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C'est pas mon idée !

mercredi 31 janvier 2024

Vouch assure les risques de l'IA

Vouch
Les promesses de l'intelligence artificielle suscitent une immense vague de créativité parmi les entrepreneurs du monde entier… hélas rapidement tempérée par les risques sous-jacents. Qui mieux qu'un spécialiste de l'assurance pour les startups technologiques pouvait comprendre les enjeux émergents et apporter la réponse idoine ?

Au même titre que les exemples les plus emblématiques de rupture que constituent le dérèglement climatique et l'apparition des véhicules autonomes, l'infiltration de l'IA dans toutes sortes de domaines – avec, entre autres, ses possibles erreurs de jeunesse, les impacts qu'elle est susceptible d'exercer sur des activités sensibles et les incertitudes qu'elle introduit dans la détermination des responsabilités – met à mal les couvertures classiques et impose par conséquent une sérieuse remise à plat.

Voilà la mission à laquelle s'attaque désormais Vouch. Son ambition est de fournir une garantie ad hoc aux entreprises – américaines – qui développent et commercialisent des solutions à base de « grands modèles de langage » (LLM) et autres catégories d'intelligence artificielle. Plus précisément, elle prend en charge sans équivoque les risques que les produits de responsabilité civile existants n'incluent pas explicitement, et se trouvent donc en zone grise, ainsi que ceux qui sont entièrement inédits.

Sont englobés, de la sorte, non seulement les éventuels dysfonctionnements, indisponibilités et erreurs techniques, comme pour n'importe quel composant logiciel, mais également toutes les répercussions de biais et de discrimination, d'hallucinations, d'infractions réglementaires, de violation de propriété intellectuelle…, que les préjudices soient avérés et emportent des dommages ou qu'il s'agisse de défense face à une procédure intentée par un tiers, contre l'éditeur lui-même ou un de ses clients.

Vouch AI Insurance

Concrètement, les illustrations évoquées s'étalent des plaintes déposées autour des questions de droits d'auteur, dont l'actualité fourmille depuis quelques semaines, jusqu'à l'hypothèse d'un système d'analyse médicale automatisée qui émettrait un jugement erroné, critique pour la santé d'un patient, en passant par un chatbot d'épargne qui formulerait des recommandations engendrant des pertes non anticipées. Autant de cas qui seront probablement récusés avec les polices en vigueur aujourd'hui.

Honnêtement, il paraît difficile d'imaginer comment Vouch parvient à élaborer un contrat viable, au vu du faible recul dont dispose l'industrie, autant sur les sinistres causés par l'intelligence artificielle et sur leur portée potentielle que sur le traitement juridique des affaires correspondantes. Il faut supposer que ses conditions et son coût pourront évoluer avec l'expérience. Il n'en reste pas moins que l'initiative signale au secteur de l'assurance l'extrême réactivité nécessaire vis-à-vis des changements du monde.

Dans un contexte où de nombreux grands groupes, notamment de la finance, expérimentent les usages de l'IA mais restent réticents à leur industrialisation en raison des innombrables dangers qui les guettent, et dont nul ne sait mesurer ni l'ampleur ni les effets, le fait que les partenaires impliqués détiennent une couverture dédiée représente un facteur crucial de confiance et de modération des inquiétudes. Le bénéfice en ira à la fois aux fournisseurs (et à leur chiffre d'affaires) et à l'innovation en général.

mardi 30 janvier 2024

Une app pour un compte perso et un compte pro

Logo Vivid
Lancée en Allemagne en 2020 sans innovation révolutionnaire mais en intégrant une intéressante collection de petits plus utiles et pratiques, la néo-banque Vivid prolonge maintenant ses ambitions avec une solution complémentaire destinée aux petites et moyennes entreprises, sans se départir de sa stratégie de différenciation incrémentale.

Capitalisant sur son existant, la jeune pousse décline dans sa version professionnelle les recettes précédemment mises en œuvre pour le grand public, en incluant d'emblée un compte d'épargne rémunéré et un nombre illimité de comptes de dépôt, chacun avec son propre IBAN, et de cartes de paiement. Ces dernières sont configurables, par exemple à travers des restrictions sur certaines catégories de dépenses, et un système avancé de lutte contre la fraude autoriserait une gestion flexible des plafonds.

Parce que les besoins des entreprises peuvent être différents de ceux d'un individu, qu'il s'agisse de restrictions d'accès ou de transactions complexes à traiter, Vivid met à leur disposition une plate-forme web en sus de son application mobile. Cependant la touche d'originalité la plus remarquable est la possibilité pour tous les utilisateurs de piloter l'ensemble de leurs comptes, personnels et professionnels, y compris pour plusieurs organisations, depuis le même outil, moyennant une seule et unique connexion.

Naturellement, chaque domaine est cantonné dans un espace dédié, en étanchéité totale avec les autres, mais ceux qui doivent jongler régulièrement avec des logiciels distincts, assortis de leurs identifiants spécifiques, apprécieront la simplification. Cerise sur le gâteau, non dénuée d'arrière-pensées, les collaborateurs qui se voient déléguer la gestion d'un compte ou d'une carte peuvent, tout comme les clients principaux, ouvrir un compte personnel, immédiatement opérationnel, depuis leur application.

Accueil Vivid

Aussi étonnant que cela paraisse, aucune des grandes institutions financières françaises (je n'ai pas vérifié dans d'autres pays) ne semble avoir adopté une telle logique de convergence entre les services aux particuliers et ceux réservés aux professionnels, quand bien même elle ne concernerait que les entrepreneurs individuels, qui font pourtant l'objet de toutes leurs attentions ces derniers temps (mais via des offres indépendantes) et seraient évidemment les plus friands de cette rationalisation.

Il faut ajouter que cette lacune ne représente pas qu'une marque supplémentaire de dédain pour les attentes profondes des clients. Elle constitue également une faute commerciale, en faisant manquer des opportunités faciles aux banques concernées : alors qu'elles sont positionnées idéalement pour satisfaire les besoins professionnels des consommateurs (et inversement), elles négligent de profiter de leur engagement avec un outil qu'ils consultent régulièrement afin de leur faciliter la souscription…

lundi 29 janvier 2024

Citi aux frontières de la banque et du commerce

Citi
Quand les banques du monde entier explorent les possibilités de prendre pied dans des métiers périphériques aux leurs, en particulier à travers la création de places de marché (sous prétexte de « super app »), Citi préfère s'aventurer aux frontières du commerce en ligne tout en restant sagement dans son domaine d'expertise.

Sa nouvelle initiative consiste donc en une extension pour les principaux navigateurs web qui, une fois connectée à une carte de crédit éligible, repère automatiquement les visites des plus de 5 000 sites internet sur lesquels des offres de remboursement (« cashback ») sont disponibles, puis propose de les appliquer en un geste, lors de la finalisation d'une commande. Voilà qui soulagera les consommateurs se plaignant fréquemment de leurs difficultés à trouver les promotions qui leur sont réservées.

Le programme Citi Shop représente également une aubaine pour les marchands concernés, en développant l'accessibilité aux rabais qu'ils consentent (et financent), dont ils espèrent, légitimement, que leur présentation spontanée dans les parcours utilisateur et le surcroît de visibilité ainsi acquis agiront comme une incitation à confirmer leurs achats et donc, globalement, à réduire leurs taux d'abandon de panier.

La banque soigne aussi naturellement son propre intérêt avec le dispositif. Outre le facteur de séduction supplémentaire vis-à-vis des commerçants partenaires, il devrait améliorer sensiblement la position de ses cartes de crédit parmi les plus utilisées par leurs porteurs. En effet, la suggestion récurrente de leurs bénéfices au cours des emplettes sur internet réduit la propension à recourir à une alternative habituelle.

Citi Shop

Si je faisais, en introduction, le rapprochement avec les démarches « beyond banking » actuellement en vogue dans le secteur, c'est bien sous l'angle du rapprochement de la banque avec les activités de distribution en ligne. Cependant, la méthode de Citi, que je qualifierais de « border banking », bien que moins ambitieuse, est probablement beaucoup plus pragmatique et prometteuse de résultats concrets.

Point n'est besoin de compter sur une hypothétique confiance afin de conquérir les adeptes, aucune concession ni aucun effort n'est exigé des marchands embarqués dans l'aventure, pas d'investissement massif ni de coûts marginaux à consacrer à l'intégration logicielle… Pour un meilleur engagement des clients, une satisfaction accrue des professionnels… et, à n'en pas douter, des revenus en hausse sur le cœur de métier.

Le cas de Citi Shop constitue une parfaite illustration de ce qui justifie ma perplexité face aux velléités des institutions financières d'aborder de nouveaux marchés, dans une perspective de recherche de relais de croissance. Sur le fond, rien ne s'y oppose et, dans certaines niches (parmi lesquelles je ne compte pas l'e-commerce), le principe a peut-être du sens. Mais il reste tellement à faire dans la « digitalisation » des services essentiels et dans l'optimisation des expériences client qu'il paraît assez hasardeux d'entamer aujourd'hui une diversification vraisemblablement prématurée.

dimanche 28 janvier 2024

IA (et cryptomonnaies) : le défi énergétique

IEA
Dans son rapport de situation et de tendances pour 2024, l'Agence Internationale de l'Énergie s'inquiète de la contribution des centres de production informatiques à la croissance attendue de la consommation d'électricité dans le monde. Elle pointe notamment du doigt les impacts de l'intelligence artificielle et des cryptomonnaies.

La part des services « digitaux » s'élèverait à ce jour à 2% de la demande globale à l'échelle mondiale, à 4% aux États-Unis et en Europe – où les capacités se concentrent autour des capitales financières (Londres, Paris, Francfort…) – … et à 17% en Irlande, avec sa fiscalité attractive pour les multinationales. Ces taux sont voués à continuer à augmenter, avec des projections suggérant une progression de la consommation de 35 à 130% (jusqu'à atteindre un tiers du total en Irlande) d'ici à 2026.

Parmi les principaux facteurs de hausse des besoins, l'IEA souligne l'engouement suscité par l'IA. Elle illustre son propos avec un exemple éclairant : si les 9 milliards de recherches effectuées quotidiennement avec le moteur de Google se reportaient sur ChatGPT, elles engloutiraient un surcroît d'énergie de 10 TWh, soit plus de 2% de ce qu'absorbent aujourd'hui tous les serveurs de la planète. Et les prédictions de ventes de Nvidia (fournisseur n°1 du domaine) s'orientent clairement dans cette direction.

L'autre coupable désigné est donc l'univers des cryptodevises, qui, actuellement, représenterait déjà 0,4% de la demande générale. Malgré les efforts consentis par certaines applications telles qu'Ethereum (et qui dénaturent son fonctionnement, selon moi), les perspectives sont également pessimistes dans cette industrie, avec une recrudescence prévue de 40%, essentiellement en raison de la multiplication des instruments déployés, annulant les gains d'efficacité obtenus par ailleurs.

IEA – Electricity 2024

Que faire afin de renverser la tendance ? Une première piste consisterait à améliorer la performance énergétique des centres de production. Quand on découvre que 40% de leur consommation est convertie en puissance de calcul, la même proportion étant consacrée au refroidissement et les 20% restant à des équipements divers, il existe là une réserve d'optimisation évidente (pour mémoire les infrastructures de Google limitent les déperditions à environ 10%… loin de cette moyenne de 150%).

Deuxième possibilité, qui provoque fréquemment une sorte de réflexe (entre autres chez les crypto-fanatiques), il s'agirait d'encourager le recours à des sources renouvelables pour ces utilisations. En réalité, cette solution est un leurre, puisque, d'une part, elle devrait se décliner sur tous les usages et, d'autre part, elle ne change rien à l'équilibre global, tant qu'une partie (conséquente) reste issue de combustibles fossiles.

Enfin, à l'écart des propositions de l'IEA, la dernière idée à explorer, en particulier dans les institutions financières, grosses consommatrices d'informatique, tournerait autour d'une logique de rationalisation. Outre les démarches, utiles mais marginales, d'éco-conception logicielle, il devient probablement indispensable d'anticiper l'impact environnemental des projets – encore plus ceux impliquant l'IA – avant leur lancement et intégrer celui-ci dans les critères de faisabilité et de retour sur investissement. Il faudra alors apprendre à renoncer quand le bilan estimé s'avère calamiteux.

samedi 27 janvier 2024

Virgin se pique d'inclusion numérique

Virgin Money
Comme (presque) toutes ses consœurs au Royaume-Uni, Virgin Money réduit sa présence physique sur le territoire, au profit des opérations à distance. Malheureusement, une partie de la population reste sous-équipée en accès à internet et risque donc l'exclusion bancaire autant que numérique. Sa nouvelle initiative caritative vient à la rescousse.

Le constat est désormais universel et incontestable : la connexion aux réseaux constitue aujourd'hui un service essentiel. Selon une enquête récente, plus de trois britanniques sur quatre en sont convaincus et leur vie quotidienne en confirme la réalité à chaque instant, entre démarches administratives, commerce en ligne, situations d'urgence (la crise sanitaire a été un puissant révélateur)… et gestion des comptes. Les difficultés se multiplient sans cesse pour ceux qui ne sont pas « branchés ».

Or les statistiques sont formelles. Bien que l'illectronisme recule constamment, il concerne encore plus de 10 millions de personnes, qui ne possèdent pas les connaissances de base nécessaires à l'utilisation des facilités mises à leur disposition. En outre, 7% des foyers ne jouissent d'aucun accès au haut débit, dans la majorité des cas en raison de son coût trop élevé pour leur budget, ce qui rend quasiment impossible un usage régulier, quand bien même la formation ne serait pas un problème.

La réponse proposée par la « National Databank » (« comme une banque alimentaire, mais pour des données mobiles »), mise en place par l'opérateur de télécommunications Virgin Media O2 et l'association pour l'inclusion « digitale » Good Things Foundation, que vient donc de rejoindre Virgin Money, consiste à distribuer gratuitement des forfaits (de 20 Go mensuels) aux personnes éligibles, c'est-à-dire qui peuvent justifier de leur absence de connexion ou de leur incapacité à payer leur abonnement.

Virgin Money x Good Things Foundation

La contribution de la banque ne se limite pas à l'accueil des demandeurs dans ses agences (avant qu'elles ne soient toutes fermées !) afin de leur offrir les contrats promis. Elle collabore également à l'organisation de sessions pédagogiques, en présentiel ou à distance (?!), et ses conseillers, spécialement formés dans ce but, sont chargés de repérer les candidats potentiels et, le cas échéant, de les orienter vers un centre de support de proximité, qu'il s'agisse de leur établissement ou non. Il sont par ailleurs invités à encourager la sensibilisation et les donations de la part des clients.

À travers sa communication, Virgin Money tente de se présenter comme une entreprise soucieuse d'égalité sociale. En vérité, elle s'inscrit aussi dans une certaine obligation morale vis-à-vis de la transformation du monde à laquelle elle participe activement. Les institutions financières, les britanniques étant en pointe, se projettent plus ou moins radicalement dans une perspective de disparition à terme des interactions humaines pour la plupart des opérations : afin de ne pas encourir l'ire des pouvoirs publics, elles sont contraintes de s'assurer au préalable que personne ne reste au bord du chemin.

vendredi 26 janvier 2024

Comment les français esquivent la crise

Banque de France
Son dernier baromètre de l'inclusion bancaire pour 2023 révélant, étonnamment, une certaine stabilité des incidents de parcours dans un contexte pourtant défavorable, la Banque de France a commandité une enquête afin de comprendre comment les consommateurs, notamment les plus fragiles, louvoient dans les difficultés.

Indubitablement, la crise du pouvoir d'achat a un impact majeur sur le budget de nos concitoyens, puisque près de 4 sur 10 déclarent que leurs comptes se sont trouvés plus souvent « dans le rouge » au cours des douze derniers mois, un taux qui atteint même 48% parmi les ménages modestes. Heureusement, ils parviennent tant bien que mal à limiter les dégâts avec une proportion de défauts qui ne subit pas de changement important, jusqu'à maintenant, à 23% en général et 30% pour les moins riches.

Les recettes qu'ils emploient dans le but de se maintenir à flot se répartissent en trois grandes catégories, qui ne réservent guère de surprise : l'utilisation de ressources disponibles précédemment sous-exploitées (dont, pour un peu moins de la moitié des personnes interrogées, des ponctions sur les réserves existantes, à savoir, en général, des dépôts à vue), le recours à des arrangements ou autres amortisseurs financiers et le renoncement à des dépenses jugées non essentielles (ou leur report).

Dans la première, outre le réflexe de puiser dans l'épargne, donc, il faut remarquer, d'une part, les efforts portés sur la recherche de moyens d'accroître les revenus, que ce soit par l'intermédiaire d'augmentations de salaire et d'avantages en nature ou à travers la prise d'une activité complémentaire, et, d'autre part, une explosion – en particulier chez les plus pauvres, donc plus fréquemment éligibles aux dispositifs publics – des sollicitations d'aides sociales, d'urgence… mais également auprès des proches.

Banque de France – Comportements Budgétaires

Dans le deuxième segment, le paiement fractionné fait une percée, logique au vu de sa généralisation dans les enseignes de commerce. Il dépasse désormais l’accès au découvert autorisé comme méthode privilégiée de temporisation des débordements, loin devant les négociations avec les créanciers et les outils de crédit formels classiques. Incidemment, les chiffres tendent à montrer que bon nombre des 36% d’individus concernés par ces pratiques cumulent plusieurs de ces techniques.

Enfin, quand il s’agit de limiter les achats, les équipements technologiques et ménagers apparaissent en tête des sacrifices. Plus critique, car on sort là du domaine du confort et du superflu pour aborder l’indispensable, viennent ensuite les courses alimentaires, les réparations automobiles et les frais de santé, dans 20 à 30% des cas (30 à 40% pour ceux à faible niveau de vie). Sans parler des factures non honorées, qui reviendront certainement hanter les budgets futurs des adeptes de cette solution.

Probablement ignorés par les institutions financières, si ce n'est du point de vue des risques de défaillance, ces résultats représentent en réalité une mine d'or pour qui voudrait se positionner sur l'accompagnement de proximité des clients traversant une mauvaise passe. Chaque statistique fournit une piste d'action à envisager, avec une projection de sa portée potentielle : assistance à la recherche d'aides, décryptage pédagogique des différentes options de financement, exploration des opportunités d'économies (temporaires ou permanentes), anticipation pro-active des incidents…

Quand les banques se décideront-elles enfin à sortir de leur passivité atavique et placeront véritablement leurs clients au centre de leurs préoccupations ?

jeudi 25 janvier 2024

5000 billets pour mon auto-promotion

C'est pas mon idée !
Ce billet est le cinq millième que je publie sur ce blogue et je souhaite profiter de l'occasion pour expliquer aux lecteurs qui ne le savent pas encore – apparemment, ils sont nombreux – pourquoi je tiens ce journal depuis bientôt 14 ans et comment je vous propose de décupler sa valeur au service de vos actions d'innovation et de transformation.

Pour commencer par un peu d'histoire, le principe d'assembler une collection d'articles sur tout ce qui sort de l'ordinaire dans le secteur financier est né de deux constat triviaux. D'une part, dans toutes les organisations dans lesquelles j'ai eu l'opportunité d'intervenir, j'ai découvert des projets, expérimentations, approches… qui auraient pu s'inspirer des succès et des échecs les ayant précédés… s'ils avaient été identifiés.

D'autre part, une erreur fréquente consiste à croire que le plus difficile dans l'innovation est de trouver des idées. Parce que je suis convaincu du contraire, le vrai défi étant la mise en œuvre, je partage la multitude de concepts originaux que l'industrie développe autour du monde et qui peuvent orienter leur imagination. Je suis d'ailleurs particulièrement fier d'avoir contribué de la sorte au lancement de quelques projets.

En parallèle, ces 5 000 textes constituent aussi pour moi, et peut-être pour les plus assidus d'entre vous, une source inépuisable d'apprentissage et d'accumulation de connaissance. Chaque sujet que j'aborde, avec l'analyse qui l'accompagne, offre une leçon supplémentaire dans la compréhension des ressorts de l'innovation, autant pour la discipline en général que pour son incarnation dans des initiatives spécifiques.

C'est, avec mon expérience opérationnelle dans différents contextes et sur diverses thématiques, parfois aussi en dehors du secteur financier, ce gisement presque inépuisable que je porte à travers mes missions de conseil. Plus précisément, voici quelques initiatives types sur lesquelles j'ai déjà accompagné mes clients, assorties d'un (minuscule) échantillon de suggestions qui attendent toujours de trouver preneur :
  • Conférence de sensibilisation à portée générique (telles que mes tendances 2024) ou plus focalisée (par exemple les usages des données et de l'intelligence artificielle dans les métiers de l'assurance).
  • Aide à la mise en place d'une structure d'innovation (lettre de mission, définition des objectifs et livrables, mode de fonctionnement, gouvernance, animation…). Il peut s'agir aussi d'un outillage particulier (je pense, entre autres, à une – première – création de « bac à sable » privé).
  • Expérimentation (recherche d'antécédents, sélection de partenaires, planification, choix et suivi des indicateurs de succès, gestion des risques, organisation et logistique…). En cas de manque d'inspiration, je peux également vous souffler des idées (originales ou existantes et à décliner).
  • Dossier d'étude, depuis une note d'éclairage pour une direction générale jusqu'à un rapport d'analyse étoffé en support d'une stratégie.
J'ai actuellement quelques disponibilités pour vos projets : contactez-moi !

Patrice

mercredi 24 janvier 2024

Beyond banking ou fuite en avant ?

Vroom
Une jeune pousse qui voulait révolutionner la vente de véhicules d'occasion et qui finit, comme plusieurs de ses consœurs, par jeter l'éponge… sauf en ce qui concerne sa filiale de financement, avec laquelle elle espère rebondir. N'y aurait-il pas là une leçon à tirer pour les banques qui rêvent d'extension dans des domaines adjacents ?

La mésaventure est, en soi, banale. Vroom est née il y a dix ans avec l'ambition de faire basculer un métier centenaire dans l'ère digitale. Malheureusement, sa plate-forme d'achat et de vente de voitures n'a pas réussi à trouver sa place dans un marché peut-être plus conservateur qu'elle ne l'imaginait. Elle abandonne donc celle-ci, licenciant au passage 90% de ses effectifs… mais maintient son activité de financement automobile (avec une autre), afin de maximiser sa valeur auprès de ses actionnaires.

Peut-être les dirigeants de l'entreprise – cotée au Nasdaq, donc surveillée – sont-ils optimistes, mais, de toute évidence, leur décision stratégique démontre que les résultats obtenus à ce jour avec United Auto Credit paraissent suffisamment prometteurs pour éviter la fermeture pure et simple. Dans un contexte qui n'est pourtant pas particulièrement favorable au secteur (plusieurs grandes enseignes se sont récemment désengagées), il faut croire qu'il existe des opportunités encore mal adressées.

Les implications d'une telle perspective méritent d'être approfondies quand on considère l'engouement dont font aujourd'hui preuve une multitude de banques, un peu partout dans le monde, pour les démarches dites « beyond banking » consistant à proposer à leurs clients des solutions hors du strict spectre financier, dont les plus populaires ciblent l'achat immobilier et la mobilité. Et, dans ce dernier registre, il s'agit généralement de créer une place de marché de vente de véhicules (avec financement, bien sûr)…

Au vu de l'expérience de Vroom, le doute est probablement permis quant à la performance à long terme de ce genre de diversification. Mais, après tout, peut-être l'argument de la confiance – dont bénéficieraient les établissements conservant notre argent et qui stimulerait leur rôle d'intermédiaire dans des transactions importantes – conjurera-t-il les augures. En revanche, ils devraient certainement s'interroger sur leurs positions au sein même de leur pré carré… et ce devrait être une priorité absolue.

Qu'un nouvel entrant qui, initialement, développait peu ou prou la même approche que ces adeptes du « beyond banking » se décide à focaliser tous ses efforts sur le crédit, en estimant y avoir une chance de se différencier, devrait en effet les alerter sur une lacune majeure de leur vision : avant de s'engager dans des chemins de traverse de manière crédible, il leur faut d'abord impérativement être en mesure d'offrir le nec plus ultra dans leur cœur de métier. Or ce n'est visiblement pas (ou plus) le cas maintenant.

Vroom is customer driven

mardi 23 janvier 2024

Tandem, une app pour les finances du couple

Tandem
La vie de couple a sensiblement évolué au fil du temps et le compte joint qui répondait universellement aux besoins d'autrefois ne satisfait plus les partenaires d'aujourd'hui. Aux côtés d'une multitude de solutions spécialisées, l'américaine Tandem (à ne pas confondre avec la néo-banque britannique) adopte une approche assez originale.

Avec le recul constant de l'âge du mariage, quand il est envisagé, voire le désir prolongé d'autonomie même après l'échange des vœux, les personnes qui choisissent de parcourir un bout de chemin ensemble sont de plus en plus réticentes à mettre leur argent en commun, y compris quand cette option ne concernerait que les dépenses du ménage. Cette génération a souvent pris l'habitude d'utiliser les capacités de répartition des frais proposées par le porte-monnaie mobile Venmo en remplacement.

Afin de leur faciliter la tâche, rapidement lassante, Tandem fournissait initialement une simple application dédiée à ces mécanismes de compensation. Chacun connecte sa ou ses cartes existantes – de débit ou de crédit, sur lesquelles il ou elle continue à bénéficier des avantages habituels – à la plate-forme et sélectionne les transactions de son historique qu'il ou elle souhaite partager avec son conjoint. À tout moment, un geste du doigt suffit alors à régler le remboursement du solde entre les deux comptes.

Toujours pour les débours courants, notamment quand ils sont prévisibles et donc tout particulièrement les services récurrents, ceux qui préfèrent anticiper les charges à venir ont en outre à leur disposition – dans une version payante du logiciel, si je ne me trompe – la faculté de définir des réserves « attribuées ». Il s'agira par exemple d'anticiper le paiement de l'abonnement à Netflix, de l'électricité, du loyer…, auxquels ils contribueront chaque mois, à parts égales, via un prélèvement automatique.

Accueil Tandem

Plus récemment, dans une démarche affirmée d'évolutions participatives (ce sont les demandes des clients qui orientent la feuille de route), la startup a ajouté une fonction d'épargne à sa panoplie. Après avoir spécifié la cible du projet associé (un voyage, des meubles…) et son prix, qu'ils peuvent extraire d'un catalogue en ligne directement depuis l'application, les partenaires établissent un plan d'approvisionnement pour le compte rémunéré ouvert pour l'occasion. Enfin, lorsque l'objectif fixé est atteint, ils ont même la possibilité de réaliser l'achat désiré sans quitter l'outil.

Depuis ses débuts il y a deux ans, la solution de Tandem rencontre un vif succès, démontrant sans ambiguïté une attente de la part des consommateurs, dont, avant elle, une multitude de jeunes pousses explorent les opportunités depuis au moins une douzaine d'années. Je m'étonne constamment, dans ces conditions, que les banques traditionnelles ne s'emparent pas de l'idée, pourtant élémentaire, semblent ignorer son potentiel, et laissent le champ libre à des trublions qui risquent, à terme, de faire de l'ombre à leurs offres de compte joint, obsolètes pour une partie de la population.

lundi 22 janvier 2024

Un intéressement responsable en demi-teinte

Banque Populaire
En collaboration avec Natixis Interépargne, la filiale du groupe BPCE spécialiste de l'épargne salariale, Banque Populaire annonce le lancement d'une nouvelle formule d'intéressement « responsable » à l'intention de ses entreprises clientes. Son contenu paraît malheureusement trop limité pour y voir un progrès fondamental.

Parce que les enjeux sociétaux et environnementaux deviennent une priorité pour leurs dirigeants, autant par souci éthique qu'en raison d'exigences réglementaires (existantes ou en préparation), les organisations sont appelées à les intégrer progressivement dans leurs stratégies. Un des volets importants à prendre en compte concerne les ressources humaines, entre nécessaire implication des salariés dans toute politique volontariste et source de motivation pour ceux qui sont sensibles au sujet.

Dans un tel contexte, le recours au levier de l'intéressement représente évidemment une piste intéressante. Son activation par Banque Populaire consiste ainsi à ajouter aux critères d'attribution classiques (généralement autour de la performance) des éléments relevant de la politique de « RSE », par exemple la réduction des émissions de gaz à effet de serre ou l'abaissement du taux d'absentéisme, pour ne reprendre que ceux cités par la communication officielle, permettant de déclencher un bonus exceptionnel.

Les bénéfices promis sont multiples. D'une part, la mise en œuvre de ces conditions donne de la visibilité aux actions de la structure dans des domaines que leurs employés, notamment parmi les plus jeunes, placent au sommet de leurs préoccupations. D'autre part, étant entendu qu'ils correspondent à des indicateurs sur lesquels chacun exerce une influence directe, ils constituent également un puissant facteur de stimulation, autant par leur nature propre que par la récompense qu'ils peuvent engendrer.

Apparemment, la banque, à travers ses 800 conseillers et quelques dizaines d'experts, assume d'ailleurs un rôle d'accompagnement dans la définition des mécanismes appropriés, adaptée à chaque cas particulier, dans le respect de la législation et dans un objectif d'efficacité optimale. Mais c'est justement dans ce registre qu'il me semble qu'elle pourrait aller plus loin, dans une logique d'assistance concrète, d'autant plus indispensable pour la cible principale visée des PME de moins de 50 personnes.

En effet, quel que soit leur niveau d'engagement, ces petites entités disposent rarement, à ce jour, des outils nécessaires à l'évaluation de leur impact et de son évolution. Or l'instauration de nouvelles incitations envers les collaborateurs requiert un suivi régulier, qui devrait en outre être partagé en toute transparence avec les premiers intéressés (sans jeu de mot !). Il serait donc normal que les recommandations formulées par les banquiers soient complétées par les instruments de mesure ad hoc.

À défaut de fournir, ou, à tout le moins, de recommander, de telles solutions opérationnelles, le risque est de se contenter de critères génériques et/ou flous, susceptibles de générer plus de frustration que d'adhésion parmi les salariés et dont l'incidence réelle sera certainement minime. Enfin, comme toujours face à une initiative qui encourage les clients à développer leurs pratiques RSE, j'ai cette question : les Banques Populaires ont-elles déployé cet accélérateur d'intéressement chez elles ?

Banque Populaire – L'intéressement

dimanche 21 janvier 2024

Un coach de l'emprunt immobilier

My Home Pathway
Anticiper et préparer l'emprunt immobilier. Voilà une idée que, depuis longtemps, je glisse à l'oreille de qui veut bien m'écouter. Il fallait bien qu'elle finisse par émerger quelque part. En l'occurrence, elle est portée par une jeune pousse américaine, My Home Pathway, qui vient de rejoindre l'accélérateur FinTech inclusif de Plug and Play et Visa.

Pour la majorité de la population, nombreuses sont les options permettant de rechercher et souscrire la meilleure offre de crédit. Dans certaines situations, il est désormais possible de recourir à des modèles alternatifs – par exemple la location avec option d'achat. Mais pour beaucoup, surtout parmi les minorités (20% des dossiers déposés par les afro-américains), les rêves d'accession à la propriété s'effondrent brutalement quand survient le refus de la banque (ou du courtier) d'accorder l'indispensable prêt.

La mission que se fixe My Home Pathway est de leur redonner espoir, quelle que soit leur situation initiale. Non à travers des promesses futiles ou des solutions exotiques, mais grâce à un accompagnement personnalisé vers la qualification nécessaire afin d'obtenir le crédit qui autorisera un jour la réalisation du projet d'une vie. Dans ce but, la startup combine des capacités d'analyse des demandes, de coaching spécialisé, d'éducation financière… et une gamme de produits proposés par des partenaires.

Concrètement, la première étape du parcours consiste pour l'utilisateur à connecter ses comptes bancaires et son statut de crédit à la plate-forme, puis à exprimer ses envies, à savoir le prix envisagé pour sa future habitation. À partir des informations ainsi partagées, les algorithmes de My Home Pathway déterminent ensuite un niveau de faisabilité, matérialisé par une note facile à appréhender. Il ne leur reste plus alors qu'à élaborer un plan d'action adapté, en vue d'atteindre l'objectif visé.

Accueil My Home Pathway

Pour sa mise en œuvre opérationnelle, l'aspirant emprunteur reçoit régulièrement, par l'intermédiaire de l'application mobile dédiée, des recommandations concrètes quant à son comportement avec l'argent, qui vont l'aider à améliorer son score de crédit (critique aux États-Unis), accumuler un apport personnel suffisant…, tous efforts qui le rapprocheront de son but ultime. En parallèle, il profite de séquences pédagogiques, composées de tutoriels et de questionnaires ludiques, en vue de lui inculquer les notions financières élémentaires. Enfin, quand, après avoir accompli la trajectoire suggérée, dont les progrès sont mesurés en permanence, il est prêt à soumettre son dossier, il bénéficie d'une pré-approbation auprès d'un établissement associé.

Qu'il s'agisse de personnes qui ont essuyé un (ou, fréquemment, plusieurs) refus par le passé ou de celles qui, découragées par avance, ne tentent même pas leur chance, les exclus du crédit immobilier sont en général abandonnés par leur banque… Alors que, avec une assistance appropriée, focalisée en priorité sur le bien-être financier, et une bonne dose de persévérance, ils ont tous le potentiel de devenir éligibles et, donc, des clients plus fidèles… et plus rentables. Encore faut-il reconnaître l'opportunité bien en amont de la transformation de la promesse, comme l'illustre My Home Pathway.

samedi 20 janvier 2024

U.S. Bank encourage l'épargne

U.S. Bank
À l'occasion de l'arrivée de la nouvelle année, dans une conjoncture de retour de taux d'intérêt attractifs, U.S. Bank déploie un arsenal de mesures destinées à convaincre les consommateurs de mettre de l'argent de côté. En dépit de ses bonnes intentions (qui n'excluent toutefois pas l'intérêt propre de la banque), l'initiative rate le coche.

La période s'avère particulièrement propice à de telles incitations : outre les conditions de marché favorables et la coutume des bonnes résolutions du premier de l'an, les promoteurs de la campagne cherchent également à capitaliser sur les rentrées exceptionnelles – remboursements d'impôts et primes annuelles, notamment – qui concernent une importante proportion de la population entre décembre et janvier, le tout dans un contexte de niveau extrêmement faible de l'épargne dû à la conjonction de la hausse du coût de la vie et de l'euphorie dépensière post-pandémie.

Face à cette opportunité, comment U.S. Bank s'y prend-elle pour encourager ses clients à adopter les « bons » réflexes ? Dans la lignée de ses efforts historiques, couronnés de succès, en matière d'éducation financière, elle déploie d'abord des contenus pédagogiques afin de les aider à comprendre les enjeux de l'épargne et à prendre des décisions rationnelles, aussi bien en matière de gestion de l'argent que de taxes, auxquelles elle consacre un espace complet d'information et d'outils d'assistance.

Actualité U.S. Bank

En parallèle, les conseillers, en agence et en centre d'appel, ont reçu une formation à l'accueil des demandes de clients et prospects désireux de faire fructifier leur économies. Malheureusement, à ce stade, le paysage devient moins idyllique puisque, les démons de la banque reprenant le dessus, la priorité est donnée à l'explication des produits disponibles, tels que les certificats de dépôts et autre comptes d'épargne spécialisés, plutôt qu'à des recommandations d'ordre comportemental.

La démarche engagée par U.S. Bank se révèle finalement décevante, d'autant plus de la part d'un établissement qui vante sa préoccupation pour le bien-être financier de ses clients… et qui a implémenté de longue date une solution d'épargne automatique. En effet, la réception de fonds hors du cycle régulier de revenus, facilement détectable, constituerait un moment idéal pour que les algorithmes suggèrent spontanément leur affectation à une réserve (ou à la résorption d'une dette, par exemple sur une carte de crédit, le cas échéant), de préférence en y associant quelques notions didactiques.

vendredi 19 janvier 2024

Des agences bancaires converties en refuges

Nationwide Building Society
Alors que la désertification bancaire continue à progresser au Royaume-Uni, une enseigne affirmant sa résistance au mouvement de fermeture d'agences et qui possède désormais le réseau le plus étendu, Nationwide, explore les moyens d'en maintenir la raison d'être, quitte à déployer des services sans rapport avec son métier.

Au fil des années, les implantations sous-exploitées se sont parfois transformées en vitrines du commerce local, en salons de thé, en lieux de travail partagés, en incubateurs de startups… La nouvelle proposition que rejoignent 400 succursales de Nationwide (comme, avant elles, celles de TSB) consiste à en faire des espaces d'accueil sécurisés pour les victimes de violences et autres abus domestiques, dans le cadre de l'initiative « Safe Spaces » portée par une association spécialisée (Hestia).

Le principe est très simple : les victimes sont invitées à solliciter l'assistance d'un employé dans l'une des agences participantes – sachant que l'ensemble des salariés du réseau a préalablement bénéficié d'une formation spéciale pour identifier les symptômes et offrir un soutien – et, outre l'opportunité de se confier, se voient alors mettre à leur disposition une pièce isolée, et un téléphone, si nécessaire, de manière à leur permettre de contacter en toute discrétion un proche ou un organisme susceptible de les aider.

Dans l'absolu, au vu de l'ampleur du problème considéré, la démarche ne peut être que saluée. En effet, selon une enquête de l'institution, environ un(e) britannique sur quatre aurait vécu une situation de violence domestique et encore autant connaîtrait au moins une personne concernée. Or les finances du ménage représentent fréquemment (pour un quart des cas) le principal vecteur d'assujettissement mis en œuvre. L'industrie financière est donc plus ou moins directement impliquée dans le combat.

Nationwide Safe Spaces

Qu'il s'agisse de la prise de contrôle sur les moyens de paiement, d'espionnage sur les dépenses, de dissimulation de fonds, de signatures forcées sur des contrats de crédit ou des procurations, qui sont les trois techniques d'emprise les plus courantes, tout passe, à un moment ou un autre, par la banque, qui pourrait donc contribuer à la protection des victimes. Qui plus est, presque la moitié de la population se déclare (étonnamment) encline à aborder le sujet avec un collaborateur dédié de son établissement.

Aussi bénéfique soit-elle pour la communauté, l'initiative de Nationwide souligne cruellement les défis auxquels sont confrontés les réseaux d'agence dans notre monde « digitalisé ». Les tentatives d'adaptation à des activités diverses et variées montrent clairement que leur fonction première ne suffit plus à justifier leur existence. En généralisant la perspective, ils pourraient alors devenir des relais de services publics ou semi-publics (comme on l'évoque aussi régulièrement pour les bureaux de poste). Mais qui assumera le modèle économique d'une telle évolution ?

jeudi 18 janvier 2024

Le prêt étudiant pour conquérir des assurés

Getsafe
Dans un marché propice aux acquisitions, le néo-assureur Getsafe poursuit ses emplettes. Après le rachat du portefeuille de clients allemands du français Luko, il s'empare maintenant du leader du prêt étudiant « digital » outre-Rhin, deineStudienfinanzierung, dans une démarche originale, autant pour une startup que pour le secteur.

À la suite de l'opération, la plate-forme – dont la mission consiste à distribuer en ligne l'offre de crédit subventionné par l'état de la banque publique KfW – devrait continuer à fonctionner sans changement, avec son équipe existante (d'une quinzaine de personnes). Cependant, s'il n'est pas question d'intégration directe (dont on peine à imaginer comment elle pourrait se traduire, dans tous les cas), l'objectif de Getsafe est bien d'exploiter des synergies pour son propre développement.

En l'occurrence, l'idée est de profiter de la relation de longue durée instaurée avec les emprunteurs et plus particulièrement de la période où, entrant dans la vie active et prenant leur premier emploi, ils commencent à se préoccuper de leurs engagements financiers (dont leur dette) et de leur protection, c'est-à-dire, concrètement, gérer un budget autour d'un salaire et souscrire les assurances qui les aideront à surmonter les imprévus, dans leur logement, sur leur voiture, avec leur santé, sur leurs revenus…

Getsafe

En arrière-plan, bien évidemment, la conquête de clients reste le défi principal des jeunes pousses qui s'adressent aux consommateurs, quand bien même le positionnement de Getsafe repose sur le postulat que les membres de la Génération Z se détournent des modes de commercialisation traditionnels, via des courtiers, au profit des ventes « digitales », sans intermédiaire. L'apparente contradiction reflète probablement la progression des acteurs historiques sur ce dernier terrain.

En tout état de cause et indépendamment de ces conditions spécifiques, la captation de nouveaux assurés constitue aussi un enjeu majeur à l'échelle de l'industrie. Elle est aujourd'hui extrêmement coûteuse car elle est très compétitive dans un contexte de différenciation concurrentielle limitée. Et parce que les changements de fournisseur, une fois la sélection effectuée, sont relativement rares, la stratégie engagée par Getsafe de séduction avant toute velléité de souscrire une couverture prend tout son sens.

mercredi 17 janvier 2024

Santander, une greffe de cœur réussie ?

Santander
La modernisation du cœur bancaire est un sujet qui fâche dans le secteur (tout comme son équivalent dans l'assurance) : entre ceux qui la jugent superflue et les différentes méthodes préconisées par les autres, il est difficile de dégager une approche optimale. Que nous enseigne le cas de Santander, qui semble sur la voie du succès ?

Le programme, lancé en 2020, est extrêmement ambitieux, puisque, au-delà de son seul volet technologique, il comprend également la mise en place d'un modèle opérationnel commun à l'ensemble de ses entités dans le monde. Celui-ci a donc vocation à s'appuyer sur de nouvelles fondations informatiques, baptisées Gravity, hébergées dans l'infonuagique de Google et destinées à remplacer les vieux systèmes fonctionnant, comme dans tant d'autres grands groupes, sur les « mainframes » d'IBM.

Afin de minimiser les risques d'une migration brutale, de celles qui ont par le passé engendré bien des catastrophes parmi les institutions européennes, Santander a concocté une démarche spécifique avec Google, qui en a depuis fait une offre commerciale, Dual Run. Celle-ci consiste à autoriser une double exécution de tous les traitements, en parallèle sur les anciennes et les nouvelles applications, de manière à fournir une capacité de test en conditions réelles, qui évite les mauvaises surprises.

Aujourd'hui l'essentiel de la conversion des logiciels vers la nouvelle infrastructure est achevé. Les premiers déploiements ont également commencé : les clients entreprises au Royaume-Uni, les clients particuliers de la filiale chilienne et, plus récemment, la totalité de l'activité de banque de grands comptes (CIB) ont été basculés sans aucune interruption de service. La transition est actuellement en cours au Brésil et l'objectif est de finaliser le chantier sur toutes les implantations pour la fin de 2024.

Santander Gravity

Bien que le plus ardu soit encore à venir (un accident est si vite arrivé), tout jusqu'à maintenant donne à penser que Santander aura réussi, en un temps plutôt raisonnable (à l'échelle de son ampleur), un pari que la plupart de ses consœurs n'osent plus envisager. Pourtant, plusieurs signaux – l'évocation d'un budget total alloué, au démarrage, d'environ 20 milliards d'euros, sur un contour certes imprécis, ou encore la révélation du recrutement de 4 500 professionnels du digital au cours de l'année passée – laissent entrevoir que le principe même de l'initiative n'est guère viable.

Même en excluant la part réservée à la réorganisation, l'ordre de grandeur du coût de la rénovation du cœur, sensiblement plus élevé que les tentatives à quelques 4 à 5 milliards de la décennie précédente, est à la fois un reflet probablement réaliste de la complexité croissante du travail à réaliser, au fil des intégrations ajoutant en permanence à l'imbroglio de l'ensemble, et un facteur de dissuasion majeur, tant il rend quasiment impossible de justifier un retour sur investissement acceptable.

En synthèse, Santander parviendra peut-être à démontrer qu'un remplacement de cœur bancaire est faisable, sans casse, mais dans des conditions telles que les dirigeants de l'immense majorité des établissements disposant encore à ce jour de systèmes (pré)historiques seront incapables de le prendre pour modèle dans leurs propres stratégies. S'ils ne veulent pas rester à la traîne, jusqu'à l'obsolescence, il leur faudra donc trouver une autre solution. Le temps presse mais l'horizon est bouché…

mardi 16 janvier 2024

BofA soigne l'accompagnement des entreprises

Bank of America
Dans le sillage du succès de son « Life Plan » destiné aux consommateurs, Bank of America décline maintenant sa formule à l'intention des entreprises, avec un service qui vient se greffer sur sa plate-forme de gestion de trésorerie, dont l'objectif est d'analyser les mouvements et d'en dériver des recommandations opérationnelles.

Le principe de CashPro Insights ne surprendra plus : considérant la mine presque inépuisable d'information que recèlent les transactions enregistrées au fil de leur activité quotidienne, les entreprises ont énormément à apprendre pour peu qu'elles disposent d'outils puissants leur permettant d'en extraire la substantifique moelle… puis de leur prodiguer des préconisations pertinentes, en vue autant de corriger des anomalies et lacunes que d'optimiser leur fonctionnement et leur performance.

Comment la promesse se traduit-elle chez Bank of America ? Sur le plan de l'observation, les utilisateurs disposent de plusieurs axes de suivi, depuis les simples représentations graphiques des flux, autorisant l'identification rapide de problèmes à traiter, jusqu'aux comparatifs avec les standards de l'industrie et les pairs, en passant par des indicateurs spécifiques mesurant, par exemple, l'efficacité des paiements ou des opérations transfrontalières et des notifications sur des seuils personnalisés.

Dans une large mesure, on reconnaîtra là une adaptation aux besoins des professionnels des approches classiques (et basiques) de gestion de finances personnelles (PFM), ce qui, en anglais, est rassemblé sous l'acronyme « BFM » (pour Business Finance Management). Et, comme dans le cas du grand public, ces fondations, que je qualifie de passives, sont certes utiles mais ne suffisent pas à aider réellement les décideurs. Le volet conseil est pour cela essentiel : qu'en est-il ?

Bankf or America – CashPro Insights

À ce stade, il faudra malheureusement se contenter de déclarations d'intention. En effet, CashPro Insights est un chantier en cours et la seule implémentation concrète d'une assistance proactive concerne un domaine très particulier : un diagnostic de sécurité, établi sur les usages des produits de la banque, débouche sur une série de mesures à prendre afin de renforcer les protections. Celles-ci sont suggérées sous la forme de boutons d'action immédiate, pour une mise en œuvre en un clic.

Si les ajouts à venir suivent ce modèle, le conseil aux trésoriers aura incontestablement accompli un immense progrès. Pourtant, la démarche de Bank of America soulève une interrogation majeure. Contrairement aux besoins des particuliers, qui, sans être uniformes, se rangent néanmoins dans quelques grandes catégories universelles, ceux des entreprises dépendent fortement de leur secteur d'activité, de leur taille (quoiqu'il ne semble pas ici question de cibler les PME) et de leur stratégie. Les recommandations qui leur seront proposées devront donc impérativement prendre en compte ce contexte. Dans la mesure où c'est bien ce qui est envisagé avec CashPro Insights, le projet serait extrêmement ambitieux… et pourrait créer une véritable sensation.

lundi 15 janvier 2024

3 banques françaises mutualisent leurs GAB

Cash Services
Dans le sillage d'une tendance qui se répand (lentement) en Europe, en réponse aux évolutions sociétales vis-à-vis des espèces… mais aussi des agences bancaires, trois grandes institutions de l'hexagone – BNP Paribas, le Crédit Mutuel et Société Générale – déploient [PDF] en ce début d'année leurs tout premiers automates mutualisés.

Presque un an après l'annonce initiale de la constitution du consortium, la mise en œuvre préliminaire n'apportera guère d'avantages aux utilisateurs, puisque une petite soixantaine d'appareils sont pour l'instant concernés, sur lesquels seul le retrait d'argent est opérationnel, exactement comme l'autorise actuellement l'ensemble du réseau national (quoique, il est vrai, moyennant une éventuelle facturation sur les opérations réalisées hors de l'établissement émetteur de la carte employée).

Il faudra attendre la fin de l'année pour accéder aux options avancées : dépôts de chèques et d'espèces, collecte de monnaie et le « libre-service bancaire », c'est-à-dire la possibilité de consulter le solde de son compte et les dernières transactions enregistrées, mais également d'exécuter des virements. En parallèle, les installations se poursuivront, avec l'objectif d'atteindre quelques 7 000 implantations en 2026, soit une multiplication par trois de la densité pour les clients des enseignes impliquées.

Cash Services

La mise en commun des GAB constitue un mouvement naturel dans un contexte de rationalisation rendu nécessaire à la fois par la baisse régulière de l'usage du liquide dans les échanges commerciaux et les coûts toujours plus élevés d'entretien et de gestion des équipements. Les velléités de différenciation concurrentielle grâce au maillage du territoire cèdent désormais le pas face aux exigences de rentabilité.

En filigrane, et les banques rassemblées dans l'initiative Cash Services se gardent soigneusement d'en parler, il est aussi question des agences. En effet, la multiplication de terminaux capables de prendre en charge des opérations basiques, fortement mise en avant, représentera une opportunité évidente de réduire leur nombre tout en donnant l'impression aux intéressés qu'ils conservent un accès de proximité à leur banque.

En ce sens, la promesse, à terme, d'une solution à l'intention des communes désireuses d'offrir un service minimum à leurs populations (qui rappelle celle que Brinks commercialise depuis plusieurs années) devient un moyen habile (?) de faire supporter aux usagers le prix d'une présence physique (bien que sans relation humaine). En dépit des dénégations récurrentes, le paysage de la banque « en dur » est clairement en pleine évolution et il ne faudra probablement plus attendre longtemps avant de voir arriver en France les stratégies d'optimisation qui ont déferlé sur le Royaume-Uni.

dimanche 14 janvier 2024

50 ans d'innovation bancaire

Lloyds Bank
Aucun observateur n'oserait affirmer objectivement que la banque est un secteur extraordinairement innovant mais beaucoup estimeraient cependant qu'elle est dynamique et sait faire preuve de créativité. Pourtant, quand Lloyds Bank résume un demi-siècle d'avancées, il faut se rendre à l'évidence : le changement est lent et modeste.

Nul ne pourra m'accuser de parti pris critique dans cette analyse puisque le point de départ de cette réflexion est une liste, assemblée par la prestigieuse institution financière britannique, de six grands progrès accomplis par l'industrie, décennie par décennie, depuis les années 70 jusqu'à aujourd'hui. Affichés comme les jalons d'une « histoire des innovations bancaires », ils sont donc supposés représenter ses évolutions les plus remarquables, celles qui devraient passer à la postérité. Qu'en est-il ?

Au début, rien à redire sur les premières ruptures enregistrées. Conçus et développés exclusivement dans et pour l'univers de l'argent, le distributeur automatique de billets puis les cartes de paiement ont effectivement transformé les habitudes de millions de consommateurs et leur prédominance dans le monde contemporain illustre leur impact durable sur nos sociétés. Malheureusement, après ces deux innovations majeures, l'imagination tombe rapidement en panne pour identifier quelques idées originales.

Années 90 : banque par téléphone. Années 2000 : consultation du solde de compte par SMS. Années 2010 : applications sur smartphone (et paiement mobile). Années 2020 : interface conversationnelle. Chacun de ces ajouts (sauf un) n'est qu'une adaptation des options de relation clientèle aux nouveaux supports disponibles, dans une logique qui relève surtout du suivisme technologique, en réaction aux bouleversements des comportements des usagers inspirés par d'autres catégories d'acteurs.

Lloyds Banking Group – A history of banking innovations

Certes, ils sont utiles, et appréciés, mais il n'ont provoqué aucun bouleversement dans les activités de base ni dans leur perception par les clients. D'autant moins que ces facilités d'interaction supplémentaires sont régulièrement présentées comme des compléments à l'étalon que constitue toujours le contact avec un conseiller, en agence. À tel point que quand l'adoption des outils numériques s'emballe, les établissements peinent à ajuster leurs dispositifs, révélant leur absence de vision à long terme.

En résumé, il apparaît que le secteur bancaire n'a pas connu d'innovation digne de ce nom ces quarante dernières années… et la raison en est plus le conservatisme ambiant que le manque d'opportunités. La finance enfouie, le conseil proactif automatisé, le bien-être financier… risquent d'attendre encore longtemps avant d'être sérieusement appréhendés. Il faut en outre admettre que la FinTech, essentiellement focalisée sur la « digitalisation » des métiers historiques, a aussi du mal à s'emparer de ces sujets.

samedi 13 janvier 2024

Un prêt garanti par la propriété intellectuelle

NatWest
De toute évidence, les entreprises du XXIème siècle sont très différentes de celles des époques précédentes, hélas les banques n'ont pas encore ajusté toutes leurs pratiques à la réalité contemporaine. NatWest, par exemple, vient tout juste de présenter sa nouvelle faculté d'accorder un crédit garanti par la propriété intellectuelle.

Pour n'évoquer que le domaine du logiciel, particulièrement concerné, il s'est déjà écoulé 25 ans depuis la bulle internet, suivie par, entre autres, la révolution mobile et, plus près de nous, l'avènement de l'intelligence artificielle. Au fil de sa croissance, ce secteur représente désormais une part majeure des économies mais reste maltraité par les institutions financières parce que ses acteurs ne possèdent pas les caractéristiques sur lesquelles ont été construits les modèles fondamentaux de la banque.

Le cas le plus flagrant est certainement celui du crédit. Pour un industriel, la capacité à emprunter des fonds en engageant une garantie sur une partie de son patrimoine matériel (machines-outils, stocks, véhicules…) – nécessairement important puisqu'il constitue son instrument de travail principal – fournit un moyen de financement classique et banalisé. Pour une société de services, les actifs sont, pour l'essentiel, intangibles (et difficilement intégrables au bilan, incidemment) et ne sont donc pas considérés.

Une telle lacune est dommageable à la fois pour les entreprises et pour les banques, pour diverses raisons qui s'entrelacent. En effet, les PME et ETI dont il est question forment la majorité du contingent au potentiel d'hyper-croissance et se trouvent de la sorte à la croisée des besoins d'accompagnement les plus critiques et d'opportunités de développement attractifs pour leurs fournisseurs. En contrepartie, bien entendu, elles portent aussi fréquemment un niveau de risque relativement élevé.

Voilà (probablement) pourquoi NatWest se décide aujourd'hui, enfin, à relever le défi. Avec prudence, puisque son dispositif n'entre en jeu que dans le cas où les méthodes traditionnelles d'octroi de crédit aboutissent à une décision négative. Dans cette circonstance, qui relève ainsi du dernier recours, une estimation de la valeur de la propriété intellectuelle de la demandeuse, assurée par un partenaire spécialisé, Inngot, permettra d'envisager un prêt adossé au capital immatériel inventorié.

À regarder de loin le paysage et à écouter les prétentions de « digitalisation » des institutions financières, on finirait par croire qu'elles collent parfaitement aux évolutions rapides de leur environnement. Pourtant une initiative telle que celle de NatWest nous rappelle crûment le terrible décalage qui subsiste parfois entre les apparences et ce que vivent les clients. Il reste encore beaucoup de chemin à parcourir pour ne serait-ce que combler le retard accumulé depuis le début des années 2000…

NatWest – High Growth

vendredi 12 janvier 2024

Une garantie smartphone instantanée

BNP Paribas
Dans le cadre de l'assurance des téléphones mobile qu'elle distribue à travers son partenariat avec Orange, BNP Paribas Cardif introduit en ce début d'année une option d'acceptation instantanée des déclarations pour les sinistres de casse et d'oxydation, propulsée par une intelligence artificielle, pour une indemnisation toujours plus rapide.

Lors d'un accident sur leur téléphone, le million de clients de l'opérateur ayant souscrit la garantie se verront désormais proposer d'emprunter la « voie express » pour leur demande de prise en charge (sans aucune obligation, l'intervention d'un agent restant directement accessible en cas de refus). La plate-forme procède alors automatiquement à l'analyse des informations transmises et des antécédents de la personne et rend sa décision en cinq secondes, contre deux heures aujourd'hui, en moyenne.

Cette accélération promet une amélioration sensible de l'expérience utilisateur : au-delà du temps gagné, c'est surtout la fin de la période d'incertitude qui s'écoule avant d'obtenir une réponse qui fait la différence. Avec le service d'échange sous 24 heures précédemment mis en place par Orange, le stress de l'indisponibilité du smartphone est (presque) évacué… même si on peut regretter que ne soit pas envisagée en priorité une réparation, plus respectueuse de l'environnement, dans le même genre de délai.

Je suis toutefois curieux des réactions des clients, notamment ceux qui seront déboutés par les algorithmes, quand ils comprendront que le raisonnement de la machine jugeant leur dossier est basé pour l'essentiel sur une évaluation de leur comportement, tel que le reflètent leurs interactions avec leur fournisseur. Le principe est certainement valide et on peut faire confiance à un assureur pour avoir éprouvé sa mise en œuvre… mais quid de sa perception par les premiers concernés ?

Si je me projette dans une évolution légèrement futuriste, la prochaine étape pourrait être un contrat paramétrique. Plutôt que de demander au client d'enclencher lui-même les démarches, la puissance de calcul embarquée dans les appareils modernes pourrait peut-être détecter les signes d'un défaut matériel et assumer spontanément le parcours de gestion de sinistre, de bout en bout. Son immense avantage serait l'élimination de la phase d'étude du profil du demandeur et sa connotation implicite de suspicion.

Quoi qu'il en soit, à moins d'un violent retour de bâton de la part des consommateurs, de telles approches automatisées sont vouées à se répandre dans le monde de l'assurance. En effet, outre leurs bénéfices en terme de satisfaction clientèle, elles sont aussi attractives par leur capacité à réduire les coûts élevés des traitements humains dans les opérations courantes. Mais chut ! Les acteurs qui se lancent maintenant jureront leurs grands dieux qu'il n'est pas question de remplacer les employés par l'IA.

BNP Paribas Cardif x Orange