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C'est pas mon idée !

jeudi 19 juin 2025

Réflexions sur la modernisation du SI

Tonalités InsurTech
Invité par Florian Graillot à m'exprimer dans son podcast Tonalités InsurTech sur les systèmes d'information vieillissants des institutions financières, je vous propose de prolonger la thématique avec quelques réflexions – de bon sens mais qu'il me semble utile de rappeler – autour de la mise en place d'une stratégie de modernisation.

Commençons donc par les évidences. Comme tout projet, et encore plus quand il est question d’une transformation qui va mobiliser des centaines de personnes et des milliards pendant des années, il est important de respecter quelques jalons impératifs, sur lesquels je reviendrai : établissement de l’état des lieux, définition de la cible désirée, choix d’approche et élaboration du plan de route, qui devront naturellement déboucher ensuite sur des phases de réalisation et de déploiement (que je ne couvrirai pas ici).

Selon moi, la première étape est à la fois la plus importante et la plus négligée, ce qui, incidemment, s’explique aussi parce qu’elle est particulièrement complexe et frustrante. Pour le niveau d’ambition dont il est question, il faut en effet disposer d’une cartographie détaillée du patrimoine informatique. Or celle-ci, quand elle existe (ce qui est loin d’être toujours le cas), est souvent fragmentée et parcellaire, alors que seule une vision d’ensemble permettra d’avancer sereinement, en maîtrisant les risques.

L’exercice auquel je pense porte sur plusieurs dimensions. La première est architecturale, avec un recensement des composants sur les différentes couches d’architecture (matérielle, technique, applicative, fonctionnelle). Sur ce fond de carte, il faut ensuite identifier les relations et dépendances entre éléments, également sur chaque niveau. À ce stade vous devriez avoir un bon aperçu du cauchemar qui vous attend pour la suite (l’exemple, ancien, de Rabobank vous en donnera une idée).

Autre aspect à intégrer, celui de la performance des systèmes. Pour chaque brique, on identifie ses forces et faiblesses (propension aux pannes, limitations connues lors d’évolutions, tensions sur les ressources, besoins de maintenance, inadéquation aux attentes…), de manière à repérer rapidement les point les plus sensibles. En croisant ces données avec les estimations de criticité – directe ou indirecte (par dépendance) –, vous pourrez dégager une vue préliminaire des axes prioritaires de rénovation.

Tonalités InsurTech – Modernisation du SI

En comparaison, la définition d’une cible est plus aisée. Mais elle recèle aussi ses pièges. En tête de liste, je place l’impossibilité pour beaucoup de personnes, notamment celles qui ont de l’expérience et de l’ancienneté, à qui est fréquemment confiée la tâche, de s’abstraire de l’existant, ce qui les conduit à brider les opportunités. Par exemple, qui pensera à renverser les habitudes afin de mettre enfin le client au centre de la banque… et donc du système d'information (au lieu de la tenue de compte) ?

Dans un autre registre, il paraît généralement difficile de projeter les objectifs à considérer sur ce que sera le marché à une échéance lointaine, ce qui est pourtant indispensable. Même si des ajustements sont toujours possibles (et souhaitables) pendant la vie de la démarche, ce que l'on construit pour les 20 prochaines années, qui ne sera disponible que, au mieux, dans cinq ans, doit être envisagé pour le monde de cette période lointaine, pas celui d'aujourd'hui (et encore moins celui d'hier).

Enfin la sélection de l’approche de modernisation représente un dilemme inextricable. Les travaux précédents donnent normalement les moyens d’évaluer les risques et les coûts des scénarios (y compris celui dans lequel rien n'est fait) avec un minimum de précision, procurant ainsi des critères relativement factuels et objectifs. Mais la décision finale restera toujours délicate à prendre. En me cantonnant à deux options que je tends à privilégier, voici néanmoins quelques suggestions d’orientation.

Si des faiblesses majeures ressortent sur l’expérience client, il peut s’avérer raisonnable de créer une nouvelle banque, par exemple destinée à une population spécifique, qui pourra être conçue en alignement avec la cible, avec le maximum d'indépendance de la structure historique. Lorsqu’elle aura atteint la maturité, elle prendra la place de la solution obsolète. En revanche, si le cœur du système semble être le plus fragile, une première étape d’isolation (via une couche d’interfaces) permettra d’anticiper un remplacement. La difficulté est alors de concevoir ces interfaces sans se préoccuper des contraintes du présent : elles doivent être développées pour le futur cœur.

Ce ne sont là que quelques pistes de réflexion issues de mes observations des manières de travailler dans les départements informatiques des grands groupes, à travers leur propre transformation sur les (environ) quatre dernières décennies. Notez que, quelle que soit votre position par rapport à l'hypothèse d'une modernisation, la réalisation d'un état des lieux exhaustif et détaillé vous sera toujours utile…

mercredi 18 juin 2025

Marygold se penche sur les besoins des PME

Marygold & Co.
Après s'être attaquée avec une certaine originalité au délicat sujet de la gestion des finances personnelles, la britannique Marygold & Co. revient sur le devant de la scène avec une offre destinée aux petites et moyennes entreprises, à l'intention desquelles elle décline brillamment son approche centrée sur les difficultés et les besoins réels.

La démarche commence évidemment par la découverte et la compréhension profonde des problématiques auxquelles la clientèle cible est confrontée et demande de l'aide. En l'occurrence, elles sont de deux ordres. La première est conjoncturelle et tient à la situation économique au Royaume-Uni : une perspective de contraction de la croissance assortie d'une probable augmentation des prélèvements afin d'équilibrer le budget national et, comme ailleurs, l'allongement des délais de règlement des factures.

D'autre part, les facteurs structurels sont tout aussi importants mais ne sont pas toujours appréhendés à leur pleine mesure. Le manque de soutien de la part des banques, parfois généralisé sur certains secteurs, est ainsi un angle mort classique. Plus globalement, la propension des dirigeants à se concentrer sur leur cœur d'activité plutôt que sur la gestion de leur trésorerie les expose fréquemment à une prise de conscience tardive des risques et à des décisions précipitées et pas toujours appropriées.

Dans les cas plus ou moins extrêmes, et à l'instar de ce qui se passe avec les particuliers, les lacunes d'éducation financière (au sens large) valent également d'être prises en compte. Quand une enquête révèle, par exemple, que 16% des responsables d'entreprise confondent chiffre d'affaires et bénéfice ou que 12% avouent avoir connu des tracas en raison d'une mauvaise planification de leurs charges, un accompagnement opérationnel pédagogique, contextuel et personnalisé procurerait un appui critique.

Marygold & Co. for Business

Outre ses fonctions bancaires élémentaires, la solution proposée par Marygold & Co. vise en priorité à répondre à ces faiblesses. Les capacités mises en œuvre dans ce but n'ont rien d'extraordinaire en soi, elles doivent simplement être facilement accessibles et intelligibles : une vision en temps réel de la trésorerie et de la performance, pour un pilotage budgétaire optimisé, et, détail qui manque cruellement dans la plupart des établissements, un outil de gestion prévisionnelle des impôts et taxes, avec mise en réserve automatique des montants dus, de manière à éviter les mauvaises surprises.

L'ensemble s'inscrit dans une expérience utilisateur à l'état de l'art, conçue en fonction des usages observés sur le terrain, dont l'objectif principal est de fournir l'information nécessaire en évitant au client de perdre son temps précieux. C'est dans cette même optique que le module de conseil soumet régulièrement des recommandations pratiques contextuelles (d'épargne, de comportement budgétaire, de planification…) afin de combler les éventuels défauts de connaissance et autres oublis des intéressés (illustrés avec la préparation envisagée tardivement de la retraite des dirigeants).

Sans opportunité de tester le résultat de son processus de développement (qui, j'imagine, devrait évoluer au fil du temps), il m'est difficile de vérifier si Marygold & Co. atteint ses ambitions. À tout le moins, sa démarche constitue un modèle à suivre.

lundi 16 juin 2025

Un gadget IA pour améliorer l'écoute du client

Klarna
Klarna, la même qui, il y a quelques semaines, révélait qu'elle tempérait sa décision de remplacer massivement ses téléopérateurs par des agents virtuels, dévoile maintenant une ligne directe avec l'avatar de son directeur général. Pourra-t-elle vraiment tenir la promesse qu'elle porte d'améliorer le recueil et la prise en compte des avis des clients ?

Le principe consiste à offrir aux consommateurs la faculté d'interagir avec une intelligence artificielle prenant les traits, la voix et la connaissance (du moins celle qui est partageable) de Sebastian Siemiatkowski pour exprimer leurs commentaires, récriminations et autre suggestions à l'adresse de la jeune pousse et de ses services (ainsi que l'interroger sur sa vision). L'objectif de ce substitut aux enquêtes de satisfaction classiques est de mieux exploiter les informations glanées de la sorte.

Dans ce but, le système est conçu pour animer une véritable conversation – dont la qualité et la pertinence mériteront d'être évaluées – sans orientation prédéterminée (contrairement aux questionnaires habituels), dont Klarna espère qu'elle constituera un facteur d'engagement. D'autre part, les résultats obtenus sont eux-mêmes décortiqués par une IA alimentant un tableau de bord d'innovation. Celui-ci permet aux équipes de suivre les demandes en temps réel et définir les priorités des tâches qui en découlent.

Klarna CEO Hotline

On le comprend à travers cette description, le recours à un avatar du DG relève du pur gadget… qui pourrait s'avérer contre-productif, si des trublions décident de se défouler sur lui à répétition. Je suis par ailleurs sceptique sur l'approche exclusivement conversationnelle « ouverte » mise en place qui, d'une part, risque d'attirer principalement les mécontents (comme les autres méthodes, il est vrai) et, d'autre part, ignore la diversité des préférences de communication des populations.

En réalité, comme le souligne l'entreprise elle-même, ce qui produit véritablement de la valeur dans le dispositif est en aval, sur la manière dont sont utilisées les données accumulées. Quel que soit le moyen par lequel elles sont captées, ce n'est que lorsqu'elles aboutissent à découvrir les douleurs rencontrées par les clients qu'elles sont susceptibles d'exprimer leur potentiel. Et il existe d'innombrables opportunités de les recueillir, y compris par des voies passives (veille sur les médias sociaux, analyse des usages des plates-formes…) beaucoup moins intrusives et plus « spontanées ».

En conclusion, je ne peux m'empêcher de rapprocher l'initiative de Klarna d'une très ancienne idée implémentée par Umpqua Bank (aux États-Unis) : un téléphone rouge autorisant, dans chaque agence, les clients à contacter directement le directeur général, l'ambition étant de susciter un sentiment de proximité de l'institution avec ses clients. Dans sa version déshumanisée, la proposition perd son sens et paraît donc futile.

dimanche 15 juin 2025

Réinventer l'assurance du risque climatique

Haut-Commissariat à la Stratégie et au Plan
Il était temps ! Alors que tous les observateurs et les assureurs alertent depuis quelque temps sur l'émergence d'une ère dans laquelle le changement climatique rend progressivement certains risques impossibles à couvrir, le Haut-Commissariat français à la Stratégie et au Plan publie enfin un rapport proposant des pistes de réponse.

Le problème est désormais bien connu et impossible à ignorer plus longtemps. L'augmentation de la fréquence des phénomènes météorologiques exceptionnels (qui ne le sont plus vraiment) ou la montée des eaux dans les océans, et les conséquences des inondations, sécheresses, ouragans, avalanches et autres effondrements qu'elles entraînent sur les biens immobiliers et les véhicules induit une hausse insupportable du coût des sinistres, mettant à mal le principe de mutualisation de l'assurance.

L'hexagone dispose certes d'un mécanisme spécifique aux catastrophes naturelles, inclus obligatoirement dans toutes les polices (habitation et automobile), qui garantit leur prise en charge équitable. Il montre pourtant ses limites, dès aujourd'hui, entre risques non couverts (le déplacement des lignes de côte, par exemple) et menace sur son équilibre financier, en passant par les incertitudes qu'il laisse dans certains cas et les inégalités territoriales persistantes face à l'assurance (notamment en outre-mer).

Les solutions – ou plutôt les palliatifs – envisageables sont limitées. D'une part, la prévention doit prendre une place prépondérante dans la gestion publique et privée de la crise climatique. D'autre part, il faudra assumer des dépenses supplémentaires sur la réparation des dommages et celles-ci atteindront des niveaux tels que se pose la question de sa répartition égalitaire, entre autres au regard des zones plus ou moins à risque, du statut de propriétaire ou de locataire, des situations de précarité…

Repenser la Mutualisation des Risques Climatiques

Afin de répondre à ces enjeux, les trois autrices du rapport suggèrent trois scénarios plus ou moins ambitieux, qu'il est en outre probablement possible de déployer par paliers, en fonction de l'évolution des menaces. Articulés autour de différents degrés de mutualisation, ils sont essentiellement centrés sur le rôle plus ou moins important de l'état, ce qui, incidemment, correspond aux attentes des assureurs exprimant leur préoccupation vis-à-vis de leur incapacité prévisible à répondre aux besoins.

Au premier stade, l'intervention minimale consiste pour les pouvoirs publics à imposer quelques contraintes aux compagnies, en termes d'obligation de garanties sur une partie des risques climatiques, qu'ils complèteraient en se positionnant en réassureur. L'étape d'après étend cette approche initiale à l'ensemble du périmètre, avec une prise en charge directe de la sécheresse et une politique proactive d'adaptation de l'habitat (subventions des travaux, primes à la sortie de zones dangereuses…).

La dernière hypothèse imagine une démarche universelle et unifiée, sous l'entière responsabilité de l'état et financée par un programme de cotisations (dont la distribution entre les contribuables resterait à préciser), consacrée à la fois à la réparation et à la prévention. Malheureusement, en l'absence de toute projection budgétaire (qui devrait commencer par une estimation des coûts du changement climatique), il est difficile d'émettre un quelconque avis sur la faisabilité et la viabilité d'une telle hypothèse.

Ce travail d'analyse et ses conclusions sont sur la table. Un gouvernement aura-t-il le courage de faire les choix qui s'imposent et d'y affecter les moyens nécessaires… ou laissera-t-il les citoyens affronter seuls une crise de l'assurance inéluctable ?

samedi 14 juin 2025

Le contrôle d'âge devient une priorité

Google
Rien de tel que la pression réglementaire pour encourager des acteurs réticents à prendre des mesures sur un sujet aussi sensible que le contrôle de l'âge pour l'accès à certains produits et services. Et même si beaucoup ont encore tendance à reporter la responsabilité sur leur voisin, Google propose désormais une solution opérationnelle… tout en soulignant discrètement une incohérence du législateur européen.

Alors que, ici, les sanctions menacent désormais les sites pour adultes qui ne se conforment pas aux exigences de vérification de majorité pour tous leurs utilisateurs et que sont évoquées des interdictions d'accès aux réseaux sociaux au moins de 15 ans, la première réaction des entreprises concernées consiste à brandir l'argument de la non faisabilité… qui ne trompe personne : elles sont surtout inquiètes de perdre des revenus sur une population facile à conquérir, même quand elles prétendent l'écarter, ou, au mieux, elles ne veulent pas investir dans le déploiement des outils requis.

Cependant, comme la position adoptée dans l'Union Européenne, pionnière en la matière, semble inébranlable, les récriminations évoluent maintenant vers le renvoi de l'obligation de contrôle vers une autre entité, généralement désignée de manière assez floue. Quelques-uns suggèrent d'instaurer un mécanisme de protection dans le système d'exploitation des machines, d'autres, dont Meta (qui est particulièrement visée par Google), demandent qu'il soit placé dans les boutiques d'applications mobiles. Autant d'idées qui ne couvrent absolument pas l'ensemble des scénarios à considérer.

Google – Age Assurance Tool

Tous les géants du web s'inquiètent de leur exposition aux foudres (et aux lourdes amendes) des régulateurs, s'ils devaient endosser la responsabilité d'éventuelles infractions, qu'elles soient directement de leur fait ou non. Alors Google, comme quelques autres, prend les devants et offre donc aux développeurs d'applications pour son système Android un service prêt à l'emploi – sous la forme, classique dans ce domaine, d'une API – leur permettant d'invoquer les contrôles que leur impose la loi.

Estimant toutefois que son rôle n'inclut pas la vérification d'identité des porteurs de téléphone, l'interface se contente de transférer les requêtes vers les dispositifs existants, sa valeur résidant uniquement dans sa capacité à fournir un mécanisme universel et international à l'écosystème des éditeurs de logiciels. Initialement, la firme capitalise ainsi sur la publication par l'UE des spécifications d'interactions avec son futur portefeuille d'identité « digitale » (que j'ai précédemment couvert dans ces colonnes).

Le modèle se veut à l'état de l'art, notamment en termes de protection des données personnelles. Grâce à son approche « Zero-Knowledge Proof » (ZKP), le demandeur n'est autorisé à interroger que les informations sont il a strictement besoin. Par exemple, une app réservée aux individus majeurs se contentera de la réponse à la question « cet utilisateur a-t-il plus de 18 ans ? », sans obtenir sa date de naissance ni même son âge (ce qui est le cas, incidemment, avec la consultation d'une carte d'identité).

Petit problème… l'identité « digitale » européenne est encore à l'état embryonnaire, le projet accumulant des retards désastreux (comme je le craignais dès son annonce, au vu de son planning totalement irréaliste). Google n'insiste pas sur ce « détail » mais aura beau jeu de retourner la balle à la Commission Européenne si d'aventure celle-ci voulait lui chercher noise. Pour sa défense, il faut bien admettre que, en l'occurrence, les autorités paraissent prendre leurs décisions sans trop se préoccuper de cohérence

vendredi 13 juin 2025

Chase cède aux sirènes du e-commerce

Chase
Comme tant d'autres banques autour du monde recherchant des opportunités de croissance hors de leurs métiers d'origine, Chase présente sa propre boutique d'e-commerce. Elle adopte cependant un positionnement très spécifique qui rend l'initiative moins hasardeuse que ses prédécesseurs et lui laisse peut-être une chance de succès.

En synthèse, The Shops at Chase est exclusivement réservé aux porteurs des principales cartes de paiement distribuées par l'établissement et son fonctionnement est étroitement lié aux programmes de récompense qui leur sont associés.

La galerie marchande, intégrée dans les applications web et mobile de la banque, n'accueille qu'une sélection d'enseignes – plutôt de haut de gamme, voire de luxe : Baccarat, Bang & Olufsen, Breitling, Dyson, Ray-Ban… – dans une variété de domaines différents. La liste a vocation à évoluer au fil du temps. Première particularité à signaler, le visiteur se voit régulièrement recommander des produits correspondant à ses préférences, vraisemblablement identifiées à travers son historique de transactions.

En guise d'appât, les acheteurs bénéficieront de promotions, portant sur des articles renouvelés fréquemment, en complément des points qu'ils accumulent normalement selon leur contrat de carte. À l'inverse, ils peuvent également utiliser leurs primes disponibles pour régler entièrement ou partiellement leurs commandes. S'ils recourent à leur carte, pour tout ou partie du montant, leur parcours est simplifié, les informations de paiement étant transmises automatiquement et leur adresse étant pré-remplie.

The Shops at Chase

La différence avec d'autres dispositifs du genre n'est pas extraordinaire, mais la mise en miroir de la plate-forme marchande avec l'activité de cartes de Chase (et l'ensemble de ses capacités en lien avec le commerce de détail) lui procure une légitimité supplémentaire. Par exemple, la faculté de « dépenser » directement les avantages acquis, sans aucune étape de conversion et sur une vaste gamme de produits, constitue un facteur d'attractivité, au moins pour en franchir la porte d'entrée (virtuelle).

Du point de vue de l'institution financière, les bénéfices espérés sont probablement toujours les mêmes. A priori, le rôle de distributeur n'offre pas un intérêt économique en soi. La captation des clients dans son écosystème, y compris pour l'usage privilégié de ses cartes, représente l'essentiel de la valeur qu'elle peut espérer dégager.

Rien ne dit que les consommateurs seront séduits par cette variante d'un concept « extra-bancaire » qui n'a, pour l'instant, pas débouché sur des résultats mirobolants, mais, entre ses promotions exceptionnelles, son inscription dans un contexte cohérent (par rapport au e-commerce) et son approche de ciblage comportemental – inédit, à ma connaissance –, Chase prend soin d'assurer une légitimité à sa démarche dans l'esprit de ses clients… ce qui est loin d'être le cas chez la plupart de ses concurrents.

jeudi 12 juin 2025

Sure ouvre l'assurance à l'IA agentique

Sure
Quelques jours après le lancement de la « banque agentique » par Griffin et alors que l'industrie dans son ensemble peine à s'adapter aux exigences de la finance ouverte, l'assurance découvre aujourd'hui son pionnier des services prêts à l'emploi pour les applications de l'intelligence artificielle, sous les traits de l'américaine Sure.

L'approche, commune aux deux entreprises, devrait s'imposer rapidement comme un standard, puisqu'il s'agit de décliner des API existantes dans un format conforme au « Model Context Protocol » (MCP) initialement développé et partagé (sous licence libre) par Anthropic. Ce dernier permet de garantir la compatibilité des fonctions exposées avec les plates-formes qui l'adoptent, de plus en plus nombreuses, et ainsi d'autoriser facilement leurs agents virtuels à exécuter des actions de manière autonome.

La solution proposée par Sure couvre tout le cycle de vie de l'assurance, depuis la création instantanée de devis en fonction de la demande du client jusqu'à la gestion de sinistre et son suivi, en passant notamment par la contractualisation – encadrée par des paramètres prédéterminés – et la gestion administrative des polices. Ainsi armé, un robot est en mesure de prendre en charge tous les besoins du client sans requérir au préalable la mise au point d'une application devant orchestrer ces différentes tâches.

Naturellement, l'offre couvre la totalité de la gamme de produits (et d'assureurs) proposés par Sure et la conformité réglementaire est nativement intégrée grâce à la définition de garde-fous spécifiques. Avec les contrôles instaurés au niveau de la souscription, ces mécanismes sont destinés à rassurer les partenaires de la startup désireux de se lancer, qui, on s'en doute, craignent les hallucinations et autres erreurs susceptibles de mettre en jeu leur réputation, voire leur responsabilité juridique.

Sure – MCP Services

Sans surprise, le dispositif est pour l'instant déployé uniquement en test beta. Les premiers retours des expérimentations laissent (évidemment) entrevoir d'excellents résultats. Cependant, les gains de temps évoqués – de 95% sur la souscription et 80% sur les réponses du support – ne mentionnent pas leur référence et pourraient plutôt relever d'une situation d'origine catastrophique. Par ailleurs, ils ne portent, tout comme le taux de satisfaction élevé dont il est fait mention, que sur l'entrée en relation.

Enfin, comme toujours avec les automates, il ne faut pas exclure que les réactions initiales, stimulées par la nouveauté, ne se dégradent au fil de l'accoutumance. En conclusion, il peut être intéressant de prendre en main la technologie afin d'en appréhender les capacités et les limitations mais il conviendra de mesurer la qualité ressentie sur le long terme pour ne pas dégrader la confiance des assurés. Autre question, récurrente, les acteurs du secteur, généralement enclins à une extrême prudence, sont-ils prêts à confier leur relation client à l'intelligence artificielle ?

mardi 10 juin 2025

L'IA rend bête

Starling Bank
Certains d'entre vous l'ont probablement compris, je me montre pour le moins circonspect vis-à-vis des promesses de l'intelligence artificielle, a minima parce qu'elle détourne les acteurs économiques des vrais problématiques qu'ils devraient s'attacher à résoudre. Petite démonstration avec une annonce en provenance de Starling Bank.

Bien que je sois historiquement admiratif de cette jeune pousse britannique, je ne peux masquer ma consternation face à une nouveauté qui tente de surfer sur la mode de l'IA (générative) mais tombe à plat pour trois raisons principales : son absence totale d'originalité, son inadéquation aux besoins des clients et, complémentaire au précédent, son ciblage hasardeux. Des erreurs si basiques qu'on croirait que la technologie rend l'entreprise stupide… en espérant que seule sa communication soit affectée.

Mais, d'abord, de quoi parle-t-on ? Nous avons affaire à un assistant virtuel, propulsé par la solution Gemini de Google, qui, grâce à une connexion aux comptes (Starling) de l'utilisateur permet à celui-ci d'obtenir des réponses à des questions sur ses habitudes avec l'argent : combien ai-je dépensé en Uber le mois dernier, combien m'ont coûté mes sorties en 2025…, par exemple, les résultats étant alors présentés sous des formes variées, telles qu'un montant total, une liste détaillée de transactions, un graphique…

D'emblée, le concept ne fait plus rêver. Les prémices d'un tel service étaient déployées en 2012 (!) par Arkéa, et si celui-ci était encore un peu rustique, de nombreuses banques ont depuis implémenté des variantes plus performantes, sans jamais avoir besoin d'invoquer le recours à une quelconque intelligence artificielle. Vanter une première mise en œuvre, dans le secteur financier britannique, d'IA générative à l'intention du grand public méritait un cas d'utilisation un peu plus convaincant.

Starling Bank – Spending Intelligence

Autre défaut majeur de la fonction retenue pour exhiber une pseudo-prouesse technologique, elle n'intéresse que peu les consommateurs, au-delà d'une éventuelle curiosité initiale. Les personnes souhaitant piloter leur budget et prêtes à consentir quelques efforts pour ce faire disposent déjà d'outils spécialisés qui non seulement analysent leurs comportements mais s'attachent en outre à les aider à s'améliorer. Les autres ne seront pas plus avancés avec un moteur de recherche à gadget.

Enfin, sous sa simplicité apparente, le problème considéré est en réalité plus complexe qu'il n'y paraît et l'intelligence artificielle a toutes les chances de s'y casser les dents. En effet, le plus difficile (comme l'ont montré des générations de moteurs de catégorisation) n'est pas d'extraire et manipuler des opérations à partir de critères donnés… mais plutôt d'interpréter ces critères selon la sensibilité de celui qui les exprime. Prenez 3 termes – voyages, transport, déplacements – et essayez d'imaginer toutes les variantes possibles de sélections auxquels ils peuvent correspondre dans la tête d'un individu…

Comme tant d'autres dans l'industrie, l'initiative serait risible… si elle n'avait pas aussi des conséquences tragiques. L'une, concernant uniquement l'entreprise qui, après tout, est responsable de sa stratégie, touche aux budgets consacrés à des futilités quand tant de besoins des clients restent à satisfaire. L'autre, plus générique et à la portée beaucoup plus vaste, est celle de l'impact environnemental de ce genre de services… dont on espèrera donc finalement qu'il soit délaissé par les clients.

lundi 9 juin 2025

PayPal adopte un outil de Mastercard

PayPal
Poursuivant sa stratégie d'expansion dans le commerce de proximité, PayPal adopte la solution « One Credential » présentée par Mastercard au début de l'année. Celle-ci permet aux porteurs de cartes de la marque d'affecter automatiquement les dépenses effectuées sur l'instrument de leur choix, en fonction de critères élémentaires.

Comme son nom l'indique, la nouvelle fonction, proposée à tous les émetteurs partenaires du réseau rouge et orange, consiste à associer plusieurs moyens de paiement à un seul identifiant (celui d'une carte « maîtresse », semble-t-il). Pour ce faire, un module applicatif, à intégrer dans l'application bancaire, invite l'utilisateur à sélectionner les outils qu'il possède ou auxquels il est éligible et à définir les gammes de montant pour lesquels chacun d'eux sera mis à contribution lors d'une transaction.

Selon l'établissement et son offre, il sera ainsi possible d'enregistrer une option de débit sur un compte, une carte prépayée, une carte de crédit, un règlement par tempéraments (voire, vraisemblablement, un règlement fractionné sans frais)… Le consommateur peut alors décider, via un simple paramétrage, que, par exemple, les opérations de moins de 100 dollars sont imputés sur la première, puis sur sa carte de crédit jusqu'à 500 dollars… et reporter les (rares) achats les plus importants sur une ligne de crédit.

Mastercard vante l'utilisation de « One Credential » pour encourager la prise de bonnes habitudes financières. Le raisonnement est un peu tiré par les cheveux mais il mérite de s'y attarder, ne serait-ce qu'en guise de source d'inspiration : à travers son pilotage de multiples outils, le dispositif procure la faculté aux émetteurs de débloquer progressivement de nouvelles solutions – dont la complexité et les risques qu'elles induisent vont croissant – au fur et à mesure des usages (raisonnables) constatés.

Mastercard One Credential

Malgré la promesse de répondre à la demande pressante, en particulier de la part des jeunes générations, de flexibilité dans le pilotage de leurs paiements, les capacités de configuration disponibles paraissent extrêmement limitées puisqu'elles ne portent que sur le montant unitaire de chaque transaction. Elles font pâle figure, notamment, face aux mécanismes de gestion intelligents mis en œuvre par les pionniers de la « super carte » tels que Curve, dont on ne peut éviter de rapprocher cette initiative.

On pourrait comprendre que l'approche parvienne à séduire des acteurs historiques, aujourd'hui dépassés par cette concurrence émergente, mais il est beaucoup plus surprenant que PayPal s'en empare, alors que son ADN comportait justement un principe d'identifiant unique au-dessus d'un moyen de paiement multi-sources (autorisant même, dans certaines circonstances, le changement a posteriori). Décidément, la stratégie de l'ex-trublion est désormais difficile à décrypter… et laisse entrevoir une certaine indécision, renforcée par l'irruption de sa filiale Venmo, historiquement focalisée sur les échanges entre pairs, dans les paiements marchands.

dimanche 8 juin 2025

Des finfluenceurs dans le viseur des régulateurs

FCA
Quelques jours après l'annonce par les Émirats Arabes Unis de leur nouvelle licence de « finfluenceur », une coalition de régulateurs menée par la FCA britannique communique sur ses actions de répression visant les personnes qui abusent de leur aura auprès des internautes afin de promouvoir ou distribuer illégalement des services financiers.

Outre celle du Royaume-Uni, les autorités d'Australie, de quatre provinces canadiennes, de Hong Kong, d'Italie… et des Émirats ont lancé à partir du 2 juin dernier une vaste campagne d'assainissement sur les réseaux sociaux en vue de combattre les individus aux audiences parfois immenses qui vantent des produits et mécanismes interdits, en général mettant en scène des scénarios d'enrichissement rapide, ou, plus simplement, endossent un rôle de conseil financier sans les agréments nécessaires.

Pour la seule FCA, l'opération a conduit à trois arrestations à Londres, la mise en examen de trois personnes (les mêmes ?), la convocation en entretien de quatre individus, l'envoi de sept courriers d'injonction (« cease and desist ») et l'émission de cinquante avertissements, inscrits sur sa liste officielle. Ces derniers s'accompagnent de 650 demandes de clôtures de comptes aux plates-formes sociales sur lesquelles ont lieu les faits reprochés et de cinquante requêtes de fermeture de sites web frauduleux.

Ces résultats, obtenus en une semaine, paraissent peut-être flatteurs mais ne sont-ils pas finalement un peu dérisoires face à l'ampleur du phénomène contre lequel il s'agit de lutter ? D'autant plus que les moyens engagés ont certainement été importants et, au vu de la manière dont l'initiative est présentée, ne pourront pas être maintenus en permanence… Toujours est-il qu'on peut retenir de cette expérience deux enseignements principaux, à méditer par tous les régulateurs de la planète.

Le premier concerne l'idée émirienne de définir un statut formel pour les « finfluenceurs » : au-delà des risques d'excès que celui-ci peut créer (comme je le suggérais dans mon article), le coup de filet de ce mois de juin démontre clairement que les législations existantes suffisent à affronter les dérives sur le terrain judiciaire. Le second est une évidence dans un monde « digital » où les frontières s'effacent : une coordination internationale (qui ne peut se limiter à 6 pays, incidemment) est indispensable pour espérer contenir l'explosion de fraude affectant le secteur financier.

Annonce FCA