultérieure. Malgré tout, par souci du client, lorsque les responsables prennent conscience qu'ils ne pourront pas respecter la date symbolique de lancement, au 1er janvier, ils préfèrent la décaler de quelques jours plutôt que de livrer un produit potentiellement mal testé.

Je retiens de ce récit trois leçons pour les innovateurs. La première, qui me tient le plus à cœur, concerne ce qu'on nomme maintenant l'« idéation ». Ce n'est jamais la plus difficile et le cas de Monzo illustre comment une écoute de son écosystème lui fournit facilement des pistes à creuser. Vient ensuite la partie réellement complexe, du design, qui fait la réussite ou annihile les espoirs et sur laquelle il ne faut accepter aucun compromis. Enfin, le retard au démarrage rappelle que les grands groupes ne sont pas les seuls à faire face à des dérapages dans leurs projets et tend à signaler, a contrario, que ce qui est faisable dans une jeune structure est également à leur portée.

samedi 15 novembre 2025

Un prêt pour la propriété partielle chez NatWest

NatWest
Alors que, comme d'autres pays, le Royaume-Uni souffre d'une crise de plus en plus sévère de l'accès à la propriété, NatWest propose désormais un crédit hypothécaire applicable aux biens acquis partiellement, tels que les autorise la réglementation locale. Sans être la panacée, cette solution met le pied à l'étrier pour beaucoup d'exclus.

C'est devenu une rengaine : les niveaux de prix de l'immobilier atteignent actuellement des sommets vertigineux, tandis que les taux d'intérêt, même s'ils se sont assagis depuis quelques mois, restent relativement élevés, ce qui entraîne – avec, parfois, un resserrement des conditions d'éligibilité des institutions financières – une difficulté grandissante, voire l'impossibilité totale, pour une partie importante de la population d'envisager à horizon raisonnable de s'offrir la résidence de ses rêves.

Afin de soulager la tension du marché, le gouvernement de sa majesté a imaginé, depuis longtemps, un dispositif d'achat fractionné. Disponible auprès de certains organismes spécialisés et collectivités locales, ainsi que pour quelques circonstances spécifiques (par exemple à l'intention des personnes à mobilité réduite), il consiste pour ces propriétaires à céder entre 10% et 75% du logement, dont ils restent bailleurs pour la partie restante et sur laquelle ils continuent donc à percevoir un loyer.

C'est ce genre de transaction (portant un minimum d'un quart des parts) que NatWest accepte maintenant de financer, dans des conditions identiques à celles qu'elle accorde pour les prêts hypothécaires classiques, notamment en termes d'apport initial (à 10%) et de valeur retenue (90% pour les appartements, 95% pour les maisons). Et, dans la logique ascensionnelle d'origine, elle inclut un mécanisme dit d'escalier, à travers lequel les emprunteurs peuvent accroître leur part dès la sixième échéance sans incident.

NatWest – Shared Ownership Mortgage

Le dispositif représente un bon compromis pour les personnes qui souhaitent acquérir leur résidence, sans se résigner à commencer leur parcours de propriétaire avec un bien qui ne correspond pas à leurs besoins (par sa taille ou sa localisation, en particulier) en raison de leur situation financière. Elles peuvent viser directement l'habitation qui leur convient et convertir progressivement leurs loyers en remboursements d'emprunt.

Pour la banque, le produit s'inscrit dans une démarche d'innovation, rendue indispensable par la menace que fait peser sur le marché du crédit immobilier le phénomène d'exclusion qui se propage rapidement. Il s'ajoute à diverses initiatives complémentaires, dont une des plus récentes consistait à institutionnaliser la participation de co-emprunteurs aux opérations. La pression stimule la créativité !

L'idée de l'achat fractionné a déjà donné lieu par le passé, sous des formes variées, à quelques initiatives, dont une des plus populaires est une sorte de location-vente (dont on entend toutefois moins parler aujourd'hui), à l'instar de HappyNest par BNP Paribas Fortis. Mais il reste certainement encore d'innombrables variantes à explorer… en vue de résoudre un problème sociétal qui n'est pas près de disparaître spontanément.

vendredi 14 novembre 2025

Paiement à l'œil sur les lunettes connectées

Ant International
Une douzaine d'années après une première vague finalement dissipée, les lunettes connectées connaissent aujourd'hui un retour en grâce dans toutes les grandes entreprises technologiques. Une des frustrations rencontrées dans leur utilisation au quotidien restait pourtant sans solution… jusqu'à ce qu'Ant International s'en mêle.

Je parle évidemment des paiements, qui représentent la clé de nombreux usages et pas uniquement de commerce en ligne. Dans les incarnations des débuts, sans aucune imagination, le porteur était invité à fournir les coordonnées de sa carte bancaire à travers un système de saisie virtuelle aussi approximatif que malcommode. Une première amélioration était ensuite apportée avec une approche de reconnaissance vocale, plus accessible mais qui peut engendrer des situations embarrassantes.

La maison mère d'Alipay, quant à elle, propose une option de reconnaissance de l'iris de l'œil, qui semble naturellement mieux adaptée au média sur lequel elle sera déployée. D'abord ajoutée à GlassPay, sa plate-forme de paiement multi-modale dédiée aux lunettes, elle permettra de confirmer un règlement de manière totalement transparente, sans compromettre la sécurité. Mais le système est également envisagé comme un mécanisme d'authentification générique, supportant d'autres cas d'usage.

Le géant chinois ne manque pas de citer le développement de cette méthode biométrique dans divers contextes… mais elle souffrait jusqu'à maintenant d'un défaut majeur, par son implémentation centralisée, imposant que les données personnelles soient conservées par le fournisseur (pour comparaison). Son installation sur un appareil réalisant la capture des caractéristiques requises autorise un traitement local beaucoup plus satisfaisant pour la protection des informations (et, incidemment, aligné avec les règlementations européennes). Rien ne dit toutefois qu'Ant ait choisi cette voie.

Alipay GlassPay

Testée dans le porte-monnaie mobile Alipay à Hong-Kong, la nouvelle fonction est proposée à tous les e-marchands qui souhaitent créer une expérience client optimale sur une gamme d'outils en pleine expansion. En parallèle, des démarches sont entamées afin de convaincre les fabricants de l'adopter sur leurs matériels à l'échelle globale (Xiaomi faisant partie des pionniers), sous la forme d'un socle de sécurité à la portée plus large, déclinable notamment sur toutes sortes d'applications.

Si les stars de la Silicon Valley, entre autres, croient à un renouveau des lunettes connectées, elles ne donnent pas l'impression d'avoir tiré les leçons du passé. En l'occurrence, elles persistent à se concentrer sur les capacités techniques de leurs produits sans se préoccuper suffisamment de leurs usages, ce qui a déjà fait capoter la génération précédente. Avec GlassPay, Ant ne propose pas une réponse universelle mais, à tout le moins, travaille sérieusement sur des modèles d'interaction « natifs ».

D'un autre côté, je m'interroge sur la pertinence de ces efforts quand le cabinet d'analyse IDC prédit un marché de moins de 20 millions d'appareils à l'horizon 2029…

jeudi 13 novembre 2025

Adclear veille à la conformité de la communication

Adclear
Connaissez-vous beaucoup de startups qui, après un an d'existence et avec seulement 8 employés, parviennent à séduire la fine fleur de la FinTech britannique… et Lloyds Bank ? Et qui se décident tout juste à lever un tour d'amorçage afin de soutenir leur développement sur de nouveaux marchés, dont l'Union Européenne ? Voici Adclear.

En passe de devenir en quelques mois le leader de la niche « FinProm » (pour « Financial Promotion », que je découvre à cette occasion), la jeune pousse se donne pour mission d'aider les équipes marketing des entreprises du secteur financier, petites ou grandes, à respecter la réglementation dans leurs communications destinées à leur clientèle – publicités ou présentations de services –, sous tout format – textuel, graphique, vidéo… – et pour tout support – réseau social, courriel, site web…

Pour les utilisateurs, adieu les allers-retours entre la création de contenus et leur soumission aux fourches caudines du département de conformité, imposant son lot de modifications. Il leur suffit de transmettre leur projet à la plate-forme d'Adclear, dont le moteur d'intelligence artificielle évalue alors en quelques instants les écarts, en fournissant des explications claires contextualisées, en général assorties de suggestions de corrections, ce qui leur permet d'ajuster leur travail avant de solliciter sa validation.

Dans cette dernière étape, qui reste donc accomplie par un professionnel (comme il se doit), la revue est également facilitée par la fourniture d'un journal auditable des évolutions précédemment apportées et, surtout, par un mécanisme de mise en exergue des points qui restent susceptibles de rejet, dont les modèles mis en œuvre apprennent continuellement à affiner l'appréciation par rapport à la culture de l'organisation, en analysant en permanence l'historique des publications approuvées.

Adclear Seed Round

La solution autorise évidemment la sélection des règles applicables aux métiers de chacun de ses clients et l'ajout de prescriptions supplémentaires au fur et à mesure des changements législatifs. Il est également possible d'introduire des contraintes propres à une firme spécifique (par exemple ses exigences particulières en matière de responsabilité sociétale et environnementale). Pour ce faire, l'administrateur n'a qu'à télécharger un document (ou une page web) décrivant la politique à intégrer.

Dans la mesure où son outil tient ses promesses, le succès d'Adclear est une évidence. En donnant un maximum d'autonomie aux producteurs d'éléments de communication dans un cadre réglementaire bien délimité, non seulement ces derniers sont-ils plus efficaces et peuvent-ils démultiplier leur rendement, mais, en outre, ils sollicitent moins les responsables de la conformité, qui peuvent alors mieux se concentrer sur les tâches qui leur sont confiées et améliorer la qualité des contrôles.

mercredi 12 novembre 2025

Les telcos cèdent à la pression anti-fraude

Gov UK
Voilà des années que les fraudes téléphoniques font perdre des millions d'euros, de dollars, de livres… aux consommateurs sans que les opérateurs ne tentent sérieusement d'enrayer le phénomène. Face à diverses pressions, ils commencent toutefois à changer d'attitude, comme l'illustre cette annonce du gouvernement britannique.

Le scandale le plus éclatant est celui des numéros usurpés : comment est-il encore possible en 2025, alors que la faille est parfaitement identifiée, depuis des années, et que son impact considérable est minutieusement documenté, que des escrocs soient en mesure d'appeler une personne en faisant apparaître sur son téléphone le numéro authentique de, par exemple, sa banque ? Les entreprises du secteur n'auraient-elles donc aucun contrôle sur les informations qui transitent sur leurs réseaux ?

La réalité est évidemment beaucoup plus prosaïque : les mécanismes qui régissent les télécommunications datent d'une époque où tout était plus simple, les conversations étaient moins sensibles et la technologie était trop limitée pour réaliser des détournements devenus triviaux aujourd'hui. Malgré les transformations qu'ils accompagnent, les opérateurs n'ont guère fait évoluer leurs pratiques (et les standards), évitant notamment d'engager des investissements importants pour leur modernisation.

La situation atteint pourtant un tel niveau de criticité que les autorités finissent par réagir. Souvent sous les injonctions des institutions financières qui aimeraient reporter une partie de leur responsabilité sur les supports qui facilitent les arnaques (les médias sociaux constituant leur autre cible), des mesures sont en voie d'être prises qui pourraient s'avérer très onéreuses pour les firmes incriminées. Alors, soudainement, elles deviennent plus conciliantes et acceptent de coopérer avec les régulateurs.

Après le cas de l'Australie au début de l'année, c'est donc au Royaume-Uni qu'un accord vient d'être trouvé, entre le ministère de l'intérieur et les principaux acteurs de la téléphonie mobile, pour la mise en place d'un arsenal de défense. Et sa première composante consiste justement en une mise à niveau des infrastructures, d'ici à la fin de 2026, afin d'interdire l'usurpation de numéros de téléphone locaux par des centres d'appel à l'étranger (ce qui laisse penser qu'elle est impossible à l'intérieur du pays).

Le législateur ne s'arrête pas en si bon chemin. Il a également obtenu une promesse de déploiement d'outils d'intelligence artificielle (évidemment !) capables de détecter et suspendre les appels et autres messages suspects. Là, il faut cependant prendre une pause et s'interroger sur les possibles dérives d'un système automatique qui décidera qui peut contacter qui… sans que ne soit évoqués de limitation, ni même de principes de supervision. Une fois encore, les bonnes idées entraînent un risque de dérive.

Dernier élément du dispositif, les opérateurs renforceront leur collaboration avec la police, de manière à faciliter et accélérer la répression contre les auteurs de délits, entre autres à travers le déploiement de solutions avancées de traçage (pour remonter à la source des appels)… ce qui, là encore, peut devenir inquiétant pour la vie privée. D'autre part, des données statistiques, mettant en lumière les « mauvais » élèves, seront partagées (un système similaire existe pour la qualité des services bancaires).

L'ensemble de la démarche du gouvernement de Sa Majesté n'est peut-être pas bonne à répliquer mais elle a l'indéniable mérite de montrer que, d'une part, une pression « amicale » et, surtout, financière aide à convaincre de contribuer à la lutte contre la fraude les organisations, initialement réticentes, ayant un rôle à jouer dans la sécurisation des transactions et, d'autre part, que toutes les solutions techniques disponibles pour combler certaines faiblesses manifestes ne sont pas implémentées.

Phishing

mardi 11 novembre 2025

Un EPI rebelle… contre l'euro numérique

EPI
Alors que le projet d'euro numérique de la banque centrale européenne prend corps, les protestations des banques montent en puissance… notamment, ces derniers temps, parmi les participantes à l'initiative transfrontalière EPI, qui y voient une menace concurrentielle inacceptable pour leur propre porte-monnaie « digital » Wero.

Il est indéniable que les arguments avancés par l'industrie pour justifier ses récriminations ne manquent pas d'une certaine légitimité. En premier lieu, les ambitions portées par les deux groupes sont largement identiques, combinant la volonté de créer un système de paiement nativement électronique – évolution générationnelle par rapport à l'adaptation de la carte, inventée pour des transactions de proximité – et les velléités de souveraineté dans un secteur dominé par des entreprises américaines.

Prise sous cet angle, la duplication des efforts ressemble effectivement à une source d'inefficacité et de gaspillage, les adhérents à l'EPI ayant beau jeu de vanter la maturité de leur solution – bien que, après cinq années de développement, il lui reste encore du chemin à parcourir avant de remplir entièrement sa mission – pour rejeter une alternative qui n'apporte (et c'est une réalité) aucun avantage supplémentaire aux consommateurs et risque d'introduire de la confusion dans l'esprit de ces derniers.

Et même si j'ai pris l'habitude de me moquer des délais invraisemblables de déploiement du fameux porte-monnaie Wero, la proposition de la BCE de lancer un pilote de son euro numérique en 2027 paraît singulièrement optimiste, considérant que beaucoup d'incertitudes subsistent autour de son implémentation concrète. Quant à une émission généralisée, elle n'est pas envisagée avant 2029… date si lointaine que les retards seront inévitables. Ne sera-t-il pas alors, de toutes manières, trop tard ?

Accueil EPI

Derrière ces allégations, les banques masquent toutefois une de leurs principales inquiétudes, à savoir celle de la désintermédiation, puisque selon les choix opérationnels pour la future e-monnaie, leur rôle dans les paiements, aujourd'hui quasi incontournable, pourrait être sérieusement amputé. Incidemment, cette crainte montante explique peut-être le regain d'intérêt pour Wero d'établissements jusque-là frileux, soit à travers une intégration directe, soit via des mécanismes d'interopérabilité.

Ce point n'est résolument pas anodin car la couverture des outils existants constitue une faiblesse majeure face aux rêves de l'Europe… qui ne peuvent se penser que dans l'universalité de l'Union. Dans le même registre, l'adoption (réelle) est probablement une autre épine dans le pied de l'EPI, impossible à retirer tant que les règlements marchands ne seront pas disponibles (et sans connaître même le modèle économique qui leur sera appliqué). Ces inconnues ouvre une porte à la BCE… qui ajouterait aux risques.

Je ne suis pas particulièrement fan de l'euro numérique mais, au vu des lenteurs et des hésitations qui parsèment le parcours de Wero depuis sa naissance (et qui m'ont toujours inspiré la méfiance), il pourrait s'avérer utile comme option de secours. Et les banques ne pourront s'en prendre qu'à elles-mêmes et à leur incapacité à coopérer à grande échelle si elles ne parviennent pas à imposer leur offre avant son émergence.

dimanche 9 novembre 2025

L'IA, leader du conseil financier ?

Lloyds Banking Group
À l'occasion de la sortie de la dixième édition de son index « digital » des consommateurs, Lloyds Bank révèle à quel point le recours à l'intelligence artificielle pour le conseil financier s'installe dans les habitudes de la population. Rien d'étonnant dans ces conditions à ce qu'elle lance son propre assistant virtuel… dont je crains toutefois qu'il ait de la peine à lutter contre les plates-formes généralistes.

Les résultats de l'enquête, menée auprès de 35 000 personnes, sont éloquents (et si ceux-ci concernent le Royaume-Uni, ils se ressembleraient certainement à travers le monde). Plus de la moitié de la population, soit 28,8 millions d'adultes, déclare avoir interrogé une IA – pour 60% d'entre eux, le choix se porte sur le leader ChatGPT – au cours de l'année écoulée afin d'obtenir de l'aide dans la gestion de leur argent.

Ce score place les préoccupations financières en première position des usages, devant, entre autres, les interrogations sur la santé, les recommandations d'achats, l'organisation de voyages ou la recherche de recettes de cuisine, ce qui, incidemment, illustre parfaitement l'ampleur des besoins. Les utilisateurs estiment que leurs consultations leur ont fait économiser environ 400 livres sterling, en moyenne.

Concrètement, les thématiques les plus fréquemment abordées touchent à la planification de l'épargne, les conseils pour le pilotage du budget et l'éducation financière, au sens large, citées chacune par plus de la moitié de l'échantillon. Viennent ensuite la comparaison d'assurance, la préparation de projets d'avenir (notamment la retraite) et l'assistance à l'investissement, pour plus d'un tiers des individus interrogés.

Lloyds Bank – Consumer Digital Index

Cependant, malgré leur engouement massif, les consommateurs expriment également des inquiétudes et des réserves vis-à-vis des outils qu'ils exploitent. Outre leurs craintes en matière de protection des données ou encore de fiabilité des informations fournies (y compris en raison de biais), ils regrettent le manque de personnalisation ou, plus précisément, l'incapacité de l'IA à prendre en compte leur situation spécifique.

Voilà qui ouvre une voie royale pour les banques, dans laquelle s'engouffre évidemment Lloyds. Entre, d'une part, leur défense acharnée de la sécurité et de la confidentialité des informations qu'elles manipulent et, d'autre part, la connaissance intime du contexte de leurs clients (à travers l'analyse de leurs transactions pour les plus avancées), elles sont susceptibles de conquérir la confiance qui échappe à ChatGPT et ses amis.

L'« agent IA » de l'établissement – qui, d'emblée, abuse éhontément de sa qualification d'agent – semble malheureusement très limité par rapport aux ambitions affichées et, surtout, par rapport à la concurrence, puisqu'il serait uniquement capable de restituer des informations riches extraites de l'historique d'opérations et de guider l'utilisateur au sein du catalogue, initialement des produits d'épargne et d'investissement puis, dans les années à venir, de crédits hypothécaires, de prêts automobiles, d'assurances….

L'écart est ainsi consternant entre le constat dressé et la réponse apportée. Lloyds agit comme si elle considérait exclusivement les hésitations de ses clients face aux plates-formes grand public, que sa solution est en mesure de soulager, sans prendre garde aux attentes que leurs usages reflètent. En effet, les adeptes de l'IA cherchent bien des conseils pratiques et non une navigation facilitée dans leur application bancaire…

vendredi 7 novembre 2025

Quand l'IA fait dérailler une entreprise…

Upstart
Voilà une histoire qui constitue vraisemblablement un prélude à ce que l'actualité nous offrira bientôt régulièrement. En l'occurrence, Upstart, qui se présente comme la première place de marché de crédit propulsé à l'intelligence artificielle, blâme cette dernière, par la voix de son directeur général, pour ses résultats trimestriels décevants.

L'affaire fait un peu de bruit chez les investisseurs car l'action de la jeune pousse a perdu près de 15% de sa valeur à la suite de sa présentation. Alors qu'elle a récemment franchi le seuil de la rentabilité, ce ne sont pas ses profits qui rendent les marchés fébriles, mais plutôt le moteur de son activité : elle révèle avoir produit 2,9 milliards de financements sur la période, toujours en forte hausse mais faisant néanmoins pâle figure au regard des 3,3 milliards attendus par le consensus des analystes.

L'explication de cette mauvaise performance opérationnelle, telle qu'elle est fournie par Paul Gu, directeur technique d'Upstart, est fascinante : les modèles d'IA de l'entreprise – qui pilotent entièrement les décisions d'accorder ou non des prêts aux demandeurs en fonction de données variées et sur la base d'un historique de presque 100 millions d'événements – auraient sur-réagi aux indicateurs macro-économiques et induit de la sorte un excès de prudence faisant chuter le taux de conversion de 23,9% à 20,6%.

Les responsables de la firme se veulent rassurants et confirment notamment que la situation est maintenant revenue à la normale, en soulignant au passage qu'il est préférable que les automates exercent un surcroît de précaution plutôt qu'ils soient insensibles à des signaux inquiétants. Malgré tout, les observateurs expriment un certain scepticisme face à ces allégations et se posent soudain la question de la qualité réelle de l'approche adoptée, en particulier par rapport à des solutions moins élaborées.

Upstart – AI Lending

Toute la problématique de l'intelligence artificielle dans des processus sensibles se trouve résumée dans cet exemple. D'abord, est-elle suffisamment digne de confiance ? La réaction de la bourse semble montrer que cette confiance est écornée au premier accroc, y compris quand celui-ci paraît relativement justifiable (qui peut certifier que les demandes rejetées de manière apparemment excessive n'aurait pas demain fait exploser le taux de défauts si elles avaient été acceptées ?). D'autre part, comment spécifier puis juger l'adéquation des « choix » de l'IA à la stratégie de l'organisation et aux attentes de ses actionnaires… auxquels il faudra les décrire précisément ?

Les conséquences de ces interrogations sont insondables. Pour rester sur des dimensions simples, voire superficielles, l'intelligence artificielle, même quand elle n'est pas placée à la tête de l'entreprise, sera de plus en plus dans une position où elle influence directement ses opérations et ses résultats. Le problème de cette tendance émergente est celui de la responsabilité : un dirigeant qui prend de mauvaises décisions est facilement remplacé mais quid d'un logiciel critique pilotant le cœur d'activité et dont les modèles de raisonnement sont largement opaques ?

jeudi 6 novembre 2025

Attaquée, la carte de crédit se réinvente

U.S. Bank
Décidément, les assauts contre la carte de crédit, entre défiance des (jeunes) consommateurs et innovations de la FinTech, finissent par obliger l'industrie à se transformer. U.S. Bank, un des leaders sur le marché américain, lance ainsi une carte spéciale à base de paiement fractionné (également connu sous le célèbre acronyme BNPL).

Ce n'est pas la première incursion de l'institution financière sur ce territoire. Depuis 2021, ses clients ont en effet, avec l'option ExtendPay, la possibilité de convertir à volonté les dépenses de leur carte traditionnelle vers un plan de remboursement fixe, émulant de la sorte le mécanisme popularisé par Klarna et consorts.

Avec la nouvelle offre Split World, la répartition des achats en 3 mensualités, sans aucun frais, devient systématique (ce qui n'interdit pas, bien au contraire, de posséder d'autres cartes, plus conventionnelles, par exemple de débit, pour les règlements au comptant). Utilisable dans tous les points de vente, physiques ou en ligne, du réseau Mastercard, elle simplifie l'accès à la facilité de financement dans la vie quotidienne.

À mi-chemin des avantages de la « vraie » carte de crédit, la solution propose en outre, pour les transactions supérieures à 100 dollars, une faculté d'étalement étendu, sur 6 ou 12 mois, moyennant une commission fixe (ne parlez surtout plus d'intérêts !). Afin d'en bénéficier, dans la limite des plafonds autorisés, bien sûr, il suffit de solliciter la modification dans l'application mobile de la banque avant l'appel de fonds suivant.

U.S. Bank – Split World

Sans véritable surprise de la part d'un vétéran du secteur, Split World reprend, pour son fonctionnement, quelques mécanismes classiques de la carte de crédit. Avant de tenter une souscription, le client est d'abord invité à vérifier son éligibilité, qui n'est donc pas automatique et signale, à l'inverse, l'inscription de l'instrument dans les procédures de gestion des risques standards. Autre similarité, les remboursements sont appelés à date fixe… mais, ici, le client doit payer l'intégralité de son échéance due.

En synthèse, bien qu'elle tende à répliquer un produit récemment déployé par le trublion Klarna aux États-Unis, U.S. Bank conçoit une offre de paiement fractionné adaptée à son modèle et sa culture historiques d'établissement de crédit. Pour le consommateur, notamment dans la génération Z ciblée prioritairement, la combinaison résultante signifie plus de simplicité et un maximum de flexibilité, portée par une marque réputée et digne de confiance. Ces arguments suffiront-ils à les séduire (plus que la concurrence) ?