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C'est pas mon idée !

dimanche 30 avril 2023

La désintermédiation de la banque progresse

Bain & Company
Une vaste étude commanditée par le cabinet de conseil Bain & Company fournit une intéressante perspective sur l'évolution des comportements et de la fidélité des consommateurs dans le secteur bancaire. Principal enseignement, les tendances observées dans les régions émergentes devraient inquiéter dans les pays développés.

Naturellement, les nouveaux entrants enregistrent une pénétration beaucoup plus importante dans les pays tels que le Brésil et l'Inde, où leurs offres bon marché et simples d'accès conquièrent rapidement les populations écartées du système financier traditionnel. Cependant, ils commencent maintenant à prendre des parts significatives parmi les catégories plus aisées et mieux éduquées, y compris là où le niveau de bancarisation est élevé, auquel cas l'équipement multiple prévaut fréquemment.

Bien que le phénomène soit éminemment variable selon les géographies (la France semble la moins sensible… pour l'instant), il est en progression partout, en particulier en ce qui concerne l'adoption de porte-monnaie virtuels. Le mouvement, d'abord visible chez les jeunes, prend désormais de l'ampleur dans toutes les catégories d'âge, notamment pour les achats en ligne et les échanges entre pairs (P2P). Les paiements deviennent de la sorte un des premiers vecteurs de désintermédiation de l'industrie.

Or les conséquences d'un tel éclatement ne sont pas à prendre à la légère, même si, à ce jour, aucune solution ne parvient ailleurs à un succès du même ordre que ceux d'Alipay ou de WeChat Pay en Chine et si on peut rester sceptique sur la capacité de la génération montante de concurrents innovants aux catalogues restreints – néo-banques en tête, dans le monde occidental – à développer un modèle rentable à long terme et, donc, à représenter une menace sérieuse pour les établissements historiques. Et la perte d'opportunités d'interactions qu'il entraîne n'est pas la seule à considérer.

Bain - Customer Behavior and Loyalty in Banking

En effet, en parallèle de celui-ci, un autre changement se dessine dans les attentes des clients. L'enquête de Bain révèle ainsi que l'habitude d'obtenir des services personnalisés dans de multiples domaines de la vie courante les conduit à demander le même genre d'approche avec leur argent. Concrètement, exemples réels à l'appui (de DBS à RBC et son NOMI), ils déclarent être plus satisfaits de leur relation bancaire quand elle s'ajuste à leur contexte et ils appréci(erai)ent que leurs données soient exploitées dans le but de leur recommander des produits correspondant à leurs besoins.

Le problème est que ses paiements constituent la source d'information unique la plus riche et la plus complète disponible aujourd'hui sur un individu. Dès qu'une partie de ses transactions échappent à son fournisseur primaire, c'est un peu de la connaissance intime de son comportement qui est soustraite à ce dernier, réduisant sa faculté de le conseiller avec le maximum de pertinence. Dans ces conditions, la multiplication des instruments dans les portefeuilles représente aussi un facteur d'insatisfaction en puissance.

Dans les faits, le risque est double pour les (nombreuses) institutions financières qui ont déjà accumulé un retard conséquent dans leur prise en compte de cette exigence croissante de personnalisation. Leur insuffisance en la matière engendre un surcroît de défiance propice à la recherche de partenaires complémentaires (sinon de substitution). Le recours à des produits tiers par les clients rend alors de plus en plus difficile de résorber les déficiences constatées… et le cercle vicieux est enclenché.

samedi 29 avril 2023

L'éco-conception logicielle se concrétise

Crédit Agricole
L'omniprésence des logiciels dans notre monde contemporain et leur complexité croissante font du numérique une des sources majeures et en progression constante d'émissions de gaz à effet de serre. Après une phase de sensibilisation et d'éducation des développeurs, concernés au premier chef, l'heure est venue de leur proposer des outils concrets.

Telle est donc la mission assignée au challenge ecoCode, dans le prolongement de celle que porte la structure de recherche de même nom autour des bonnes pratiques à encourager afin de réduire les impacts environnementaux des applications omniprésentes. Il prend la forme d'un hackathon, au cours duquel les participants sont invités non plus seulement à imaginer des règles et des recommandations mais à implémenter des contrôles opérationnels, outillés, sur le code produit.

La voie retenue pour remplir cette objectif est aussi élégante que pertinente. Elle consiste en effet à intégrer des capacités spécialisées sur la dimension responsable au sein de SonarQube, une plate-forme largement utilisée dans les équipes informatiques pour la recherche d'erreurs en tout genre dans leurs programmes. Un greffon dédié à l'éco-conception a été défini afin d'accueillir toutes les bonnes idées en la matière, qui peuvent de la sorte être mises en œuvre sans changement dans les procédures habituelles.

Plus précisément, dans une organisation ayant déjà intégré le système dans sa chaîne de développement, il suffira d'activer l'option ad hoc pour obtenir, lors de l'analyse de qualité effectuée normalement à l'issue des tests unitaires, des alertes sur les bourdes (classiques) susceptibles d'engendrer une surconsommation énergétique, aux côtés de celles révélant des anomalies algorithmiques, des vulnérabilités de cybersécurité…

Challenge ecoCode

Sponsorisé et co-organisé par le Crédit Agricole (Société Générale et la Banque de France étant également partenaires), le challenge, dont la deuxième édition se déroulait au début de ce mois d'avril, semble avoir été particulièrement prolifique. La centaine de personnes rassemblées pour l'occasion, dont bon nombre d'étudiants en provenance de plusieurs écoles (Neoma, Epita, INSA Lyon, Université Paris Dauphine…), ont ainsi contribué un total de 34 nouvelles règles, validées par un jury d'experts, autant du point de vue de leur légitimité théorique que de leurs modalités de vérification.

L'exercice est doublement vertueux, en animant un effet de communauté autour de l'événement lui-même (avec des retombées sur l'ensemble de l'initiative ecoCode) et en aboutissant à un résultat – distribué sous licence libre, comme tous les artefacts de l'entité – immédiatement exploitable par toutes les entreprises. Sur ce dernier plan, le passage à une démarche pragmatique, qui ne se contente pas d'un corpus documentaire mais l'accompagne d'un outillage adapté, est une avancée essentielle pour la généralisation de pratiques respectueuses de l'environnement dans les départements informatiques.

vendredi 28 avril 2023

Une carte pour les transporteurs Uber Freight

Uber Freight
Depuis longtemps, Uber propose à ses chauffeurs une carte de paiement assortie de quelques fonctions et avantages dédiés à leurs besoins. Aujourd'hui, le pionnier des VTC déploie une promesse équivalente à l'intention des entreprises et des professionnels qui recourent à sa solution (moins connue) de transport de marchandises.

En l'occurrence, l'offre s'avère plus complexe car elle s'adresse, et s'adapte, aux deux catégories distinctes d'utilisateurs de la plate-forme Uber Freight. D'un côté, les transporteurs indépendants ont essentiellement des attentes similaires aux conducteurs de l'activité de déplacements privés. En revanche, les petites et moyennes structures qui prennent en charge une partie des demandes ont d'autres exigences, relevant de la gestion de flotte, où elles sont confrontées à des problématiques particulières.

Comme toujours quand Uber s'infiltre dans le secteur financier, c'est par l'intermédiaire d'une collaboration et le partenaire retenu ici est la jeune pousse californienne AtoB. Encore une fois, les poids lourds de l'industrie se trouvent donc écartés… et non sans raison. En effet, là où la concurrence, traditionnelle ou non, d'ailleurs, se contente de distribuer des cartes extrêmement restrictives, celle qu'a sélectionnée Uber Freight cumule une liberté d'usage avec plusieurs options de contrôle personnalisables.

Ainsi, sa première différence est la faculté qu'elle autorise de payer dans toutes les stations-services qui acceptent Visa, soit la quasi-totalité du réseau aux États-Unis, et non d'être limitée à une enseigne précise. Cette universalité ne l'empêche pas d'inclure des programmes promotionnels, dans des proportions variables selon les points de ravitaillement, une application mobile permettant au porteur de repérer les plus économiques sur son parcours (aussi selon le prix affiché à la pompe, bien entendu).

Uber Freight + AtoB

Une facilité qu'apprécieront bien des clients sera le paiement dans la journée des tâches effectuées, réservée toutefois aux plus fidèles puisque déclenchée uniquement si les dépenses (de carburant) du mois précédent sont supérieures à 2 000 dollars. Dans un autre registre, deux modes séparés sont disponibles, dépendant d'une estimation de la fiabilité financière de l'entreprise enregistrée (via l'analyse de son historique bancaire) : prépayé ou, pour les sociétés jugées solides, en règlement différé, hebdomadaire.

Les PME possédant des flottes plus ou moins nombreuses disposent en outre d'une série de moyens avancés de lutte contre la fraude des employés, (apparemment) fréquente : déblocage de la carte uniquement à la demande, via envoi d'un SMS, et interdit tant que la jauge indique une réserve confortable, vérification de la localisation près d'une pompe lors d'une transaction, limitation du plein à la capacité du réservoir… À l'inverse, il est aussi possible, notamment pour les indépendants, de payer leurs frais connexes avec leur carte Uber Freight (péage, parking, lavage, dépannage, réparations…).

AtoB constitue un exemple typique de startup lancée sur l'idée de procurer un service personnalisé à une niche qui paraît trop restreinte aux yeux des acteurs historiques ou leur est plus probablement totalement méconnue pour justifier un investissement. Elle a pourtant conquis quelques 100 000 professionnels et son contrat avec Uber Freight lui donne instantanément accès à 100 000 de plus. Ces chiffres devraient attirer leur attention… mais, dans une certaine mesure, il est trop tard pour réparer la négligence.

mercredi 26 avril 2023

Éloge de la curiosité

Forrester
Quand Lisa Singer (Forrester) vante les bienfaits de la curiosité, et pas uniquement dans un but d'innovation, elle s'adresse aux responsables de produit. Je pense toutefois que ses arguments valent pour tous les départements des entreprises, surtout dans un contexte où on exhorte sans cesse ces dernières à focaliser leur attention sur leurs clients.

Parce qu'elle tend à déranger, la « sagesse » populaire nous enseigne que « la curiosité est un vilain défaut ». Or cette perception de courte vue, répandue dans de nombreuses cultures, a des effets pervers dans un monde en évolution permanente. Car, selon Lisa, elle constitue une des clés de la performance des chefs de produit « digitaux » et elle en décortique quatre raisons principales. Il restera à savoir comment la réhabiliter et lui redonner une place de choix alors qu'elle est étouffée dès le plus jeune âge.

En synthèse, la vertu capitale de la curiosité appliquée aux activités professionnelles est sa capacité d'incitation à découvrir et comprendre les véritables besoins d'un utilisateur. S'il est toujours plus facile et rapide de s'appuyer sur les stéréotypes incrustés dans les habitudes historiques ou de se contenter d'études superficielles, celle ou celui qui creuse son analyse aura toutes les chances d'aboutir à des conclusions plus précises et plus pertinentes et saura établir des priorités entre les différentes exigences identifiées.

Un avantage dérivé de cette recherche en profondeur est de réduire l'impact des biais cognitifs qui affectent notre cerveau humain. Plus l'exploration est poussée et élargie, moins on courra le risque de s'arrêter aux facteurs qui valident des hypothèses prédéterminées (le biais de confirmation), mais également de négliger des dimensions traditionnellement écartées ou oubliées, de s'abstenir de prendre en considération des populations marginalisées… en un mot, de s'enfermer dans le cadre existant.

The Case For The Curious Product Manager

Dans un autre registre, la curiosité représente aussi un formidable moyen de stimuler la créativité et favoriser l'innovation. Dans un sens positif, elle contribue à la reconnaissance d'opportunités, inédites ou issues d'autres domaines (au sein ou hors de l'organisation), permettant de mieux répondre aux attentes de la cible retenue et de développer des solutions plus efficaces. A contrario, elle peut aussi servir à anticiper des menaces, difficultés, dangers… et à prendre des mesures de mitigation en amont.

Convaincu⋅e ? Il ne vous reste qu'à cultiver la curiosité dans vos équipes, quelle que soit sa mission. Pour ce faire, une seule stratégie : il faut encourager le questionnement. Répété et réitéré, jamais rejeté ni méprisé, le « pourquoi », en particulier, est un instrument puissant, grâce auquel on peut remonter aux sources des problèmes, clarifier les raisonnements, remettre en cause le statu quo, atteindre des solutions originales… Hélas, comme toujours avec les comportements, le changement ne se décrète pas et requiert de la patience. Alors, commencez donc par donner l'exemple !

mardi 25 avril 2023

L'EPI bouge encore !

EPI
Sans nouvelles depuis plusieurs mois et alors que, sans surprise, l'échéance de déploiement initialement fixée à 2022 est passée sans que pointe le moindre produit à l'horizon, l'initiative européenne de paiementEPI – fait soudain parler d'elle… avec pas moins de trois annonces ! Qui confirment hélas la dérive pressentie dès son origine.

La principale information à retenir est la fenêtre de lancement de la solution : une phase pilote pourrait commencer en France et en Allemagne vers la fin de cette année, une généralisation incluant aussi la Belgique étant ensuite envisagée au début de 2024. Soit plus d'un an de retard sur le planning des premiers temps… avec un périmètre sérieusement réduit puisqu'il ne sera alors question que d'échanges entre particuliers. Aucune date n'est évoquée pour les paiements professionnels et marchands.

Ces délais, dont on imagine facilement qu'ils s'étaleront sur plusieurs années, n'empêchent pas le renouvellement de promesses mirobolantes (pour le siècle prochain ?). Seront ainsi couverts (un jour) les règlements récurrents pour les abonnements, le paiement à la livraison ou à tempérament, les options différées et/ou fractionnées, les programmes de fidélité… En revanche, les prétentions transcontinentales du dispositif ne sont guère étayées au-delà des trois pays cités.

Car une autre évolution concerne l'actionnariat dans la société porteuse de l'EPI. Quatre établissements supplémentaires font ainsi leur entrée dans le club, portant le total à 16. Outre un belge (Belfius) et un allemand (DZ Bank), deux poids lourds néerlandais rejoignent ING : ABN AMRO et Rabobank. Au mieux, la zone d'influence pourrait ainsi s'étendre aux Pays-Bas, mais, même si elle représente plus de la moitié des paiements (hors espèces) en euros, on reste fort loin d'une plate-forme paneuropéenne.

EPI Bridge

Enfin, la dernière actualité partagée révèle probablement un changement de stratégie. Il s'agit de l'acquisition de deux acteurs de référence sur le marché du Benelux, Payconiq et iDEAL (qui explique peut-être les ralliements concomitants). Combiné avec la révélation que la déclinaison française de l'EPI s'appuiera sur Paylib, le porte-monnaie mobile des banques hexagonales, il semblerait que ma suggestion d'essayer de fédérer les produits nationaux existants plutôt que de repartir de zéro ait finalement trouvé un écho !

Coïncidence amusante, Visa a apparemment eu une idée similaire, pour l'instant confinée aux États-Unis, avec, certes un objectif a priori différent (les frontières entre états n'étant pas un sujet, là-bas). Si le concept devait être développé dans le reste du monde, certainement à une vitesse autrement plus élevée que le train prudent de l'EPI, nul doute que ce dernier en souffrirait… Un comble pour un système qui est né sur l'ambition, désormais mise en sommeil, de détrôner les réseaux de carte américains.

Dernière source d'interrogation, les associations européennes du secteur du crédit exprimaient il y a quelques jours leur souhait d'une clarification sur la future identité digitale des 27, qu'elles soupçonnent de vouloir inclure obligatoirement le paiement dans son champ d'action. D'un côté, quelques banques veulent imposer leur instrument universel, tandis que, de l'autre, l'industrie prétend que la charge que représenterait une telle implémentation serait insupportable… La convergence n'est pas pour demain…

lundi 24 avril 2023

ABN AMRO appuie sur l'éducation financière

ABN AMRO
ABN AMRO n'est certainement pas la première banque à déployer une application destinée à aider les enfants à mieux gérer leur argent de poche et à essayer de leur enseigner quelques bases du pilotage des finances personnelles. En revanche, son ambition et ses motivations, fixées sur le long terme, dénotent une perspective plus originale.

Issue d'une collaboration avec la jeune pousse suédoise éponyme, l'application Gimi se focalise entièrement sur ses objectifs pédagogiques. Il s'agit donc de transmettre aux petits néerlandais, de 8 à 13 ans, les notions fondamentales qui leur permettront de comprendre l'argent et les mécanismes élémentaires qui régissent un budget. Et, au lieu de se contenter d'expliquer ou de montrer comment s'y prendre, elle leur propose de s'exercer directement sur leurs économies, pour démultiplier son efficacité.

Concrètement, l'utilisateur peut, sous le contrôle de ses parents, connecter son compte bancaire personnel (spécifique pour cette classe d'âge), gratuitement s'il est détenu chez ABN AMRO, ou, à défaut, il suivra sa situation manuellement. Sans grande originalité, il se verra alors assigner des petites corvées du quotidien afin d'accroître sa cagnotte et, s'il le souhaite, en mettre tout ou partie de côté pour un projet de son choix. En revanche, il lui est impossible d'exécuter des paiements ou des transferts au sein du logiciel.

En parallèle et, malheureusement, sans que soit explicitée leur articulation avec le volet opérationnel, des jeux, élaborés en collaboration avec des institutions éducatives de référence, sont proposés dans l'optique de faire découvrir et maîtriser la valeur de l'argent aux jeunes inscrits. Par exemple, ils pourront s'amuser à deviner le prix d'un produit donné ou, pour appréhender le principe de proportionnalité, calculer combien de sandwiches ils pourraient acheter pour l'équivalent d'un pantalon neuf.

ABN AMRO x Gimi

Un an après le lancement expérimental de Gimi, auprès de 3 000 cobayes, ABN AMRO estime que c'est un succès. Un indicateur qu'elle cite à l'appui de son satisfecit est la moyenne de 5 consultations hebdomadaires du solde de compte, qui démontre un engagement significatif de la cible visée avec la solution… et l'intérêt porté à la position budgétaire. L'heure est donc venue de sa généralisation, avec le dessein de séduire un tiers des clients de la tranche des pré-adolescents à un horizon de 3 ans.

Le rêve est d'autant plus admirable que, de l'aveu même de la banque, les résultats escomptés ne seront pas perceptibles avant 10 à 15 ans. En effet, le but recherché est de (re)donner aux futurs citoyens l'autonomie indispensable pour gérer leurs finances personnelles – dans un contexte où les parents ne parviennent plus à assurer ce pan de l'apprentissage de leur progéniture – et leur éviter les dérives de la génération actuelle des 18-26 ans, dont un sur cinq serait dans l'incapacité de faire face à ses obligations.

Au-delà de son apparent dévouement envers le bien-être général, la démarche d'ABN AMRO relève, d'une certaine manière (et toutes proportions gardées), d'un réflexe de survie : si, dans le prolongement de ceux d'aujourd'hui, ses clients de demain ne possèdent plus aucun repère autour de l'argent, il deviendra difficile de les servir. Il n'en reste pas moins qu'on peut saluer ses efforts projetés sur un avenir lointain, tellement rares et pourtant tellement nécessaires dans notre monde court-termiste.

dimanche 23 avril 2023

L'IA transformera le développement logiciel

OpenAI
Depuis (presque) mes débuts professionnels, comme développeur, j'ai toujours pensé qu'un jour la machine serait capable de remplacer ce métier encore très artisanal. Pendant des décennies, je me suis entendu rétorquer que c'était une illusion et que ce rêve ne se réaliserait jamais. Jusqu'à l'arrivée de ChatGPT, qui remet en cause ces certitudes.

Les indices convergents d'avancée vers la maturité se multiplient au fil des progrès technologiques. En particulier, des versions plus ou moins expérimentales de générateurs de code par simple énoncé d'une description de la fonction à remplir, tels qu'OpenAI Codex (par la même société qui est à l'origine de ChatGPT), ont fait leurs premiers pas sur le marché il y a plusieurs années. Pourtant, l'adoption est restée très marginale, probablement faute de crédibilité (et de fiabilité ?) de ces premières tentatives.

Mais soudain, l'irruption de la vedette de l'intelligence artificielle générative chamboule les perceptions. Dès sa publication, des professionnels ont immédiatement évalué ses capacités à produire des algorithmes complets et les convertir en programmes opérationnels ou, dans un autre registre, à analyser des sources afin d'y rechercher des erreurs. Apparemment, les résultats sont suffisamment prometteurs pour susciter l'introduction de ce genre de fonctions automatisées dans les plates-formes existantes.

Microsoft, notamment, qui s'empresse d'exploiter les opportunités créées par son investissement dans OpenAI, inclut désormais l'expertise de ChatGPT au sein de Power Apps, sa solution de programmation « low code » (c'est-à-dire essentiellement grâce à des outils graphiques). Les possibilités se répartissent en deux catégories, entre l'assistance à l'utilisateur (par exemple pour la conception de modules via une interface conversationnelle) et l'ajout d'éléments d'IA dans les applications développées.

Pour l'instant, il est surtout question d'optimiser le travail des informaticiens, autant par son accélération qu'à travers l'amélioration de sa qualité, faut-il noter. En effet, le recours à un outil qui s'appuie sur une immense librairie virtuelle, riche de millions de références, permet de promouvoir des pratiques à l'état de l'art, en termes de performance, d'architecture… Potentiellement, les intéressés profiteront de sa mise en œuvre pour apprendre de nouvelles techniques et garder leur avantage sur les robots.

Par ailleurs, quelques limitations importantes viennent entacher le paysage. Sur le plan de l'usage, d'abord, le tchat n'est pas toujours le mieux adapté pour les tâches de développement (entre autres pour la définition d'une interface graphique). Sur le plan technique, ensuite, les enjeux de sécurité ou de protection des données, tellement sensibles dans le secteur financier, ne sont pas pris en compte à l'heure actuelle (ils requerront un entraînement spécifique) et imposent donc la vigilance (humaine).

En conclusion, l'heure n'est pas encore tout à fait venue de laisser des collaborateurs sans expérience créer leurs logiciels en totale autonomie. Mais ce moment (une autre forme – modeste – de singularité de l'intelligence artificielle ?) se rapproche indiscutablement et il ne reste dorénavant plus grand monde pour refuser d'y croire…

Robot Codeur

samedi 22 avril 2023

Les français et la retraite : sans illusions

BPCE
En pleine agitation du pays sur le sujet de la retraite, BPCE Assurances présente la deuxième édition de son baromètre des changements de vie, dont un volet important lui est consacré. Principale observation, les français sont de plus en plus nombreux à prendre leur destin en main, se rapprochant de la sorte des habitudes du reste du monde.

Pendant longtemps, le système par répartition en vigueur dans l'hexagone depuis la fin de la seconde guerre mondiale a profondément marqué les comportements de ses citoyens qui, étant assurés de percevoir une pension décente à l'issue d'une vie de labeur (pas trop longue), attendaient ce moment de libération en totale insouciance. Las, entre les prévisions catastrophistes de certains et les réformes successives, le rêve de sécurité semble désormais s'estomper et la solidarité d'antan laisse la place au chacun pour soi.

En effet, l'enquête menée par BPCE Assurances à la fin du mois de février 2023 révèle que, si le départ en retraite reste une étape de l'existence ressentie comme positive par la majorité, il constitue également une source d'inquiétude – sous différentes formes – pour une partie conséquente de la population. Autre indicateur révélateur de l'évolution de l'état d'esprit général, presque la moitié des personnes interrogées mettent de l'argent de côté en prévision de leurs vieux jours… et le phénomène affecte singulièrement les jeunes générations (30% des 18-24 ans et 47% des 25-34 ans).

Le constat est d'autant plus flagrant que, parmi ceux qui n'entrent pas dans ces statistiques, figurent le tiers de consommateurs qui se déclarent dans l'incapacité de créer une réserve par manque de moyens. A contrario, une fraction non négligeable des répondants confirment réduire leur train de vie afin de préparer leur avenir. Par ailleurs, les solutions adoptées restent relativement basiques, entre accumulation d'un capital et recours à un plan d'épargne (souvent spécialisé), en passant par l'achat immobilier.

Baromètre BPCE Assurances

Le panorama d'ensemble fait ainsi ressortir une volonté croissante de nos concitoyens de se prendre en charge face à la perte de confiance dans les mécanismes traditionnels de retraite, assortie de multiples facteurs de vulnérabilité, intrinsèques – entre revenus insuffisants et éducation financière défaillante, générateurs d'angoisse – et conjoncturels – crise du pouvoir d'achat en tête. Voilà qui devrait susciter l'attention de l'industrie !

Devant une telle transformation forcée des modèles historiques, les banques et les compagnies d'assurance ont le devoir de mettre à la disposition de leurs clients les outils qui leur permettront d'affronter leurs incertitudes. Et, avant de mettre en avant des produits tous plus lucratifs les uns que les autres (pour leurs fournisseurs), il s'agirait surtout de les accompagner dans l'élaboration de leur stratégie de parcours de vie.

Grâce à notre formidable infrastructure de sécurité sociale, les français n'ont jamais eu les préoccupations de prévoyance qui mobilisent leurs semblables dans d'autres pays. Avec sa dégradation progressive, ils se trouvent aujourd'hui démunis car ils ne possèdent aucun des réflexes nécessaires pour reprendre les rênes, par exemple en matière d'investissement. C'est cette lacune béante qu'il faut combler en priorité.

vendredi 21 avril 2023

Ocho s'intéresse au patrimoine des freelances

Ocho
Ocho, qui vient de finaliser une ronde d'amorçage à hauteur de 4,5 millions de dollars, porte la noble ambition d'aider les freelances américains à consolider leur patrimoine financier… en commençant par la préparation de leur retraite. Sous cette perspective, sa vision de l'investissement boursier s'inscrit dans une tendance émergente.

Aux États-Unis, quelques 50 millions de personnes exerceraient une activité professionnelle indépendante et, alors qu'elles sont (naturellement) écartées des outils de support déployés par les entreprises à l'intention de leurs employés, notamment en matière de prévoyance, la plupart d'entre elles confirment leurs lacunes d'éducation financière et, par conséquent, leurs difficultés à planifier leur stratégie d'épargne.

Le premier produit développé par Ocho en réponse à cet immense besoin latent n'est pas très original mais il constitue tout de même une étape importante pour ses clients peu avertis, grâce à sa simplicité de mise en place et de suivi. Il s'agit en effet d'un plan réglementé (et fiscalement avantageux), dit « 401k solo », dédié à la retraite des entrepreneurs individuels, qui place ces derniers à égalité avec les salariés.

Idéalement, du point de vue du fondateur de la jeune pousse, les intéressés devraient être en mesure de définir leurs objectifs et leurs préférences, configurer leurs versements… et laisser la plate-forme gérer leur patrimoine – autant leur économies pour leurs vieux jours que, par exemple, une réserve consacrée à un futur grand projet – de manière entièrement automatique. Ocho n'a hélas pas (encore) atteint ce niveau de maturité.

Ocho Solo 401k

En attendant, l'utilisateur reste donc responsable de la composition de son portefeuille. Il dispose pour ce faire d'une large palette d'instruments, depuis les classiques fonds indiciels jusqu'à une sélection de crypto-actifs, en passant par des actions de sociétés cotées ou des supports immobiliers. Pourtant, Ocho se défend de devenir une énième imitation des applications de trading telles que Robinhood et souligne sa singularité.

En l'occurrence, en parfait alignement avec son positionnement sur l'investissement à long terme, sa priorité est de convaincre ses adeptes d'acheter et conserver leurs titres et non d'entrer dans des cycles de spéculation, par multiplication des acquisitions et reventes. La cible est de rendre la bourse « ennuyeuse » (donc propice à la délégation, un jour) et, à rebours, d'éviter de la transformer en jeu de hasard dangereux et addictif.

À l'appui de sa stratégie, Ocho fournit un soutien opérationnel. Ainsi, lors de transactions sur des actifs volatils, des produits plus prudents sont recommandés (par exemple via panachage sectoriel). Par ailleurs, une section complète de son site est réservée à un espace éducatif (offrant cours, ateliers interactifs, sessions d'échange avec des experts…), qui, incidemment, constitue sa seule source de revenus à ce jour.

Pour des raisons différentes, le robot-conseiller Wealthfront introduisait le mois dernier une extension similaire à ses solutions d'investissement piloté. Peut-être un mouvement général est-il en train de se dessiner outre-Atlantique vers un retour à la sagesse dans l'utilisation des instruments de marchés… après la folie des services de trading gratuits et des cryptomonnaies… et le mirage d'enrichissement instantané qu'elle a engendré.

jeudi 20 avril 2023

HSBC expérimente le calcul confidentiel

HSBC
Initialement, le Global Shipping Business Network (GSBN) est une de ces organisations sectorielles créées dans l'espoir (l'illusion ?) de capitaliser sur les bénéfices de la blockchain dans le but d'optimiser ses opérations. Celle-ci explore cependant d'autres opportunités, probablement plus prometteuses, sur la protection des données.

Fondé à Hong Kong par 8 des plus grandes entreprises mondiales du transport maritime, le consortium à but non lucratif a pour mission essentielle de redéfinir le fonctionnement traditionnel de l'industrie. Naturellement, le financement des échanges (« trade finance ») en constitue une composante importante et figure parmi les sources majeures de frictions, ce qui explique pourquoi il est un de ses principaux axes de travail et pourquoi HSBC a entamé une collaboration sur le sujet depuis longtemps.

Concrètement, le problème qui fait l'objet de son dernier chantier en date concerne la confidentialité des données. Comme dans tant d'autres domaines, l'accès à l'information et son exploitation en vue de fiabiliser, accélérer et améliorer les processus existants, clés de la performance au XXIème siècle, sont fréquemment confrontés aux réticences de leurs propriétaires, jaloux de leurs secrets, parfois aux réglementations en matière de protection et toujours aux risques omniprésents de cybersécurité.

En l'occurrence, l'objectif visé par HSBC consiste à consolider des statistiques sur les activités des transporteurs, de manière à appréhender plus précisément le nombre de convoyages effectués, la nature et le volume des marchandises acheminées, les routes empruntées… qui déterminent les conditions des crédits accordés (ou non). Or, à ce jour, les intéressés, de leur côté, ne souhaitent pas partager ce niveau de détail sur leurs affaires, qui potentiellement exposerait une partie de leur avantage concurrentiel.

GSBN Confidential Computing

Depuis quelques années, diverses approches ont émergé en réponse à ce genre de besoins, de plus en plus répandus, d'utilisation de données sensibles sans qu'elles ne soient directement lisibles. Laissant de côté le chiffrement homomorphique et les traitements multi-partie souvent envisagés, le GSBN a choisi une autre technologie – le calcul confidentiel (« confidential computing ») – pour son expérimentation, en s'appuyant sur un partenariat avec une jeune pousse suisse spécialisée, Decentriq.

Le principe repose sur un mécanisme de sécurité physique, au niveau des processeurs (les puces électroniques), matérialisé par une enclave inviolable, à laquelle aucun participant n'a jamais accès. Les différents fournisseurs injectent chacun leurs précieuses données, préalablement chiffrées ; celles-ci ne sont décryptées que dans cette sorte de forteresse, à l'abri des regards, le temps d'exécuter les algorithmes qui y ont été installés ; et les résultats sont ensuite restitués au bénéficiaire (c'est-à-dire la banque, ici).

Le recours à la solution de Decentriq permet de faciliter la mise en œuvre des briques fondamentales déployées par Intel (dont les composants intègrent la fameuse enclave) et Microsoft (qui les met à la disposition de ses clients sur sa plate-forme infonuagique Azure). Elle inclut en effet dans ses « salles blanches » une couche de gouvernance indispensable, en particulier sur la gestion des autorisations : les propriétaires de données ont un droit de regard sur qui peut les exploiter mais également de quelle manière, chaque changement étant systématiquement soumis à leur approbation explicite.

Grâce au calcul confidentiel et à ses garanties de confidentialité et de transparence, HSBC tire ainsi parti d'une mine d'information qui lui était jusqu'alors interdite et peut en outre combiner et croiser de multiples sources (celles des agences portuaires, par exemple) pour raffiner ses analyses. Hélas… le GSBN n'évoque que superficiellement l'hypothèse de son industrialisation après ce test concluant. En attendant, souhaitons que d'autres entreprises sachent s'emparer de l'opportunité pour leurs propres usages.

mercredi 19 avril 2023

Ces idées qui ne meurent jamais…

Revolut
Revolut annonçait il y a quelques jours le déploiement de la toute dernière version de son application mobile, dont une des principales nouveautés rappelle de nombreuses tentatives sans lendemain remontant à une quinzaine d'années. Voilà une occasion de se pencher sur ces idées a priori lumineuses qui ne séduisent pas leur audience.

En l'occurrence, la neuvième itération majeure du logiciel de Revolut introduit la faculté pour l'utilisateur d'en agencer l'écran d'accueil à sa guise, en choisissant parmi une vaste gamme de widgets configurables à loisir – analyse budgétaire, bien sûr, mais aussi bénéficiaire (régulier) de virement, cagnotte de projet, transactions récentes… – ceux qu'il veut avoir toujours sous la main, selon ses habitudes et préférences, afin de surveiller ses comptes d'un coup d'œil ou exécuter ses opérations fréquentes d'un geste.

Bien entendu, sur le papier, le principe paraît éminemment pertinent : quand les outils bancaires s'enrichissent de tant de fonctions – parfois même, désormais, sans rapport avec la finance – qu'il devient difficile de retrouver celles dont on a besoin ou qu'il faut parcourir des menus sans fin (pas toujours très intuitif, de surcroît) avant d'y accéder, proposer au mobinaute la possibilité d'extraire celles qu'il sollicite le plus, de manière à les rassembler sur un tableau de bord proéminent s'impose comme une évidence.

Et pourtant, tous ceux qui ont mis en place un tel système au fil des ans (on ne les compte plus !) ont fini par renoncer, faute d'adoption significative. Pourquoi ? Il est difficile de répondre avec certitude, mais j'ai deux hypothèses. D'une part, l'effort demandé pour cette personnalisation est peut-être trop intense, au moins en perception, par rapport au gain escompté. D'autre part, ce dernier est certainement faible, car la majorité des consommateurs expriment les mêmes attentes : visualiser instantanément le solde disponible et, éventuellement, réaliser un virement, deux options déjà mises en avant.

Rev 9.0

Le raisonnement d'origine serait ainsi pris en défaut sur la présomption que les clients de la banque ont chacun des actions privilégiées dans leur usage normal de l'application mises à leur disposition, alors que, en réalité, les services basiques répondent aux exigences courantes de l'ensemble de la population. Certains établissements, qui ont compris (?) cet état de fait, ont revu leur approche en prenant conscience que la solution au foisonnement de fonctions consistait à faciliter leur découverte – via un moteur de recherche – quand elles sont requises, la plupart ne l'étant qu'exceptionnellement.

Naturellement, tout ceci n'est que supposition et conjecture de ma part… mais mon point est qu'une entreprise qui se lance dans une aventure, probablement coûteuse, possédant un aussi long historique d'échecs que celui de la personnalisation de l'écran d'accueil devrait étudier en détail ces antécédents afin d'en appréhender les raisons profondes (avec d'autres moyens que les miens), d'éviter d'en reproduire les erreurs et d'en tirer les indispensables enseignements qui lui permettront d'envisager le succès.

Dans le cas de Revolut, dont la démarche ne présente rien de très original au regard du passé, l'exercice semble avoir été oublié et je soupçonne, comme il arrive très souvent, que cette négligence soit due à une méconnaissance des références antérieures, lointaines et innombrables, il est vrai, et dont il est donc difficile de garder trace. Cependant, avec un peu de chance (pour la néo-banque), mon diagnostic est erroné et la maturité acquise par le consommateur en 2023 suffira à transformer cette fois l'essai…

mardi 18 avril 2023

CaixaBank célèbre le jour de la terre

CaixaBank
À l'occasion du jour de la terre, ce samedi 22 avril, l'espagnole CaixaBank déploie dans ses agences concepts une série d'animations destinée à sensibiliser ses clients aux défis environnementaux de notre époque. L'initiative me laisse une impression mitigée entre effort pédagogique légitime et communication aux relents de greenwashing.

Durant une semaine, du 20 au 27 septembre, les points d'accueil « tout-en-un » de l'enseigne à Ibiza, Burgos, Valence, Barcelone et Madrid, seuls disposant de l'espace requis, accueilleront donc un programme dédié à la préservation de la planète. Outre une conférence consacrée aux gestes du quotidien, il comportera, d'une part, une projection en trois dimensions d'images des fonds marins accompagnée de messages de vigilance et, d'autre part, des séances d'activités ludiques dans un métavers.

Ces dernières, accessibles sur réservation, permettront aux visiteurs, équipés de casques ad hoc, d'explorer trois mondes différents en réalité virtuelle – forêts, plages et océans. Sous prétexte d'excursion, diverses missions leur seront assignées afin de leur faire appréhender les enjeux de manière concrète et mieux éveiller leur conscience sur les précautions importantes à prendre pour la sauvegarde des écosystèmes naturels.

En comparaison des contenus traditionnels – qu'il s'agisse d'articles, de vidéos ou même de jeux interactifs –, la combinaison du recours à une technologie immersive et de l'implication personnelle dans le déroulement des opérations a, en principe, le mérite de renforcer l'engagement des participants et ainsi de démultiplier l'impact éducatif de l'information diffusée. De ce point de vue, la démarche paraît plutôt vertueuse.

CaixaBank & Métavers

En revanche, elle soulève également plusieurs questions susceptibles de tempérer l'optimisme. Sur un plan pas si anecdotique qu'il y paraît, je me demande quelle portée réelle elle peut avoir. Le nombre de clients qui profiteront de l'expérience sera nécessairement limité et ils risquent en outre d'être plus polarisés sur la forme (la réalité virtuelle) que le fond (la préoccupation climatique). Ajoutons son coût en émissions de gaz à effet de serre, jamais évoqué, et la validité de l'approche devient vite contestable.

Dans un contexte où elle se contente d'affirmer ses convictions et sa position de leader du développement durable, sans chercher à en apporter la preuve (qui pourrait pourtant aussi faire l'objet d'animations passionnantes) ni, simplement, à mettre en avant sa propre contribution à la défense de l'environnement, CaixaBank succombe implicitement au syndrome du report de responsabilité sur ses clients, en donnant l'impression de s'extraire du débat sous prétexte (évidemment fallacieux) de son exemplarité.

Ce n'est peut-être pas du greenwashing mais l'effet sur son audience est aussi désastreux. Et ce constat est d'autant plus regrettable que la banque est probablement sincère, au moins en partie, et que la solution qu'elle a imaginée n'est pas dénuée d'intérêt. Cependant, l'extrême sensibilité du sujet et les multiples excès qui l'entachent aujourd'hui imposent un surcroît de prudence et de modération… qui semblent difficiles (impossibles ?) à instiller dans les départements de marketing et de communication.

lundi 17 avril 2023

Minna lance la gestion d'abonnement en API

Minna Technologies
Cinq ans après leurs premiers pas, les fonctions de gestion des abonnements de Minna Technologies ont pris suffisamment de poids auprès des consommateurs pour créer un nouvel équilibre sur le marché. La jeune pousse veut maintenant exploiter sa position afin d'ouvrir de nouvelles opportunités à toutes les parties prenantes.

Pour mémoire, le principe originel de son produit (et de ses désormais nombreuses imitations), intégré dans les applications bancaires, consiste à analyser l'historique des transactions, de manière à identifier les prélèvements et autres paiements récurrents correspondant à des souscriptions. Outre un tableau de bord spécifique autorisant le suivi de ces engagements, sont également proposées quelques options d'optimisation, entre recherche d'alternative et simple résiliation, exécutables en quelques gestes.

Avec un tel système, les clients gagnent une flexibilité incomparable… que, bien évidemment, leurs fournisseurs n'apprécient guère. Alors, en s'appuyant aussi sur une étude qui démontrerait entre autres que, dans une majorité de cas, ceux qui interrompent leur abonnement préfèreraient mettre celui-ci en pause ou le faire évoluer (quand plusieurs niveaux, notamment de prix, sont disponibles), Minna souhaite offrir ces possibilités qui satisferont mieux les entreprises, toujours avec la même transparence.

Les banques et acteurs de la FinTech ayant adopté la solution ont donc désormais la faculté, par l'intermédiaire d'API unifiées, d'introduire une large gamme d'opérations dans leur espace de pilotage des abonnements, depuis la souscription (qui serait ainsi directement suggérée par l'application financière) jusqu'à la résiliation, en passant par le changement de plan, la mise à jour du mode de paiement, la suspension et la reprise…, selon les capacités disponibles auprès de chaque marchand, naturellement.

Minna Technologies Subscribe API

De toute évidence, cette extension, particulièrement riche, n'est envisageable que moyennant une participation active des prestataires. Ces derniers ont donc accès à leur propre jeu d'API, qu'il ne leur reste qu'à connecter à leurs applications internes pour procurer à leurs clients plus de souplesse… et limiter leur propension à les quitter définitivement. Et c'est certainement en raison de l'impact de ses dispositifs sur leurs taux d'attrition que Minna espère les convaincre de consentir les efforts nécessaires.

Les organisations concernées risquent néanmoins de trouver la pilule amère et d'accumuler du ressentiment vis-à-vis d'un partenaire qui, d'une certaine manière, les contraint à la collaboration afin de conserver leurs clients. D'autant plus que, si l'idée de gérer toutes leurs souscriptions depuis une plate-forme unique est attractive pour les abonnés, son immersion dans un environnement bancaire implique un biais budgétaire lors des prises de décision et écarte le volet émotionnel mis en avant par les vendeurs.

Dans un monde qui s'oriente de plus en plus vers une économie de services, au détriment de la propriété, de nouveaux codes sont appelés à émerger. Les rapports de pouvoir entre les consommateurs et leurs fournisseurs, par exemple, s'avèrent éminemment variables selon les domaines considérés, certains employant des techniques douteuses pour maintenir leur emprise (les « dark patterns »). Des outils tels que ceux de Minna ont le mérite de générer un puissant retour de balancier dans cette bataille latente.

dimanche 16 avril 2023

Le double rêve inaccessible de Twitter

eToro
En pleine débâcle, sur de multiples fronts, depuis son acquisition par Elon Musk, Twitter entame une collaboration avec eToro afin d'enrichir ses fonctions dédiées aux investisseurs sur les marchés. Selon les observateurs, il s'agirait d'un premier pas dans une stratégie d'expansion vers un modèle de « super app »… qui a peu de chances d'aboutir.

Quelles que soient les ambitions à long terme, la nouveauté du jour reste plutôt modeste, d'autant plus qu'elle s'appuie sur une extension introduite en décembre dernier, qui met en avant un graphique de cours des principales actions et de quelques indices (américains uniquement) lors d'une recherche de « #cashtag » – ces dérivés de mots-dièses, composés du signe du dollar suivi d'un symbole boursier, que les amateurs de trading ont imaginé de longue date dans le but de partager des informations sur les valeurs.

Depuis ce jeudi et l'entrée en vigueur du partenariat, la liste des titres accessibles est considérablement étendue (mais toujours centrée sur les États-Unis, apparemment, bien que des cryptomonnaies soient aussi incluses) et l'aperçu comprend désormais un lien vers le site d'eToro, où, d'une part, l'utilisateur a immédiatement accès à toutes les informations disponibles sur l'instrument sélectionné et, d'autre part, il pourra exécuter une transaction d'achat ou vente sur ce dernier en quelques gestes supplémentaires.

L'initiative vise évidemment à capitaliser sur l'indéniable engouement des investisseurs de tout poil pour les « #cashtags », en progression constante. En parallèle du demi-milliard de tweets traitant de sujets économiques et financiers sur le premier trimestre de cette année, émanant en majorité de jeunes entre 18 et 34 ans, environ 420 millions de recherches ont porté sur ces « mots-dollars » (?) dans la même période, soit 4,7 millions par jour en moyenne, avec des pointes à 8 millions lors d'annonces importantes.

Twitter x eToro

Pour autant, il me paraît très excessif de percevoir à travers cette addition une avancée majeure dans une hypothétique pénétration du secteur financier par Twitter. Non seulement le domaine choisi est-il réservé à une petite fraction de consommateurs (même outre-Atlantique), sans aucune perspective crédible de démocratisation massive, mais, de surcroît, la mise en œuvre opérationnelle, reposant sur un renvoi de l'internaute vers l'espace d'eToro, limite sérieusement sa pertinence et son intérêt réels.

Quant aux rêves de super app prêtés à Elon Musk, ils sont encore plus lointains, en dépit d'une démarche plus rationnelle que la plupart de celles observées par le passé, puisque nous avons bien affaire ici à une greffe de service (financier) sur un usage (spontané) préexistant (d'échanges sur la thématique boursière). Malheureusement, dans cette logique, l'expérience proposée n'a absolument rien de commun avec le niveau d'intégration qui a fait le succès tant envié en occident des chinois WeChat et Alipay.

Au bout de l'analyse, il reste avant tout une opération vraisemblablement lucrative pour eToro (et, comble de l'ironie, pour sa propre plate-forme sociale spécialisée) ainsi qu'une probable source de revenus (désespérément nécessaire) pour Twitter. En revanche, de mon point de vue, elle n'offre pas la moindre esquisse d'une transition révolutionnaire future pour le réseau social, surtout dans le contexte de sa perte d'audience et de confiance, qui nuit directement à sa capacité potentielle à imposer des fonctions financières embarquées, donc placées, au moins en partie, sous son contrôle.

samedi 15 avril 2023

Les régulateurs à l'assaut du greenwashing

FCA
L'importance croissante pour les clients des enjeux de responsabilité sociale et environnementale (RSE) dans les services financiers et la montée concomitante des abus de communication incitent progressivement les régulateurs à se pencher sur la question. Le réseau GFiN l'aborde ainsi à travers l'organisation d'un TechSprint dédié.

La préoccupation des autorités est évidemment légitime car le « greenwashing » – puisque tel est le nom attribué à ces dérives – constitue une forme de publicité mensongère et de vente frauduleuse, qui tombe automatiquement sous leur juridiction. La participation large à l'initiative (apparemment orchestrée sous la houlette de la FCA britannique), avec 13 institutions ayant immédiatement confirmé leur implication, donne une idée de leur sensibilité au sujet… et de leurs difficultés à le maîtriser.

Avant d'envisager les modalités d'une véritable lutte contre le phénomène, l'objectif assigné à ce premier TechSprint consistera à évaluer comment les technologies modernes, dont, notamment, l'intelligence artificielle, peuvent contribuer à identifier les cas dans lesquels « le marketing présente l'organisation comme bénéfique pour l'environnement ou la société, ou évitant des dommages dans ces mêmes domaines, alors que cela ne correspond pas à la réalité », selon la définition adoptée par le GFiN.

Concrètement, deux missions distinctes sont proposées aux entreprises invitées à soumettre leur candidature. L'une concerne les moyens qui pourraient être mis à la disposition des régulateurs afin de contrôler la véracité et l'exhaustivité des déclarations relevant de la RSE destinées aux consommateurs. La deuxième viserait plutôt à surveiller les médias dans lesquels les institutions financières s'expriment (sites web, réseaux sociaux, prospectus…), de manière à recenser les exemples de débordements.

GFiN Greenwashing Techsprint

Naturellement, en raison de son origine internationale, l'exercice, qui se déroulera en configuration à distance entre juin et septembre, porte sur des solutions applicables dans un contexte transfrontalier. Et, dans la pure tradition du GFiN, les firmes qui prendront part à l'aventure auront accès à son bac à sable « digital », qui fournit à la fois des données de test (synthétiques) et un environnement de développement, mais également une plate-forme d'innovation collaborative et un espace de démonstration.

Le résultat de la démarche, inédite (à ma connaissance), sera certainement intéressant à analyser, mais peut-être moins pour les concepts susceptibles d'en émerger que pour les inévitables interrogations qu'il risque de susciter, qui résonneront fortement avec les multiples polémiques en cours autour des problématiques de responsabilité sociale et environnementale. À défaut de fournir des réponses définitives, les outils pourraient-ils aider à objectiver ce qui, factuellement, est ou n'est pas du « greenwashing » ? Pourraient-ils concourir aux débats sur la transparence de l'information ? Etc.

vendredi 14 avril 2023

L'investissement à impact se démocratise

Malakoff Humanis
Aux côtés des innombrables solutions labellisées « responsables » qui ne servent qu'à donner bonne conscience aux investisseurs, les produits à impact (réel) deviennent de plus en plus accessibles au commun des mortels. Après Société Générale il y a quelques semaines, c'est maintenant Malakoff Humanis qui s'empare de l'opportunité.

Le principe sous-jacent reste toujours identique : plutôt que d'acquérir passivement en bourse des actions de sociétés (supposées) vertueuses, les consommateurs qui souhaitent que leur argent contribue activement à des projets en phase avec leurs valeurs et leurs aspirations se voient offrir la possibilité de prendre des parts dans un fonds composé de dettes privées – qui, en pratique, prennent la forme d'obligations – finançant exclusivement des initiatives directement alignées avec leurs objectifs.

En vérité, ce support – concocté en partenariat avec Sienna Investment Managers et focalisé sur les enjeux sociaux de la RSE (plus précisément la réduction des inégalités hommes-femmes, l'inclusion des personnes en situation de handicap dans l'entreprise et l'emploi des seniors) – est commercialisé depuis juin 2022. La nouveauté aujourd'hui est son introduction progressive parmi les options proposées aux souscripteurs de tous les dispositifs d’épargne salariale et d’épargne retraite distribués par l'assureur.

De toute évidence, cette mise en place au cœur des outils parmi les plus populaires auprès de nos concitoyens (notamment en raison de leur déploiement par leurs employeurs) constituent un excellent moyen de sérieusement démocratiser l'investissement à impact ! D'autant plus que seront concernés autant les offres destinées aux entreprises, de toutes tailles, par exemple à travers les PER obligatoires, que celles qui ciblent les adhérents individuels, y compris les travailleurs indépendants.

La seule réserve que je me permettrai de formuler sur l'annonce de Malakoff Humanis touche à l'impératif de transparence, qui n'est malheureusement pas évoqué. Au vu des fréquents abus et autres dérives dans le domaine de la responsabilité sociale et environnementale, il est en effet extrêmement important de prouver la réalité des promesses, ce qui pourrait aisément passer par une publication exhaustive des financements intégrés dans le fonds et leur finalité (espérons que tel est bien le cas).

Au-delà de la faculté pour le plus grand nombre de profiter de produits plus engagés que ceux auxquels ils ont habituellement accès, la démarche de Malakoff Humanis, si elle s'avère aussi performante qu'elle le laisse augurer, représente également une puissante arme de sensibilisation et d'éducation, dans un domaine où la connaissance du public est très parcellaire, voire totalement défaillante, et l'information objective est rare.

Malakoff Humanis – Épargne d'Entreprise

jeudi 13 avril 2023

BBVA intègre la décarbonation de ses clients

BBVA
Quels que soient leurs efforts en matière de responsabilité sociétale et environnementale (RSE), les grands groupes bancaires du monde entier subissent un feu nourri de critiques à propos de leur soutien à des clients aux bilans désastreux. Dans son dernier rapport de stratégie climatique, BBVA introduit une transparence bienvenue sur le sujet.

La démarche ne sort pas d'un chapeau magique, puisqu'elle fait partie des recommandations d'un consortium sectoriel (Glasgow Financial Alliance for Net Zero) pour la mise en place d'un plan de transition, mais l'établissement espagnol est le premier à la mettre en œuvre concrètement… et à démontrer de la sorte sa valeur. Son principe est relativement simple et devrait apporter un début de réponse aux indiscutables limites des modèles existants dans leur application aux métiers spécifique de la finance.

Je veux bien entendu parler de la source incessante de polémique que représentent les financements accordés aux industries polluantes (et autres impacts négatifs) : considérés par les uns comme faisant partie intégrante de l'empreinte carbone des bailleurs de fonds, qu'ils grèvent lourdement, et justifiés par les autres par l'impératif d'accompagner les besoins de changement de ces acteurs, il est une certitude sur laquelle tous doivent s'accorder, qui est le manque d'information fiable et objective sur ces opérations.

BBVA intègre donc désormais à son propre rapport annuel un ensemble de données relatives aux critères environnementaux de ses clients (seules les entreprises sont concernées, a priori), partant d'une analyse élémentaire (non partagée publiquement selon toute vraisemblance), à l'échelle de chacun d'eux, puis synthétisée par grands domaines, dont les plus problématiques (et les plus sensibles) sont en outre mis en exergue : pétrole et gaz, production d'énergie, automobile, acier, ciment et charbon.

BBVA y la descarbonización de sus clientes

Un aspect particulièrement intéressant de l'exercice est qu'il ne se contente pas d'une mesure des émissions de gaz à effet de serre des bénéficiaires de financements (pour laquelle un indicateur approprié est défini au préalable pour chaque catégorie d'organisations). En effet, en alignement avec le discours des institutions sur cette thématique, sont également inclus des objectifs quantitatifs de réduction à long terme, étalonnés par rapport à une cible générique estimée globalement (afin d'en percevoir le niveau d'ambition), assortis d'un suivi régulier des tendances vers leur atteinte.

En fournissant ainsi un aperçu un peu plus précis – dont j'espère qu'il s'améliorera au fil du temps – à la fois des impacts réels des engagements contractés et des orientations futures, le résultat devrait contribuer à rationaliser (et apaiser ?) les échanges entre les banques et leurs détracteurs : les affirmations des premières deviennent enfin vérifiables et les seconds peuvent passer d'un dénigrement théorique à des critiques ciblées et (idéalement) constructives. Encore faudra-t-il que l'exemple de BBVA soit suivi…

mercredi 12 avril 2023

Visa s'infiltre dans le paiement P2P

Visa
En dehors de quelques timides tentatives, rapidement avortées, Visa ne s'est jamais véritablement intéressée au segment des paiements entre pairs (P2P), qui a pourtant vu éclore une génération entière de géants (Venmo en tête). Dans l'espoir de reprendre la main, elle présente aujourd'hui une initiative visant à l'interopérabilité des outils existants.

Le résultat de la course qui s'est jouée il y a une décennie est un marché aux innombrables solutions, plus ou moins saturé, qu'il peut paraître vain de chercher à pénétrer maintenant mais qui offre une opportunité formidable en raison même de sa diversité. En effet, avec la croissance massive des usages, les adeptes sont confrontés à une friction récurrente lorsqu'ils souhaitent échanger de l'argent avec un correspondant recourant à un fournisseur de porte-monnaie « digital » différent de leur favori.

La seule réponse envisageable à ce jour consiste à créer un compte dans chacune des applications proposant ce genre de services, de manière à toujours trouver un terrain d'entente au moment d'exécuter un versement. Hélas ces systèmes requièrent souvent un dépôt et, surtout, conservent les encaissements dans leurs propres livres. Se pose alors le problème de la dispersion des sommes ainsi accumulées : comment les gérer, comment en utiliser la totalité librement sans avoir à jongler entre les logiciels…?

Avec le concept Visa+, la vie du consommateur redevient simple. Chaque individu conserve uniquement son (ou ses) moyen(s) de paiement préféré(s), dans le(s)quel(s) il lui suffit de définir un identifiant dédié à ses transactions externes. Par la suite, au sein de toutes les solutions compatibles, celui-ci peut être sélectionné comme destinataire d'un règlement, la plate-forme du réseau de cartes – qui réplique de la sorte son métier historique – se chargeant de réaliser le transfert entre les deux systèmes.

Visa+

Dans un premier temps, celui d'une expérience pilote qui s'étalera sur l'année 2023, seuls deux acteurs (étroitement liés) sont engagés, mais de taille : PayPal et Venmo. En parallèle, une poignée de partenaires de Visa rejoignent le navire, sur un autre scénario de mise en œuvre puisqu'il s'agit de déployer sur des sites commerciaux (de l'avance de salaire de DailyPay aux transferts internationaux de Western Union) une option unique de paiement intégrant automatiquement les principaux porte-monnaie virtuels.

Le lancement officiel de Visa+ est planifié pour la fin de cette année et une généralisation (au reste du monde ?) interviendrait dans le courant de 2024. Il restera tout de même à voir si les acteurs concernés – il en faudra beaucoup pour espérer le succès – suivront les deux mastodontes embarqués dans l'aventure : les gros pourraient se satisfaire de leur audience captive, les petits risquent de craindre une marginalisation et tous voudront évaluer au préalable les bénéfices potentiels de leur participation.

Au fil des annonces, se dessine la stratégie de Visa dans un univers des paiements qui promet de changer radicalement. Oubliées, apparemment, les velléités passées de prendre pied en bout de chaîne, dans les interactions entre utilisateurs finaux, la cible consiste maintenant plutôt à décliner le principe du réseau d'infrastructure (de ses origines) dans les domaines d'avenir – les monnaies « digitales » de banque centrale (MDBC) ou, ici, les applications P2P – en profitant de l'explosion des besoins d'interopérabilité entre une myriade d'outils génériques ou de niche.

mardi 11 avril 2023

La finance, complexe ou incompréhensible ?

Klarna
Dans sa recherche permanente de différenciation par rapport aux produits traditionnels, le spécialiste du paiement fractionné Klarna a commandité une étude, au Royaume-Uni, afin de déterminer le niveau de compréhension des consommateurs lors de la souscription d'une carte de crédit. Une démarche qui mériterait d'inspirer l'industrie…

L'exercice en question a été confié à Fairer Finance, un organisme indépendant qui s'est fait une spécialité outre-Manche d'évaluer les institutions financières sur l'éthique de leurs pratiques commerciales, vis-à-vis du grand public et des entreprises, en particulier à travers la qualité de leur communication. Bien qu'il paraisse singulièrement limité, puisqu'il ne porte que sur un maigre échantillon de 30 consommateurs (affiché comme nationalement représentatif), ses résultats donnent matière à réflexion.

Les cobayes ont ainsi été placés dans la situation d'un parcours de demande de carte de crédit (dont il n'est pas précisé l'origine). À l'issue de leur expérience, ils étaient ensuite interrogés sur plusieurs caractéristiques essentielles du contrat simulé : seuls deux sur cinq ont identifié les informations les plus basiques. Aux extrêmes, aucun n'était en mesure de fournir la réponse à la demande la plus ardue (sur les frais des opérations à l'étranger) et un tiers ne savaient même pas s'ils encourraient des frais annuels.

Dès lors, les organisateurs et les sponsors de l'enquête concluent que, la mise à disposition de données claires et exhaustives constituant un prérequis absolu à un marché sain, les émetteurs ne jouent pas leur rôle… et que, préoccupation du moment pour Klarna, la réglementation actuelle, qu'ils respectent pourtant, ne remplit pas sa mission. Ces faiblesses conduisent nombre de personnes à prendre des engagements dont elles ne maîtrisent pas tous les aspects, au détriment de leur bien-être financier.

Accueil Fairer Finance

Bien que le trait soit parfois un peu forcé, ces constats sont incontestables. En revanche, je suis plus perplexe sur l'analyse qui voudrait que la carte de crédit soit un produit complexe, dont les banques ne chercheraient pas à expliquer toutes les arcanes. Je pense au contraire que l'instrument lui-même est extrêmement simple et que la grande faute de ses distributeurs est d'en compliquer à loisir les paramètres… au point de ne plus savoir, quelle que soit leur réelle volonté, comment les présenter de manière lisible.

Même s'il y a une part de dissimulation délibérée dans les stratégies, la dérive est préjudiciable pour toutes les parties prenantes. Car les victimes de la confusion qui règne génèreront des frictions coûteuses pour l'établissement et si, en raison des carences de conseil, elles se retrouvent avec une solution qui ne correspond pas à ce qu'elles attendent (telle qu'elles la perçoivent), les conséquences sur leur satisfaction et sur leur santé financière se traduiront inéluctablement par des pertes de revenus.

Mais, avec une pointe de naïveté, je pense surtout que les institutions financières ne se rendent pas compte des barrières qu'elles dressent devant leur client avec leurs habitudes de communication, entre jargon et contraintes imposées par les juristes. C'est pourquoi je leur suggèrerais d'effectuer de temps à autres sur leurs offres un test équivalent à celui de Klarna et Fairer Finance : captez quelques clients sur leurs parcours et passez un moment avec eux afin de vérifier s'ils intègrent correctement tous les messages que vous croyez transmettre. Vous risquez d'être désagréablement surpris.