Comme les grandes banques du monde entier, Crédit Agricole S.A. publie ses résultats trimestriels et ceux de ce début 2024 sont exceptionnels, à hauteur de 1,9 milliards d'euros, autorisant l'ambition d'atteindre les 6 milliards pour l'exercice complet. Comment une telle position est-elle compatible avec l'esprit mutualiste revendiqué ?
Je précise immédiatement que je prends ici l'exemple du Crédit Agricole mais le même questionnement s'applique, à des degrés variables (légèrement), aux autres établissements issus de racines similaires. Tous ceux-là se sont en effet progressivement mis dans une situation extrêmement ambiguë, entre désirs de mettre en avant leur différence démocratique, dans la gouvernance de leur banque de détail (comme le souligne ces derniers temps une campagne publicitaire du Crédit Mutuel), et communication financière typique des grands groupes du secteur.
Comme dans la création des produits et services du quotidien, ces entreprises devraient se mettre à la place de leurs sociétaires face à cette cacophonie : possèdent-ils vraiment un quelconque pouvoir d'orienter les décisions stratégiques de leur teneur de compte ou ou la caisse locale n'est-elle qu'un rouage dans un empire comme les autres, d'abord préoccupé de dégager des bénéfices pour ses actionnaires, leur laissant tout au plus un rôle de marionnette dans une mise en scène soigneusement orchestrée ?
A minima, pour plus de transparence et de clarté, il serait bon de rapprocher les annonces purement boursières de leurs implications concrètes au niveau du réseau mutualiste. Après tout, ce dernier reste détenteur d'une majorité des parts de sa société cotée parente et profite à ce titre d'une fraction importante de la manne engrangée. Comment cet argent est-il concrètement utilisé ? Dans quelles conditions les conseils d'administration locaux ont-ils voix au chapitre ? Ces choix créent-ils un avantage distinctif démontrable par rapport aux institutions 100% capitalistes ?
En l'état, les consommateurs sont abandonnés seuls aux prises avec deux catégories de messages incompatibles, l'une qui défend des valeurs coopératives tellement idylliques qu'elles paraissent immédiatement suspectes et l'autre qui correspond à ce que le petit épargnant déteste probablement le plus au monde, à savoir les banques qui enregistrent des résultats faramineux… grâce à leur argent. Il n'est pas très difficile de deviner lequel prend généralement le dessus et de comprendre alors pourquoi l'argument du mutualisme est en sérieuse perte de vitesse auprès du grand public.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Afin de lutter contre le spam, les commentaires ne sont ouverts qu'aux personnes identifiées et sont soumis à modération (je suis sincèrement désolé pour le désagrément causé…)