Alors que le projet d'euro numérique de la banque centrale européenne prend corps, les protestations des banques montent en puissance… notamment, ces derniers temps, parmi les participantes à l'initiative transfrontalière EPI, qui y voient une menace concurrentielle inacceptable pour leur propre porte-monnaie « digital » Wero.
Il est indéniable que les arguments avancés par l'industrie pour justifier ses récriminations ne manquent pas d'une certaine légitimité. En premier lieu, les ambitions portées par les deux groupes sont largement identiques, combinant la volonté de créer un système de paiement nativement électronique – évolution générationnelle par rapport à l'adaptation de la carte, inventée pour des transactions de proximité – et les velléités de souveraineté dans un secteur dominé par des entreprises américaines.
Prise sous cet angle, la duplication des efforts ressemble effectivement à une source d'inefficacité et de gaspillage, les adhérents à l'EPI ayant beau jeu de vanter la maturité de leur solution – bien que, après cinq années de développement, il lui reste encore du chemin à parcourir avant de remplir entièrement sa mission – pour rejeter une alternative qui n'apporte (et c'est une réalité) aucun avantage supplémentaire aux consommateurs et risque d'introduire de la confusion dans l'esprit de ces derniers.
Et même si j'ai pris l'habitude de me moquer des délais invraisemblables de déploiement du fameux porte-monnaie Wero, la proposition de la BCE de lancer un pilote de son euro numérique en 2027 paraît singulièrement optimiste, considérant que beaucoup d'incertitudes subsistent autour de son implémentation concrète. Quant à une émission généralisée, elle n'est pas envisagée avant 2029… date si lointaine que les retards seront inévitables. Ne sera-t-il pas alors, de toutes manières, trop tard ?
Derrière ces allégations, les banques masquent toutefois une de leurs principales inquiétudes, à savoir celle de la désintermédiation, puisque selon les choix opérationnels pour la future e-monnaie, leur rôle dans les paiements, aujourd'hui quasi incontournable, pourrait être sérieusement amputé. Incidemment, cette crainte montante explique peut-être le regain d'intérêt pour Wero d'établissements jusque-là frileux, soit à travers une intégration directe, soit via des mécanismes d'interopérabilité.
Ce point n'est résolument pas anodin car la couverture des outils existants constitue une faiblesse majeure face aux rêves de l'Europe… qui ne peuvent se penser que dans l'universalité de l'Union. Dans le même registre, l'adoption (réelle) est probablement une autre épine dans le pied de l'EPI, impossible à retirer tant que les règlements marchands ne seront pas disponibles (et sans connaître même le modèle économique qui leur sera appliqué). Ces inconnues ouvre une porte à la BCE… qui ajouterait aux risques.
Je ne suis pas particulièrement fan de l'euro numérique mais, au vu des lenteurs et des hésitations qui parsèment le parcours de Wero depuis sa naissance (et qui m'ont toujours inspiré la méfiance), il pourrait s'avérer utile comme option de secours. Et les banques ne pourront s'en prendre qu'à elles-mêmes et à leur incapacité à coopérer à grande échelle si elles ne parviennent pas à imposer leur offre avant son émergence.



Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Afin de lutter contre le spam, les commentaires ne sont ouverts qu'aux personnes identifiées et sont soumis à modération (je suis sincèrement désolé pour le désagrément causé…)